Israël en guerre - Jour 526

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Perdu en Amazonie en pleine pandémie, un « nomade » israélien affamé de retour

Alors qu'Israël rapatrie ses voyageurs bloqués à l'étranger, voici l'histoire de l'un d'entre eux qui a passé 3 ans sur la route – et qui a failli rester coincé en Bolivie

Marissa Newman est la correspondante politique du Times of Israël

Ohad Navon dans la forêt amazonienne bolivienne. (Autorisation)
Ohad Navon dans la forêt amazonienne bolivienne. (Autorisation)

Lorsque Ohad Navon, 26 ans, est parti pour la forêt amazonienne en Bolivie le mois dernier, le nouveau coronavirus était la dernière chose à laquelle il pensait.

Bien sûr, le baroudeur et blogueur israélien était conscient que le virus avait mis un terme brutal aux voyages aériens dans une grande partie du monde, qu’il ravageait le nord de l’Italie après avoir meurtri Wuhan et transformé la croisière Diamond Princess en un spectacle d’horreur très regardé. Il savait que l’épidémie plaçait progressivement Israël vers un confinement, et ce dès l’apparition des premiers cas dans le pays. Mais il était en Amérique du Sud, sous le soleil, et la jungle lui faisait un appel du pied.

« Personne n’a mentionné le mot ‘corona[virus]’ du tout [en Bolivie]. Nous nous sentions beaucoup plus en sécurité en Amérique du Sud qu’en Israël, car il n’y avait tout simplement pas de malades », témoigne-t-il.

Au cours de ses trois années de voyage, Ohad Navon, ancien officier de l’armée israélienne qui se fait appeler « Ohad le nomade » sur son blog, a visité l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Papouasie-Nouvelle-Guinée ; il a fait du stop, campé au Japon et planté sa tente à Tokyo ; il s’est rasé la tête dans un monastère tibétain durant une cure de silence de cinq jours ; il a passé six mois en Afrique, notamment au Congo et en Ouganda ; au Maroc, il a été brièvement arrêté pour avoir photographié la maison d’enfance de son père ; il a traversé l’Alaska et le Canada en auto-stop, n’a pas dormi dans un vrai lit pendant trois mois et s’est lié avec un retraité de 80 ans vivant dans un camping-car ; il a sauté dans une croisière en Antarctique, a campé en Patagonie balayée par des vents violents, a vu le Brésil et l’île de Pâques, et a traversé le Paraguay à vélo jusqu’à ce que la dengue l’arrête.

Ce qui l’a amené en Amérique du Sud, dit-il, c’est à la fois l’attrait de l’Antarctique, accessible par bateau depuis sa pointe la plus méridionale, et son désir de faire un voyage de survie dans la forêt amazonienne.

Avec deux soldats de l’armée israélienne récemment démobilisés qu’il avait rencontrés ce jour-là dans son auberge bolivienne, ils ont engagé un guide local, José – « Tarzan » pour ses amis – et sont partis le 11 mars avec rien de plus qu’une machette, une moustiquaire, un téléphone satellite et du matériel photo.

Ohad Navon, 26 ans, dans la forêt amazonienne en Bolivie. (Autorisation)

« Nous l’avons convaincu [le guide] d’entrer dans une zone où il n’était pas allé depuis 15 ans et de naviguer dans la forêt, avec le soleil. C’est une forêt tropicale, et dès qu’il y a un nuage, on ne peut pas naviguer », indique le baroudeur.

Le plan, dit-il, était de marcher pendant sept jours dans une région éloignée jusqu’à ce qu’ils arrivent à une rivière, où ils construiraient un radeau et navigueraient pendant trois ou quatre jours de plus pour revenir à la ville.

« Nous sommes venus pour une aventure. Nous étions prêts à faire le voyage de notre vie », explique-t-il.

Mais après six jours, Ohad Navon a commencé à soupçonner qu’ils s’étaient égarés.

Perdus en Amazonie

« Vous savez qu’intuitivement, quand le guide dit ‘Oui, oui, c’est bon’, ce n’est pas le cas. J’ai eu la sensation que nous étions perdus. Et nous n’avons pas vraiment vu les signes d’une grande rivière », rapporte-t-il.

Finalement, il décide d’allumer le GPS de son téléphone satellite pour vérifier l’itinéraire.

« J’ai vu que, pendant les six derniers jours, nous sommes simplement allés dans la mauvaise direction », dit-il, ajoutant qu’ils étaient à une semaine de marche de la rivière souhaitée.

Repas dans la forêt amazonienne. (Autorisation)

Au cours des deux premiers jours, les quatre se sont partagés un morceau et demi de poisson et quelques fruits cueillis dans la jungle, pour la plupart pourris. Ils n’ont rien mangé pendant quatre jours, et ont vidé leur réserve d’eau. L’humidité était insupportable. Et ils étaient épuisés par leurs efforts avec leurs machettes, leur principal outil pendant sept ou huit heures par jour afin de se frayer un chemin à travers la forêt tropicale.

Et puis, « nous sommes restés coincés dans un énorme marécage. Peu importe où nous allions, il y avait toujours un marécage. Vous marchez pendant deux heures vers le nord – bim, marécage. Est, sud, deux heures dans chaque direction – bim, marécage. Nous étions épuisés, nos [lourds] sacs sur le dos. »

Et avec la faim et la soif, dit-il, leur emprise sur la réalité a commencé à s’effriter.

« Après quatre jours sans nourriture, nous avons tous commencé à avoir des hallucinations. Nous imaginions que nous étions chez nous, j’avais le sentiment d’être vraiment chez moi, d’étreindre ma mère et de pleurer. Nous étions dans un état extrême, physiquement et émotionnellement. »

Ohad Navon (à droite) dans la forêt amazonienne en Bolivie. (Autorisation)

Après avoir passé une dizaine d’heures à essayer en vain de sortir des marécages, Ohad Navon a allumé son téléphone satellite et envoyé un SOS.

Mais il ne semblait pas y avoir de signal.

Affamés, en sueur, déshydratés, étourdis et craintifs, ils se sont endormis.

Hors de la forêt

Dans la matinée, ils sont parvenus à contacter l’équipe de secours de l’agence du guide. Mais quelques instants après, « Tarzan le guide a trouvé un chemin de sortie », indique Ohad Navon.

« Nous sommes sortis du marécage. Nous avons trouvé de l’eau, de la nourriture, des cœurs de palmiers et des herbes. Nous avons cueilli des champignons. Ce n’était pas rassasiant, mais nous avons atteint un point où nous n’étions pas en danger. Et puis nous avons continué à marcher jusqu’au neuvième jour. »

Il a annulé son appel SOS, mais a décidé de garder son téléphone satellite allumé et demandé aux équipes de secours boliviennes de les surveiller – au cas où.

Le neuvième jour, le 19 mars, ils ont atteint une rivière – une rivière différente de celle où ils avaient prévu de se rendre, mais qui les ramènerait aussi à la ville.

Alors qu’ils rassemblaient des éléments pour construire un radeau, ils ont été confrontés à des cris en direction de la jungle. Leur guide est parti voir, en les renseignant que cela pouvait être des chasseurs ou des membres de tribus locales.

« Soudain, nous voyons quatre guides, une équipe de sauvetage, de la même entreprise que celle de Tarzan », décrit Ohad Navon. « Ils nous ont dit, sous le choc : ‘Écoutez, le coronavirus s’est répandu en Bolivie. Cinquante personnes sont mortes. Et tes parents nous ont envoyés pour te sauver, parce que demain soir, la Bolivie ferme ses portes et il n’y aura pas de vols avant au moins un mois. Tu dois partir et prendre le dernier vol de Bolivie.' »

Les Israéliens pensent alors qu’on leur fait une blague. En réalité, le bilan confirmé des décès dus au virus est bien moins lourd – au 6 avril, il s’élevait à 11 personnes – mais le verrouillage et la fermeture des frontières étaient bien réels.

« Neuf jours plus tôt, lorsque nous étions en ville, dans la civilisation, personne n’avait prononcé le mot ‘coronavirus' », indique l’aventurier.

« Dans le maigre espagnol que nous parlions, nous avons répondu : ‘Non, non, vous plaisantez, nous devons construire un radeau' », a rapporté Ohad Navon. Ils ont alors poursuivi leur entreprise jusqu’à ce qu’il devienne évident que les guides étaient sérieux.

Pendant les cinq heures qui ont suivi, ils se sont embarqués dans une randonnée frénétique à travers l’Amazone. Un voyage en bateau de quatre heures les a ensuite ramenés à leur auberge. Ses portes avaient fermé.

Les trois touristes israéliens affamés ont réussi à se rendre dans une pizzeria voisine, le seul restaurant ouvert, avant de planifier leur retour à la maison – deux vols intérieurs vers la ville bolivienne de Santa Cruz, de là un vol vers Panama, de Panama vers New York, et de New York vers Tel Aviv. Dès potron-minet, alors que l’heure de fermeture de l’espace aérien pour les voyages internationaux approche, ils ont embarqué dans un avion.

Le dernier vol au départ de la Bolivie ?

À Santa Cruz, les trois Israéliens ont attendu 10 heures avant leur correspondance pour le Panama. Ils ont patienté ainsi dans un restaurant de l’aéroport.

« Trois heures avant le vol, nous sommes arrivés à l’enregistrement et nous n’avons vu personne. Nous nous sommes plaints, et ils nous ont dit : ‘De quoi parlez-vous ? Le vol a été avancé. Il est parti il y a une demi-heure. Vous l’avez raté. C’était le dernier vol quittant la Bolivie pour le mois ou les deux prochains mois.' »

Personne ne les avait prévenus.

Quelque 150 citoyens de l’UE, la plupart Allemands, attendent d’embarquer sur un vol vers Francfort/Main à l’aéroport international d’El Alto, le 27 mars 2020, en pleine pandémie de Covid-19. (Crédit : Radoslaw CZAJKOWSKI / AFP)

« Il n’y avait plus de vols… La Bolivie avait fermé ses frontières », commente Ohad Navon, ajoutant qu’ils ont alors envisagé de prendre un taxi jusqu’à la frontière brésilienne. Mais les frontières terrestres étaient également closes.

Ils ont alors dormi à l’aéroport, puis trouvé un Airbnb et contacté l’ambassade israélienne au Brésil (il n’y a pas de mission en Bolivie).

Alors, Israël avait commencé à rapatrier par avion des centaines de voyageurs israéliens bloqués par la pandémie, y compris depuis le Pérou. Selon le ministère des Affaires étrangères, plus de 1 800 touristes israéliens cherchant à rentrer au pays étaient toujours à l’étranger en date de lundi, la plupart d’entre eux se trouvant en Australie, en Thaïlande, en Nouvelle-Zélande et en Argentine.

Des employés municipaux désinfectent les rues de la Paz le 4 avril 2020, en mesure préventive pour ralentir la propagation du Covid-19. (Crédit : Aizar RALDES / AFP)

Ses amis, indique Ohad Navon, étaient certains de trouver un moyen de rentrer chez eux.

Mais lui était peu optimiste.

Le long chemin du retour

Quelques jours plus tard, cependant, avec l’intervention du gouvernement israélien, les trois ont pu embarquer à bord d’un avion-cargo militaire bolivien vers le Brésil le 26 mars, en même temps que 20-25 autres Israéliens restés dans le pays, décrit-il.

De là, ils se sont envolés pour Tel Aviv via Londres sur un vol organisé par le ministère des Affaires étrangères, qui a également accueilli des touristes australiens et singapouriens en route pour chez eux.

Au cours des trois dernières années, le nomade explique qu’il n’a visité Israël qu’une poignée de fois, notamment pour suivre un semestre d’étude au Technion avant d’arrêter, pour voyager à nouveau.

Bien que les parrainages qui lui permettent de voyager se soient taris en raison de la crise mondiale que connaît l’industrie du tourisme, il est convaincu qu’il voyagera de nouveau lorsque le virus sera éradiqué.

Mais pour l’instant, ayant prévu de ne visiter Israël qu’en septembre, le retour au pays est un répit bienvenu, bien qu’inattendu.

« Ce n’est pas facile à admettre, mais cela m’a un peu brisé », confie-t-il à propos de son expérience en Amazonie.

Ohad Navon (à droite) arrivé à l’aéroport de Tel Aviv, le 28 mars 2020. (Autorisation)

« Le coronavirus m’a conduit chez moi », ajoute-t-il, depuis son domicile et sa quarantaine à Ness Tziona.

Et il se sent bien.

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