Ostracisé par les pays du Golfe, le Qatar vise l’autosuffisance alimentaire
Le petit pays du Golfe fait face à un embargo économique imposé par certains de ses voisins en raison d'accusations de "terrorisme" et de rapprochement avec l'Iran
Entouré par ce qui était autrefois un désert aride du Qatar, Nezar Al Atawneh ramasse une courge spaghetti géante et la soulève pour évaluer son poids.
« Celle-ci doit peser au moins huit kilos », proclame-t-il fièrement.
M. Atawneh, directeur des opérations de la Qatarat Agricultural Development Company (QADCO), joue aux devinettes au milieu d’un champ de courges prêtes à être récoltées dans la municipalité d’Al Daayen, à 40 kilomètres au nord de la capitale Doha.
Les champs sont une nouveauté dans ce petit pays du Golfe où le paysage est principalement constitué de dunes de sable, où l’eau est rare et où les températures estivales atteignent 50 degrés Celsius.
Mais depuis juin 2017, le Qatar, qui importait l’essentiel de sa nourriture, donne la priorité à la production alimentaire locale en réponse à un embargo économique imposé par certains de ses voisins.
Il y a deux ans, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte ont brusquement rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar et ont interrompu les liaisons aériennes, maritimes et terrestres avec ce riche émirat gazier de 2,7 millions d’habitants en raison d’accusations de « terrorisme » et de rapprochement avec l’Iran.
« Depuis le blocus, nous travaillons 24 heures sur 24. Nous avons remis en état de vastes étendues de terrain et augmenté la production », déclare Thawad Mohd Al Kuwari, directeur général de QADCO.
« L’eau: un gros problème »
Dans les jours ayant suivi l’entrée en vigueur de l’embargo, les rayons des supermarchés se sont vidés car les habitants du Qatar craignaient des pénuries alimentaires si les voies d’importation étaient bloquées.
Doha a réagi rapidement en mobilisant notamment sa grande compagnie aérienne Qatar Airways pour transporter de la nourriture à partir de pays amis comme la Turquie, l’Iran et le Maroc.
Mais le coût du fret aérien a mis en évidence l’importance de la production alimentaire locale.
La production de QADCO, propriété de l’ex-premier ministre Abdallah ben Khalifa Al Thani, a presque triplé depuis le début de la crise. D’une base quotidienne de sept à neuf tonnes de légumes, « nous atteignons maintenant 25-30 tonnes » pendant la haute saison en dépit des conditions climatiques, indique le directeur général de la compagnie.
« Le Qatar a des conditions très dures: températures élevées, humidité élevée. Il n’est pas facile de surmonter ces défis, il faut donc avoir des techniques et des pratiques agricoles spéciales », explique M. Atawneh en marchant entre des rangées de tomates mûres.
La création d’une parcelle de terre arable prend environ un an de préparation. Il faut d’abord briser la couche rocheuse, creuser le sable, puis recueillir l’argile avant de la mélanger à des résidus organiques pour rendre le sol suffisamment fertile pour les cultures.
Il faut aussi installer des kilomètres de tuyaux noirs pour l’irrigation. « L’eau est un gros problème, elle a une salinité élevée » et nécessite un traitement, dit M. Atawneh qui est ingénieur.
« Le blocus nous a aidés »
Le Qatar dépend principalement des puits et de l’eau souterraine, ainsi que du dessalement. Lorsqu’il n’inspecte pas les cultures de ce projet de 650 hectares, M. Atawneh expérimente de nouvelles semences, des techniques de culture et des mesures d’économie d’eau.
Il s’enorgueillit aussi de cultiver des « légumes propres » en utilisant le moins d’agents chimiques possible, les rendant « semi-biologiques », dit-il en cueillant un concombre dans une serre climatisée.
Les agriculteurs ont dû investir massivement, QADCO à elle seule ayant investi 5,5 millions de dollars pour étendre ses activités afin de soutenir l’effort d’autosuffisance du pays.
L’entreprise espère augmenter le nombre de serres et de champs arables d’environ 50 % d’ici début 2020.
M. Kuwari admet que le coût de l’agriculture « est très élevé ici ». « Personne n’aime perdre de l’argent, dit-il, ajoutant que son entreprise est rentable.
Selon le ministère de l’Agriculture, près d’un quart des légumes vendus localement sont maintenant d’origine locale, contre seulement 12% en 2016.
Le Qatar espère être autosuffisant à 70 % d’ici 2023 et un département de la sécurité alimentaire a été créé au sein du gouvernement pour atteindre cet objectif.
L’émirat a bâti des industries laitières et avicoles à partir de zéro, passant de l’importation de 98 % de ses besoins à la recherche d’une entrée sur le marché de l’exportation.
QADCO a étudié la possibilité d’exporter des fruits et légumes à des clients potentiels en Ukraine et en Russie mais, pour l’instant, les autorités ne le permettent pas car la priorité est donnée à l’autosuffisance, concept nouveau que Doha a dû adopter à grands frais.
« Le blocus nous a tellement aidés », souligne le directeur général de QADCO. « Cela a aidé notre pays et nos dirigeants à se concentrer sur leur propre population ».
... alors c’est le moment d'agir. Le Times of Israel est attaché à l’existence d’un Israël juif et démocratique, et le journalisme indépendant est l’une des meilleures garanties de ces valeurs démocratiques. Si, pour vous aussi, ces valeurs ont de l’importance, alors aidez-nous en rejoignant la communauté du Times of Israël.
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cette raison que nous avons créé le Times of Israel, il y a de cela onze ans (neuf ans pour la version française) : offrir à des lecteurs avertis comme vous une information unique sur Israël et le monde juif.
Nous avons aujourd’hui une faveur à vous demander. Contrairement à d'autres organes de presse, notre site Internet est accessible à tous. Mais le travail de journalisme que nous faisons a un prix, aussi nous demandons aux lecteurs attachés à notre travail de nous soutenir en rejoignant la communauté du ToI.
Avec le montant de votre choix, vous pouvez nous aider à fournir un journalisme de qualité tout en bénéficiant d’une lecture du Times of Israël sans publicités.
Merci à vous,
David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel