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Plainte visant les attaques chimiques en Syrie: Un pas de plus contre l’impunité

Elle vise des attaques dans la nuit du 4 au 5 août 2013 à Adra et Douma (450 blessés) et le 21 août 2013 dans la Ghouta, où plus de 1 000 victimes ont été tuées au gaz sarin

Une femme syrienne soignée à l'hôpital d'Alep après une attaque à l'arme chimique que les autorités ont imputé aux rebelles, le 24 novembre 2018. (Crédit : George OURFALIAN / AFP)
Une femme syrienne soignée à l'hôpital d'Alep après une attaque à l'arme chimique que les autorités ont imputé aux rebelles, le 24 novembre 2018. (Crédit : George OURFALIAN / AFP)

La plainte déposée en France visant les attaques chimiques de 2013 en Syrie est un pas de plus « sur la route de la justice » et contre l’impunité des crimes imputés au régime du dictateur Bachar al-Assad, insiste Mazen Darwish, président d’une des trois ONG à l’origine de la plainte.

Près de huit ans après les attaques meurtrières d’août 2013 près de Damas, qui horrifièrent le monde mais symbolisèrent aussi son inaction, la plainte « est un message pour les responsables de ces attaques : les survivants continueront à se battre pour la justice », insiste le militant historique des droits de l’Homme, président du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression (SCM), basée à Paris.

La plainte pour crime contre l’humanité et crime de guerre déposée à Paris vise des attaques dans la nuit du 4 au 5 août 2013 à Adra et Douma (450 blessés) et le 21 août 2013 dans la Ghouta orientale, où plus de mille personnes selon les renseignements américains ont été tuées par du gaz sarin.

« Nous travaillons depuis plus de trois ans pour construire ce dossier, et je pense que nous avons des preuves solides sur ce qui s’est passé et sur les responsabilités », souligne M. Darwich dans un entretien à l’AFP.

La plainte ne vise pas spécifiquement des responsables syriens – certains, comme Maher Al Assad, commandant d’une unité d’élite de l’armée et frère du président syrien, y sont cependant nommés –, mais elle met en évidence « la chaîne de commandement ». « Il y a des noms, il y a des suspects, et nous donnons à la justice la possibilité de lancer des investigations », estime-t-il.

« Nous n’avons aucun doute de la responsabilité directe et personnelle de Bachar al-Assad », ajoute-t-il.

« Nous savons que les tribunaux locaux n’ont pas les compétences pour juger les chefs d’Etat étrangers, et qu’il bénéficie d’une immunité grâce à son mandat. Mais cela ne sera pas éternel », assure-t-il.

« Et cette plainte participe du mouvement lancé par des rescapés et des organisations syriennes pour dire qu’il n’y aura pas de règlement politique du conflit syrien sans justice et vérité », ajoute-t-il, quelques jours après la première condamnation historique en Allemagne d’un ancien agent syrien pour complicité de crimes contre l’humanité.

Une fillette syrienne tient un masque à oxygène devant le visage d’un bambin dans un hôpital de campagne, après une attaque à l’arme chimique présumée, dans la ville de Douma, aux mains des rebelles, dans la Ghouta orientale, en périphérie de Damas, le 22 janvier 2018. (Crédit : AFP / HASAN MOHAMED

Témoignages, vidéos

Le dossier s’appuie sur des dizaines de témoignages de survivants, des photos et des vidéos tournées à l’époque, dont certaines – hommes, femmes, enfants inanimés, l’écume aux lèvres – ont fait le tour du monde.

Les ONG se sont notamment appuyées sur le travail de Razan Zaitouneh, avocate syrienne renommée, collègue de M. Darwich, qui vivait à l’époque dans la Ghouta. Mme Zaitouneh a été enlevée en décembre 2013 par un groupe armé à Douma, alors contrôlée par les islamistes de Jaish al-Islam, et n’a jamais été retrouvée.

« Cette plainte, c’est le legs de Razan. Elle avait recueilli des témoignages, des vidéos. Sans son immense travail, nous n’aurions jamais été capables de constituer ce dossier », déclare M. Darwich.

Au-delà, la plainte vise aussi à placer les grandes puissances occidentales devant leur responsabilité, poursuit le président du SCM.

En 2013, la « ligne rouge » – l’utilisation d’armes chimiques – fixée par le président américain Barack Obama pour une intervention en Syrie, avait en effet été franchie. États-Unis et France étaient sur le point de lancer des frappes de représailles, mais au dernier moment le président américain a renoncé, et les Occidentaux ont accepté l’offre du parrain russe de Damas : le démantèlement de l’arsenal chimique du régime syrien.

Cela n’a pas empêché d’autres attaques, notamment en avril 2017 à Khan Cheikhoun, entre Damas et Alep, qui fit au moins 80 morts.

« Notre plainte interpelle directement les gouvernements occidentaux et notamment la France, qui a pris la tête de la lutte contre les armes chimiques », déclare M. Darwich.

« Si nous acceptons l’impunité pour ce qui s’est passé en Syrie, cela veut dire que nous donnons le feu vert à tous les dictateurs pour utiliser des armes chimiques, et que personne ne sera en sécurité », martèle-t-il.

Une plainte similaire a déjà été déposée en octobre 2020 auprès du parquet fédéral allemand, qui visait les faits de 2013 mais aussi l’attaque de Khan Cheikhoun.

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