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Ouverte pour contrer l’université « woke », une fac du Texas se démarque après le 7 octobre

Avec des étudiants et professeurs juifs, cette établissement privé spécialisé dans les humanités qui dépend de l'université d'Austin va inaugurer sa toute première formation de premier cycle

Ricky Ben-David est journaliste au Times of Israël

Des manifestants anti-Israël défilent entre l'hôtel de ville de Philadelphie et le campus de l'Université de Drexel où ils ont installé un campement à Philadelphie, en Pennsylvanie, le 18 mai 2024. (Matthew Hatcher / AFP)
Des manifestants anti-Israël défilent entre l'hôtel de ville de Philadelphie et le campus de l'Université de Drexel où ils ont installé un campement à Philadelphie, en Pennsylvanie, le 18 mai 2024. (Matthew Hatcher / AFP)

AUSTIN, Texas – Le troisième étage de ce gratte-ciel historique du centre-ville d’Austin, au Texas – l’accès à l’ascenseur qui permet d’y monter est restreint – peut sembler être un lieu inattendu pour accueillir un campus universitaire. C’est pourtant là qu’une nouvelle université privée se prépare à ouvrir ses portes à des étudiants de premier cycle, cet automne. Ils y prendront part à son cursus inaugural.

Selon Pano Kanelos, président et fondateur de l’établissement d’enseignement supérieur, l’Université d’Austin (UATX) a pour ambition de s’attaquer au déclin perçu de la liberté intellectuelle dans les universités établies qui n’accordent plus la priorité à la connaissance. Elle veut mettre l’accent sur la pensée critique, le débat vigoureux et sur l’argumentation solide, ajoute-t-il.

« Notre principale motivation est de renouveler et de retrouver l’esprit de l’enseignement supérieur », explique Kanelos, spécialiste de Shakespeare devenu un avocat fervent de l’éducation classique – l’étude basée sur les textes humanistes traditionnels qui sont ancrés dans la pensée occidentale – suite à des années qui, selon lui et d’autres, ont été marquées par un fort éloignement de l’objectif principal qui était jusque-là poursuivi par l’enseignement supérieur et par la recherche académique.

L’ouverture de l’école, qui date du 26 août – cela faisait plusieurs années qu’elle était en préparation – arrive à un moment que beaucoup décriront comme charnière, dans l’enseignement supérieur aux États-Unis. En effet, les mouvements de protestation, sur les campus, qui dénoncent la guerre que mène Israël contre le Hamas à Gaza attirent l’attention sur les batailles culturelles plus large qui animent actuellement le milieu universitaire, des batailles auxquelles l’UATX cherche à s’attaquer.

L’université a été établie dans le sillage d’un certain nombre de d’événements culturels qui ont été des moments charnières dans la vie publique américaine, ces dernières années, et qui ont eu une forte influence sur la manière dont les Américains parlent de race, de sexualité, de genre et autres sujets brûlants – et sur la manière dont ces problématiques sont envisagées plus largement.

Suite aux émeutes de 2020 qui dénonçaient le racisme aux États-Unis, il y avait eu une relance du débat sur la question de la race en Amérique et de vives discussions sur la façon dont cette dernière est enseignée dans les écoles et dans les universités. Les programmes Diversité, Égalité et Inclusion (DEI) avaient également suscité un nouvel intérêt – cela avait été notamment le cas des programmes « de formation à la diversité » qui avaient été lancés dans toutes les entreprises américaines. Une attention déterminante avait aussi été portée à la manière dont de tels programmes avaient pu avoir un impact sur la liberté d’expression et sur la liberté académique.

Le président de l’UATX, le professeur Pano Kanelos, dans son bureau du centre-ville d’Austin, au mois de mars 2024. (Crédit : Ricky Ben-David/Times of Israel)

Au Texas, le gouverneur républicain Greg Abbott avait ratifié une loi, l’année dernière, qui interdisait les programmes DEI au sein des universités publiques de l’état – ce qui a entraîné l’élimination de dizaines d’emploi lorsque la législation est entrée en vigueur, cet été – pendant une année électorale épineuse. L’initiative prise par Abbott avait été considérée comme une victoire pour le parti républicain et d’autres états placés sous la direction du même parti, notamment la Floride, l’Utah et le Tennessee avaient rapidement suivi cet exemple en interdisant ou en limitant les programmes DEI au sein des institutions publiques.

Ces derniers mois, les établissements d’enseignement supérieur américains ont été placés sous le feu des projecteurs en raison de leur prise en charge du sentiment anti-israélien qui a prévalu sur les campus après le pogrom commis par les hommes armés du Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre, et la guerre à Gaza qui a suivi. Des manifestations qui, ont affirmé les étudiants, les professeurs juifs et d’autres, ont donné lieu à des expressions d’antisémitisme, faisant naître chez les étudiants juifs un sentiment d’insécurité. Les répercussions de ces mouvements de protestation ont compris la démission de trois présidentes d’établissements de l’Ivy League et une attention nouvelle portée à la manière dont les responsables des universités ont été amenés à prendre en charge le problème.

Dans de nombreux endroits, les manifestations ont été perçues comme entrant dans le cadre de la bataille culturelle plus large qui agite l’enseignement supérieur depuis des années : le conflit entre les initiatives prises, d’un côté, par les universités pour créer des espaces sûrs et inclusifs pour les étudiants et pour les enseignants représentatifs d’une grande diversité de convictions et d’origine, et ceux qui, de l’autre côté, considèrent ces efforts livrés comme la dernière déclinaison en date de la culture dite « du politiquement correct », accusée de museler la parole en « canceling » (« annulant ») toutes les personnes dont les idées ne sont pas jugées suffisamment conformes aux idéaux progressistes.

Les soutiens de l’UATX cherchent ainsi à contrer ce qui, selon Panelos, s’apparente à l’imposition progressive – quoique forcée par définition – de « protocoles idéologiques » dans les universités, qui ont fini par « dénaturer la connaissance ».

« Les universités ont toujours été des lieux de réflexion, des lieux que l’on consacre à la réflexion, à l’acquisition de nouvelles connaissances, à la transmission des savoirs, à la préservation de ces apprentissages », explique-t-il au Times of Israel lors d’une interview réalisée dans les locaux du nouvel établissement d’enseignement supérieur, au printemps dernier. Dans les institutions traditionnelles, « tout semble indiquer qu’il y a une sorte d’éloignement face à cet engagement déterminant » et dans « de nombreuses universités, sinon dans la majorité – et en particulier dans les universités d’élite – la recherche de la connaissance n’est peut-être pas toujours prioritaire ».

Si l’UATX a été imaginée il y a longtemps, bien avant que la guerre entre Israël et le Hamas ne remette la question de l’antisémitisme sur les campus au premier plan, Kanelos indique qu’il a, en partie, créé l’université « parce que les éléments qui entraînent aujourd’hui ces agitations antisémites sur les campus, les positionnements idéologiques qui sont à leur origine, nous les avions déjà identifiés il y a déjà des années en les considérant comme problématiques » pour les institutions universitaires.

« À de nombreux égards, nous avons créé cette université pour mettre en place un établissement d’enseignement supérieur préservé des idéologies qui génèrent certains des comportements les plus immondes qui nous ont été donnés à voir sur les campus », déclare-t-il au Times of Israel. Notre entretien a eu lieu une semaine avant que le tout premier campement pro-palestinien ne soit installé dans une université américaine.

Un manifestant anti-Israël portant un bandeau du Hamas faisant un geste vers des contre-manifestants pro-Israël, au Baruch College, à New York, le 6 juin 2024. (Crédit : Luke Tress via JTA)

L’UATX compte « un nombre très significatif de candidats et de professeurs juifs », ajoute-t-il.

Le nombre d’étudiants appelés à intégrer la nouvelle école est autour d’une centaine – certains viennent tout juste de sortir du lycée ; d’autres ont déjà une expérience de l’université ou de l’enseignement supérieur. Les élèves ont été sélectionnés après l’étude des dossiers d’environ 2 500 candidats et à l’issue d’une procédure d’admission que l’UATX qualifie de « rigoureuse » : les notes, bien sûr, mais également divers examens portant sur les connaissances et les aptitudes individuelles, avec notamment une dissertation et une lettre de motivation.

Kanelos explique que l’établissement cherche à recruter des étudiants « comme on recrute une équipe de football professionnelle : en choisissant chaque étudiant avec soin, car c’est lui qui créera la culture fondatrice de l’université ».

Cette culture est d’une grande importance pour l’établissement qui vient tout juste d’obtenir son accréditation et dont la devise appelle à la fois le corps enseignant et les étudiants à s’engager dans une « recherche intrépide de la vérité ».

Construire une nouvelle université

Cela fait trois ans que l’arrivée de cette toute première promotion est en préparation. Tous les étudiants recevront une bourse intégrale grâce à une campagne de collecte de fonds qui a permis de récolter 250 millions de dollars auprès de donateurs privés.

La création de l’UATX avait été annoncée à l’hiver 2021 avec quelques grands noms controversés. Parmi eux, l’ancienne rédactrice en chef du New York Times Bari Weiss, journaliste et commentatrice américaine de Free Press ; le célèbre historien Niall Ferguson et l’autrice et universitaire américano-néerlandaise d’origine somalienne Aayan Hirsi Ali, dont le travail contre l’islamisme lui avait valu d’être très critiquée par la gauche de l’échiquier politique qui l’avait accusée d’islamophobie (elle est aussi, au civil, l’épouse de Ferguson).

La nouvelle de l’ouverture de l’université avait été accueillie par de nombreux sarcasmes. Un média avait évoqué une institution « anti-woke » et le projet a depuis suscité des critiques, qui ont principalement pris pour cible ses fondateurs. Certains ont laissé entendre que l’école ne serait pas à la hauteur.

Dans un éditorial intitulé « L’université d’Austin défend la fraude à la liberté d’expression », le Harvard Crimson a affirmé que « en fin de compte, l’UATX ne semble guère se soucier de la liberté d’expression », ajoutant qu’elle « représente une tentative tordue, de la part d’un petit groupe de personnes frustrées, d’imposer leur orthodoxie aux autres ».

Un éditorialiste de MSNBC a estimé, pour sa part, qu’il n’y avait « aucun fond » derrière l’initiative « prétendument académique » prise par un « groupe d’universitaires et de journalistes conservateurs et anticonformistes », et il a affirmé que la nouvelle université semblait être « la dernière et la plus importante fraude, à ce jour, d’une longue liste d’arnaques en lien avec la ‘cancel-culture’. »

Sarah Jones, journaliste de premier plan pour le New York Magazine, a pour sa part accusé Kanelos d’avoir présenté de manière erronée l’histoire des universités lorsqu’il avait déclaré « que dans le passé, elles ne subissaient pas les pressions des donateurs ou les lâchetés administratives ou, plus exactement, quand il a affirmé qu’elles ne subissaient pas l’activisme agaçant des étudiants. Une histoire qui n’existe, malgré tout, que dans son imagination ».

Le candidat républicain à la présidence et ancien président des États-Unis Donald Trump tenant une conférence de presse à l’extérieur du Trump National Golf Club Bedminster, à Bedminster, dans le New Jersey, le 15 août 2024. (Crédit : Adam Gray/Getty Images North America/Getty Images via AFP)

« Les universités ont toujours été des lieux de tensions où le libre échange des idées entraîne souvent des turbulences intellectuelles », ce que « Kanelos, Weiss et leurs camarades » cherchent à fuir, a-t-elle écrit.

Jones a aussi comparé l’UATX à la Liberty University, une institution chrétienne qui avait été fondée en 1971 par le télévangéliste et activiste conservateur Jerry Falwell, devenu célèbre pour ses campagnes contre la déségrégation et contre le mouvement des droits civils américains. Des écoles comme Liberty « sont des laboratoires pour la pensée de droite » et elles sont « attachées non pas à la liberté d’expression, mais à l’endoctrinement », a affirmé la journaliste. L’UATX ne sera « pas différente », a-t-elle continué, qualifiant l’établissement « d’institution biblique pour le libéralisme débridé » – mais sans la bible.

Les critiques les plus fortes ont été toutefois réservées aux personnalités directement impliquées dans l’université : Weiss a été décrite comme  » une tribune auto-proclamée du peuple » ; Ferguson comme « un historien de Stanford qui a été limogé pour avoir tenté ouvertement de salir un étudiant de premier cycle qui avait pour seul tort d’être progressiste ».

Mais les membres fondateurs de l’UATX restent impassibles face à ces attaques.

Photo d’illustration : Une vue aérienne du centre-ville d’Austin, au Texas, au mois d’août 2023. (Crédit : felixmizioznikov via iStock by Getty Images)

La majorité des critiques, explique Kanelos, « ont concerné les personnes rattachées au projet ; ils ne savaient même pas que nous étions en train de mettre en place une université. Ils disent des choses comme : ‘Nous n’aimons pas Bari Weiss et ce projet ne peut donc être que fasciste, d’une façon ou d’une autre’. Ils n’ont même pas pris le temps de se renseigner sur les 50 autres personnes qui sont impliquées ».

Weiss et Ferguson font tous les deux partie du conseil d’administration de l’UATX aux côtés de Kanelos, et Ali est membre du bureau de surveillance, qui comprend aussi le président émérite de l’université de Harvard Larry Summers, le doyen du Shalem College Leon Kass, Caitlin Flanagan de The Atlantic, et l’auteur et psychologue Jonathan Haidt.

Ce qui les unit, c’est la conviction que quelque chose s’est brisé dans l’enseignement supérieur traditionnel. Le bestseller de Haidtn, « The Coddling of the American Mind », qui était sorti en 2018, s’inquiétait de l’intolérance croissante des étudiants face aux arguments avec lesquels ils étaient en désaccord et s’alarmait de voir que les établissements cédaient à leurs demandes, au détriment, selon l’autrice, de l’acquisition des connaissances et des écoles.

La journaliste américaine Bari Weiss lors d’une interview avec l’ex-députée Einat Wilf (absente de la photo) à la chapelle de l’hôtel Jaffa le 28 janvier 2024. (Salon international de Tel Aviv)

L’université a aussi attiré l’attention, avant sa première rentrée, en raison d’un programme offert, pendant l’été, à des lycéens. Il était intitulé « les cours interdits » et ce sont des professeurs venus, entre autres, de l’université de New York, de l’université de Chicago, de l’université de Columbia et de l’université Brown qui sont intervenus auprès des élèves. Weiss avait fait la promotion du programme sur son podcast et son implication avait suscité des critiques.

D’autres personnalités ont pu aussi prendre part à des programmes de l’UATX – comme l’entrepreneur high-tech Marc Andreessen et l’ancien Premier ministre canadien Stephen Harper. Des investisseurs, des experts ou des intellectuels sont aussi intervenus auprès des élèves.

Un cours donné, pendant l’été, par Bari Weiss à l’UATX, une image prise sur une vidéo de promotion de l’université. (Capture d’écran/YouTube)

Les étudiants en premier cycle qui pousseront les portes de l’université, cette année, commenceront une licence – c’est le seul programme qui est proposé pour le moment par l’établissement – en études libérales, un cursus qui englobe un large éventail de domaines, notamment la littérature, les sciences humaines, l’histoire, la philosophie et les sciences.

Les deux premières années se consacreront à ce que l’université appelle « les Fondements intellectuels ». Ils étudieront les œuvres de Homère, de Platon, de George Orwell, de Tocqueville, de Confucius ou de Descartes, entre autres. Également au menu des lectures, le Livre de la Genèse et l’évangile de Jean.

La tête du département des Fondements intellectuels a été confiée au professeur Jacob Howland, doyen du programme et ancien enseignant en philosophie au sein de l’université de Tulsa. Howland a aussi été, dans le passé, une personnalité de premier plan du Fonds Tikvah, une fondation philanthropique conservatrice qui investit dans des initiatives éducatives en Israël et aux États-Unis.

En troisième année et en quatrième année, les étudiants se mettront en quête de bourses et de stages dans leurs domaines de compétence et ils travailleront avec des experts et avec des chercheurs des différents centres de l’UATX : le Centre d’Économie, de politique et d’histoire, le Centre d’Arts & lettres ou le Centre de Sciences, de technologie, de génie & de mathématiques.

« Notre programme n’est pas destiné aux âmes sensibles », a averti l’université. « Les cours auront un objectif défini, ils seront cohérents et intellectuellement rigoureux. C’est très exactement ce à quoi devrait ressembler l’éducation ».

Qui se ressemble s’assemble

Kanelos déclare que le campus a été fondé pour contrer la « pensée unique » et « les comportements atroces » qui, dit-il, sont venus à bout du libre échange des idées sur les autres campus américains – même si certains affirment que le nouvel établissement d’enseignement supérieur est en train de créer sa propre chambre d’écho.

Certains des étudiants interrogés par le Times of Israel ont fait part de leur désir de faire partie d’un groupe choisi d’âmes sœurs, tout en critiquant les pressions exercées par leurs pairs et l’homogénéité politique et idéologique qui, selon eux, sont bien présentes aujourd’hui sur les campus américains.

« Je suis très content de rencontrer des gens qui ont le même état d’esprit que moi, des gens passionnés, convaincants, aux convictions fermes », a expliqué Sam Indyk, 18 ans, au Times of Israel au cours d’un entretien via Zoom, au printemps. « Nous avons besoin de pluralisme intellectuel et de plus de discussions ».

Indyk, l’aîné d’une fratrie de huit enfants, qui est né dans une famille juive des environs de Washington, DC, a raconté avoir entendu parler de l’université par son père. Il ajoute avoir « tout de suite » envisagé d’y déposer son dossier de candidature.

Et c’est une rencontre organisée par l’UATX en direction des lycéens qui l’a aidé à prendre la décision de continuer ses études au sein de la nouvelle université privée.

Le professeur Jacob Howland, doyen du département des Fondements intellectuels, parle aux étudiants au mois d’avril 2024 dans le cadre d’un événement organisé par l’université à Austin. (Autorisation)

Une décision qui a compris une part de risque. L’université n’a aucun antécédent et si elle est reconnue par le Texas comme un établissement en droit de décerner des diplômes, elle est encore en attente de son accréditation définitive – ce qui pourra prendre cinq à sept ans.

Indyk, qui suivra un cursus orienté vers l’informatique et vers les Sciences des données, a noté que sa famille l’a soutenu lorsqu’il a annoncé sa décision de déposer son dossier à l’UATX et d’y faire sa rentrée à l’automne, même si cette décision, a-t-il raconté, a surpris certains de ses amis ou de ses camarades de classe.

Pour Indyk et pour d’autres, c’est le goût de la nouveauté qui l’a emporté face à tous les autres critères de sélection s’agissant du choix de leur université – ce qui diffère de la manière dont les lycéens américains appréhendent traditionnellement les établissements d’enseignement supérieur.

« Il n’y a pas de nouveaux collèges ou de nouvelles universités alors oui, c’est un risque. Mais ce risque vaut la peine à 100 % à mes yeux. Avoir une expérience sans précédent dans un nouvel établissement d’enseignement supérieur, c’est quelque chose qui me paraît précieux », a-t-il continué. « Je veux faire des choses qui n’ont jamais été faites auparavant et je veux aider à construire de nouvelles traditions ».

Jacob Hornstein, 19 ans, est également issu d’une famille juive du secteur de DC. Il a fréquenté l’université George Mason et il a pris une année sabbatique. Il a déclaré avoir entendu parler de l’UATX grâce au podcast de Weiss, ce qui a excité sa curiosité. Et même si l’école est nouvelle, il a indiqué avoir été attiré par « les personnels de très grande qualité », a-t-il confié au Times of Israel.

Alors qu’il prévoyait d’intégrer une faculté de droit pour devenir avocat spécialisé dans la constitution, Hornstein a dit avoir été « horrifié par ce qui arrive en ce moment sur les campus ». Il a ajouté qu’il considérait que les universités traditionnelles étaient « complices » du danger que fait planer le climat actuel sur les étudiants juifs.

Des manifestants anti-Israël défilent entre l’hôtel de ville de Philadelphie et le campus de l’Université de Drexel où ils ont installé un campement à Philadelphie, en Pennsylvanie, le 18 mai 2024. (Matthew Hatcher / AFP)

Aucun des étudiants interrogé par le Times of Israel ne parle des manifestations ou de l’antisémitisme sur les campus comme facteur explicatif de leur inscription à l’UATX, mais ils sont nombreux à penser que l’établissement sera épargné par ce tumulte, ce qui constitue à leurs yeux un avantage certain.

« L’Université d’Austin sera sûre pour les étudiants juifs », estime Eitan Zarin, 18 ans, lors d’une entrevue via Zoom depuis la maison de ses parents dans les environs de Los Angeles.

Enfant de parents israéliens, Zarin ira à l’UATX après le lycée pour étudier « les STEM – mathématiques, physique, ingénierie – et pouvoir ainsi résoudre les problèmes qui se poseront à l’avenir ».

« J’ai vraiment hâte d’être là-bas, au milieu de gens compétents, travailleurs, curieux », dit-il, ajoutant que les étudiants de l’UATX ont pour « objectif commun de construire quelque chose de nouveau ».

Une startup universitaire

Indyk, Hornstein et Zarin se sont récemment rendus à Austin pour la « Semaine des admis » : ils ont pu rencontrer leurs professeurs et d’autres membres du personnel, participer à des séances éducatives et des événements sociaux, pour se faire des connaissances, sans compter les nombreuses activités de plein air.

Ils se sont également rendus sur le campus de l’UATX et ses près de 3000 mètres carrés, dans le Scarbrough Building et ses huit étages, dans le centre-ville d’Austin, présenté comme le tout premier gratte-ciel de la ville lors de son inauguration en 1910.

D’ici, on se trouve seulement à quelques pâtés de maisons du capitole de l’État, à l’angle de Congress Avenue et de Sixth Street dans le quartier commercial d’Austin, réputé pour ses lieux de divertissement et ses concerts en direct.

Le bâtiment Scarbrough, et ses huit étages, se détache sur le côté gauche de la photo, à Austin, au Texas, le 2 mars 2023. (Ceri Breeze/iStock)

Située au-dessus d’un restaurant de tacos, la faculté ressemble davantage à une start-up bien financée qu’à un établissement d’enseignement supérieur, même s’il y règne une atmosphère résolument old school et académique.

On y trouve d’élégants tons de bleu et de brun, des bureaux et des tables de bois massif, des canapés et des fauteuils qui fleurent bon le cuir, des luminaires assortis, des lampes de lecture en laiton et une belle bibliothèque avec des meubles vintage fraîchement arrivés de l’Université de Cambridge.

L’espace est habilement divisé en amphithéâtres, espaces communs, coins lecture, salles de réunion et bureaux pour les personnels et les professeurs. On y trouve aussi une cuisine ouverte entièrement équipée non loin de l’entrée. (Les étudiants sont logés dans un autre quartier d’Austin.)

Les nombreuses fenêtres offrent une vue imprenable sur la ville, qui abrite l’Université du Texas à Austin, des entreprises du Fortune 500 parmi lesquelles Dell Technologies, Tesla et Oracle, des centaines de startups et une scène musicale live de renommée mondiale.

À six pâtés de maisons de l’UATX se profile le dôme beige du Capitole de l’État du Texas, centre de pouvoir conservateur au sein d’une ville grandement libérale.

L’ambiance détendue d’Austin et ses magnifiques paysages naturels attirent les étudiants, les jeunes familles, les universitaires et les professionnels de la technologie. Forte d’une population de plus de 2,5 millions d’habitants, la métropole d’Austin caracole en tête des régions à plus forte croissance des États-Unis depuis quelques années. Une importante communauté israélienne s’y est d’ailleurs développée dans le même temps.

Vue de l’entrée d’UATX depuis les ascenseurs du bâtiment Scarbrough à Austin, au Texas, en mars 2024. (Ricky Ben-David/Times of Israel)

Nouveau-venu dans la région, Kanelos a été président du St. John’s College d’Annapolis, dans le Maryland.

« Ce que j’aime à Austin, c’est tous ces gens venus d’ailleurs, où ils se sentaient… sans guère d’opportunités. Ce sont des pionniers, ils viennent construire quelque chose de nouveau, créer et réfléchir à des choses nouvelles », explique Kanelos au Times of Israel depuis son bureau avec fenêtre.

« C’est un lieu pour entreprendre, un centre innovant, une ville en pleine croissance. C’est un environnement sain pour une nouvelle université et ses étudiants », ajoute-t-il.

Dans un sens, dit-il, UATX est une start-up. « Il s’agit d’une université start-up, ce qui est très rare, enfin plus maintenant. C’est très intéressant parce que nous vivons dans un monde de start-ups. Il y a tant de problèmes à résoudre et aussi tant d’opportunités. »

L’identification de ces opportunités « est essentielle pour que les secteurs industriels et l’éducation évoluent dans le même sens et mènent au succès », souligne Kanelos.

Réduire les coûts grâce au Guatemala

L’inscription à l’UATX coûte 32 500 $ par an pour les étudiants à temps plein, auquel s’ajoutent les frais de logement et plus de 2 000 $ en frais divers, achat de livres et activités. L’établissement assure que ses tarifs sont très compétitifs pour un établissement d’arts libéraux de haut niveau. Il espère pouvoir les maintenir dans des limites raisonnables en limitant les frais administratifs et en faisant des bénéfices là où elle le peut.

« De nos jours, dans des endroits comme Yale, il y a plus d’administrateurs que d’étudiants de premier cycle. Littéralement. Et ce, uniquement pour des questions bureaucratiques », explique Kanelos.

En plus de ces « lourdeurs administratives », Kanelos critique par ailleurs ce qu’il qualifie de « services de luxe » proposés par de nombreuses universités.

Un drapeau de l’UATX sur le campus de l’UATX, dans le centre-ville d’Austin, en mars 2024. (Ricky Ben-David/Times of Israel)

Un président d’université, explique-t-il, se retrouve à gérer « des lieux de divertissements, des installations sportives, des trucs de style de vie, un bar à sushis, j’en passe et des meilleures. Qu’est-ce que cela a à voir avec les études ? »

L’UATX fait l’économie de tout cela avec un business plan presque entièrement tourné vers les études. Dans sa déclaration fiscale pour 2022, la plus récente accessible au public, l’établissement a déclaré près de trois fois plus de dépenses pour les cours que pour la gestion.

Il a externalisé à l’étranger un grand nombre de tâches et services non académiques pour économiser sur les coûts de main-d’œuvre, en se dotant par exemple d’un « centre administratif virtuel au Guatemala », poursuit Kanelos.

« Ce sont des administrateurs bilingues diplômés capables de faire toutes sortes de choses, le back-office pour l’université à des salaires grandement inférieurs ».

« Les salaires que nous leur versons sont très supérieurs à ce qui se pratique au Guatemala. Mais au regard des normes américaines, ils sont très inférieurs, ce qui nous permet de réduire les coûts », conclut-il.

Si le centre administratif virtuel d’UATX au Guatemala marche bien, « alors nous pourrons vendre ces services à d’autres universités désireuses de réduire leurs coûts administratifs, ce qui nous apportera des revenus », souligne Kanelos.

« Nous allons continuer à chercher à innover de façon à injecter plus de revenus dans le cœur de métier de l’université et faire en sorte de limiter le montant des frais de scolarité pour les étudiants », poursuit-il.

L’avantage d’avoir un centre d’administration virtuel est de « de tenir les administrateurs à distance du campus, de sorte qu’il n’y a pas à proprement parler de culture administrative, seulement une culture académique », plaisante Kanelos.

« Coercition » sur le campus

Ferguson, Kanelos et d’autres encore estiment que la pensée universitaire de groupe et les progrès de l’idéologie au détriment de la vérité sont les coupables de la crise sans précédent qui a déferlé sur les campus et contraint les administrateurs à comparaître devant le Congrès pour expliquer le regain d’antisémitisme. Certaines universités font l’objet de poursuites et d’enquêtes en raison de leur gestion des troubles de ces derniers mois.

Les universités ont également dû faire face au vandalisme, aux perturbations des cours, à l’occupation de bâtiments, aux campements et à d’autres menaces émanant d’étudiants, de professeurs ou de militants anti-israéliens déterminés à imposer par la force la rupture des relations avec Israël.

Des manifestants étudiants pro-palestiniens forment une chaine humaine à l’entrée de Hamilton Hall, sur le campus de l’Université Columbia, le 30 avril 2024, à New York. (Jia Wu / AFP)

Pour Kanelos, le problème n’est pas leur message mais la façon dont ils le transmettent, qu’il qualifie de « coercition ».

« Les étudiants ont le droit de tenter de convaincre l’université que telle ou telle ligne de conduite est justifiée, mais ils n’ont pas le droit d’utiliser des moyens coercitifs pour parvenir à leurs fins », explique-t-il. « Je pense qu’il y a des lignes claires qui séparent la liberté d’expression des actions qui entravent le fonctionnement d’une université. »

Dans un éditorial pour Newsweek paru en mai dernier, Howland, directeur du programme Intellectual Foundations de l’UATX, a soutenu que « les étudiants qui scandent des slogans génocidaires, déchirent des affiches d’otages israéliens, dégradent des espaces et des expositions juives, chahutent ou filment des étudiants juifs et perturbent des événements avec des défenseurs d’Israël veulent ni plus ni moins les faire taire ».

Kanelos estime que « c’est une chose d’avoir des idées sur ce qui se passe politiquement dans le monde. C’en est une autre de tourner sa colère vers les membres de sa propre communauté à cause de ce qu’ils sont. C’est quelque chose de radicalement différent. Un vrai saut qualitatif. »

Illustration : La police patrouille alors que des ouvriers nettoient des graffitis anti-israéliens sur le campus de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) après que la police a expulsé des manifestants pro-palestiniens, le 2 mai 2024. (Crédit : Frederic J. Brown/AFP)

Ferguson n’est pas surpris par l’antisémitisme qui a redoublé d’intensité sur les campus suite au 7 octobre : « Les organisations de la gauche radicale sont là-dessus depuis un certain temps maintenant. Les pitreries des progressistes et les liens entre « wokisme » et islamisme. »

« Ce qui s’est passé le 7 octobre était imprévisible, mais la réaction des communautés universitaires était, elle, prévisible », assure Kanelos.

La faute aux administrateurs en tout premier lieu, estime Ferguson. « La gouvernance universitaire pose question. Elle s’est agressivement politisée et poursuit désormais des objectifs politiques. Les administrateurs suivent et il n’existe pas de pouvoir judiciaire auprès duquel se plaindre et dire « C’est anormal ».

Auteur des statuts de l’UATX, Ferguson explique que l’établissement est doté d’« un pouvoir judiciaire explicite » et d’une « procédure spécifique ».

Il n’y a pas non plus de possibilité de titularisation à l’UATX, ce qui, de l’aveu de Ferguson, est « fondamental » car ainsi « la protection de la liberté académique est davantage prévaut sur la permanence ». En outre, il est de l’avis qu’avec « la titularisation vient le conformisme ».

« C’est à nous de faire et de proposer une expérience de première classe », résume Ferguson. « Si nous y parvenons, alors nous attirerons des gens intelligents et nous ferons concurrence aux plus grands. Nous rivaliserons pour attirer les cerveaux les plus brillants ».

Ce qui se passe depuis le 7 octobre a « suscité une prise de conscience : les gens savent désormais que quelque chose ne va pas », ajoute-t-il. « Plus besoin d’expliquer en quoi l’université d’Austin est nécessaire. »

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