Nucléaire iranien : l’Allemagne veut un accord plus large
L'Iran a rétorqué en évoquant le "soutien aveugle au terrorisme israélien"; les pays arabes exigent d'être consultés
L’Allemagne, qui préside actuellement l’Union européenne, a estimé vendredi qu’un simple retour à l’accord existant sur le nucléaire iranien ne suffirait plus et qu’il fallait l’élargir notamment aux programmes balistiques de Téhéran.
« Un retour à l’accord actuel ne suffira pas », a déclaré le chef de la diplomatie allemande Heiko Maas à l’hebdomadaire Der Spiegel, dans la perspective d’une possible relance de ce dossier après l’entrée en fonction du démocrate Joe Biden comme président des Etats-Unis.
« Il va falloir une sorte d’accord nucléaire plus, ce qui est aussi dans notre intérêt », a déclaré M. Maas.
Joe Biden a confirmé mercredi être favorable à un retour de son pays dans l’accord si les autorités iraniennes revenaient à « un respect strict » des limites imposées à leur programme nucléaire, avant des négociations sur les autres menaces posées par Téhéran.
« Nous avons des attentes claires à l’égard de l’Iran : pas d’armes nucléaires mais pas non plus de programme de missiles balistiques qui menace toute la région », a souligné pour sa part M. Maas, alors que l’Allemagne occupe jusqu’à la fin du mois la présidence semestrielle de l’UE.
« En outre l’Iran doit jouer un autre rôle dans la région. Nous avons besoin de cet accord justement parce que nous ne faisons pas confiance à l’Iran », a dit M. Maas, assurant qu’il s’était entendu sur ces points avec ses homologues français et britannique.
« Voici ce que @HeikoMaas et (Berlin, Londres et Paris) doivent faire avant de parler de ce que l’Iran devrait faire », a réagi sur Twitter le ministre des Affaires étrangères iranien Mohammad Javad Zarif : « Respectez vos obligations (…) et cessez de violer » l’accord de Vienne conclu en 2015 entre les grandes puissances et la République islamique.
« Mettez fin à VOTRE comportement malveillant dans NOTRE région : ventes d’armes de 100 (milliards de dollars aux monarchies arabes du) golfe Persique et soutien aveugle au terrorisme israélien ».
L’actuel président américain Donald Trump, qui quittera la Maison Blanche en janvier, a claqué la porte en 2018 de l’accord conclu par les Etats-Unis, la Chine, la Russie, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni avec l’Iran pour l’empêcher de se doter de l’arme nucléaire, le jugeant insuffisant pour endiguer les comportements « déstabilisateurs » de la République islamique.
Dans la foulée, le président républicain a rétabli puis durci les sanctions américaines levées en 2015, au grand dam des alliés européens de Washington qui disent vouloir sauver l’accord mais que Téhéran accuse de n’avoir rien fait pour l’aider à contourner les sanctions américaines.
Joe Biden a confirmé mercredi son projet de revenir dans cet accord. « Cela sera difficile, mais oui », a-t-il dit à un éditorialiste du New York Times.
M. Biden exige cependant que l’Iran revienne d’abord au respect plein et entier de l’accord de Vienne alors que Téhéran, qui a commencé à s’affranchir de plusieurs de ses engagements clef à partir de 2019 en riposte au retrait américain, exige que Washington fasse le premier pas en levant ses sanctions.
Seulement après un retour de Washington et de Téhéran dans les clous de l’accord, « en consultation avec nos alliés et partenaires, nous engagerons des négociations et des accords de suivi pour durcir et prolonger les restrictions nucléaires imposées à l’Iran et pour aborder le programme de missiles » iranien, a expliqué Joe Biden.
Le Conseil suprême de la sécurité nationale d’Iran (CSSNI) a appelé samedi à « renforcer l’unité nationale » après une violente polémique entre le gouvernement et le Parlement à propos d’une loi controversée sur la question nucléaire.
Ce texte a été approuvé mercredi par le Conseil des Gardiens de la Constitution après son vote au Parlement.
Pour être promulguée, la loi doit encore être signée par le président Hassan Rouhani, mais celui-ci ne devrait pas se précipiter compte tenu de son opposition au texte.
Selon les médias iraniens, le texte enjoint le gouvernement à prendre immédiatement des dispositions pour produire et stocker au « moins 120 kilogrammes par an d’uranium enrichi à 20 % » et l’appelle à « mettre fin » aux inspections de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Ces deux dispositions, si elles étaient appliquées, iraient à l’encontre des engagements pris par la République islamique lors de l’accord international sur le nucléaire iranien conclu à Vienne en 2015.
Elle risqueraient également de renvoyer la question nucléaire iranienne devant le Conseil de sécurité de l’ONU, ce qui achèverait de tuer cet accord en sursis.
Dans un communiqué repris par les agences iraniennes, le CSSNI estime que le texte de loi « ne pose pas de problème spécifique pour l’intérêt national », contrairement au « désordre » créé par des « attitudes et remarques récentes » ayant « sacrifié l’intérêt national à des intérêts partisans ».
La sortie du Conseil intervient après de vigoureux échanges entre le président du Parlement Mohammad-Bagher Ghalibaf et le président Rouhani.
Le Parlement a intensifié et accéléré ses travaux sur cette initiative de loi (introduite début novembre) après l’assassinat le 27 novembre du père du nucléaire, Mohsen Fakhrizadeh, dans une attaque que les autorités attribuent à Israël.
Mercredi, Rouhani avait jugé le texte « nuisible » aux efforts diplomatiques.
Les pays du Golfe doivent être pleinement consultés si un accord sur le nucléaire iranien est réactivé par les Etats-Unis, a déclaré samedi le chef de la diplomatie saoudienne, avertissant que c’était la seule manière d’obtenir un accord durable.
« Ce que nous attendons avant tout, c’est que nous soyons pleinement consultés, que nous et nos autres amis de la région soyons pleinement consultés dans ce qu’il se passe au sujet des négociations avec l’Iran », a déclaré à l’AFP le ministre saoudien des affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan.
« La seule façon de parvenir à un accord durable est de procéder à une telle consultation », a-t-il ajouté en marge d’une conférence sur la sécurité à Manama, au Bahreïn.
« Je pense que nous avons constaté qu’en raison des conséquences de la JCPOA (accord de Vienne sur le nucléaire iranien, ndlr), le fait de ne pas impliquer les pays de la région entraîn(ait) une accumulation de méfiance et une négligence des questions qui sont réellement préoccupantes et qui ont un effet réel sur la sécurité régionale », a souligné le ministre saoudien.
A la question de savoir si l’administration du président américain élu, Joe Biden, avait déjà pris des contacts en vue d’une forme d’accord renouvelé avec l’Iran, le prince Faisal a répondu qu’il n’y avait pas encore de contacts mais que « nous sommes prêts à nous engager avec l’administration Biden dès qu’elle prendra ses fonctions ».
« Nous sommes convaincus que le nouveau gouvernement Biden, mais aussi nos autres partenaires, y compris les Européens, ont pleinement reconnu la nécessité d’impliquer toutes les parties régionales dans une résolution », a-t-il déclaré.