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Pour des Mexicains juifs, Netanyahu ressemble à un « laquais » de Trump

Alors que le Premier ministre a salué l’efficacité de la barrière israélienne, la communauté juive résidant au sud de la frontière avec les Etats Unis déplore la position de Netanyahu sur le mur

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et Donald Trump, alors candidat républicain à la présidentielle américaine, se rencontrent à la Trump Tower de New York, le 25 septembre 2016. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu et Donald Trump, alors candidat républicain à la présidentielle américaine, se rencontrent à la Trump Tower de New York, le 25 septembre 2016. (Crédit : Kobi Gideon/GPO)

Dans les magasins casher, les synagogues et les cercles intellectuels, la petite communauté juive du Mexique condamne le soutien apporté par le Premier ministre israélien au projet de mur frontalier du président américain Donald Trump. Ils qualifient l’appui apporté par Netanyahu de décevant et de honteux.

« En tant que Mexicains, en tant que Juifs, nous nous opposons à la construction d’un mur mais nous soutenons la coopération entre nos deux pays [le Mexique et les Etats Unis] », a commenté le rabbin Marcelo Rittner de la communauté Bet El de Mexico dans un communiqué émis en espagnol le 30 janvier.

Le communiqué s’adressait au Premier ministre Benjamin Netanyahu et a été publié sur le site Internet Enlace Judio (réseau juif).

Mexico a demandé des excuses après la publication, samedi dans la soirée, d’un tweet de Netanyahu.

Dans cette publication, il soutenait la proposition de la construction d’un mur de séparation à la frontière mexicaine, affirmant qu’un plan similaire sur la frontière sud d’Israël avait été une réussite.

Netanyahu n’a pas présenté d’excuses, disant qu’il ne commentait pas dans le tweet les relations entretenues par les Etats Unis et le Mexique. Il a ajouté que lui-même avait instauré pour sa part une relation « longue, fructueuse et très amicale » avec le président mexicain Enrique Pena Nieto.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, devant la bibliothèque de son bureau, le 21 juillet 2016. (Crédit : capture d'écran YouTube)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, devant la bibliothèque de son bureau, le 21 juillet 2016. (Crédit : capture d’écran YouTube)

Mardi, Netanyahu a continué à minimiser la querelle avec Mexico, affirmant que les relations bilatérales étaient plus fortes qu’un conflit « passager ». Le chef du gouvernement a écrit sur Twitter qu’Israël « continuera à avoir de bonnes relations avec le Mexique ».

« Je pense que nos liens sont plus forts qu’un désaccord ou un malentendu ponctuels », a-t-il ajouté.

Le président israélien Reuven Rivlin s’est entretenu mardi avec Pena Nieto, a fait savoir une source proche de la présidence, et a apaisé les choses.

Rivlin, qui est issu du parti du Likud de Netanyahu, a souligné l’importance des relations entre les deux pays, a fait savoir la source sous couvert d’anonymat.

Toutefois, de nombreux juifs mexicains ont le sentiment que le Premier ministre n’est pas allé assez loin pour aplanir les relations israélo-mexicaines.

« Netanyahu doit présenter ses excuses au peuple mexicain pour sa répugnante déclaration », a estimé l’éminent historien Enrique Krauze sur Twitter.

Dépeignant Netanyahu sous les traits d’un « laquais de Trump », Krauze a ajouté qu’il « condamnait, déplorait et rejetait » le tweet rédigé par le Premier ministre.

Une autre brique dans le mur

Le mur qui devrait s’étendre sur les 1 500 kilomètres de frontières qui séparent les Etats Unis du Mexique est considéré comme une pièce maîtresse de la politique de Trump sur l’immigration en provenance d’Amérique latine.

L’été dernier, lors d’un discours prononcé à Phoenix, dans l’Arizona, le candidat Trump avait indiqué que s’il était élu, « dès le premier jour, nous travaillons sur un mur frontalier impénétrable, matérialisé, grand, puissant et beau au sud du pays ».

Il avait promis que Mexico paierait ce mur « à 100 %. Les Mexicains ne le savent pas encore mais ils le financeront ».

Trump avait déjà fait des commentaires controversés sur le Mexique et ses habitants.

Durant l’été 2015, il avait dit : « Quand le Mexique nous envoie sa population, ce pays ne nous envoie pas les meilleurs. Il nous envoie des gens qui ont beaucoup de problèmes. Ils apportent de la drogue. Il nous apporte le crime. Ce sont des violeurs même si certains, je le suppose, sont des gens biens ».

Donald Trump pendant une conférence de presse avec les membres de l'Association des anciens combattants de la police à Staten Island, New York, le 17 avril 2016. (Crédit : Kena Betancur/AFP)
Donald Trump pendant une conférence de presse avec les membres de l’Association des anciens combattants de la police à Staten Island, New York, le 17 avril 2016. (Crédit : Kena Betancur/AFP)

A Phoenix, l’été dernier, Trump avait présenté le mur comme un moyen de lutter contre l’immigration illégale, apparaissant aux côtés de membres de l’organisation « Angel Moms », des gens qui avaient perdu des proches lors de crimes commis par des immigrants clandestins.

En tant que président, Trump avait déjà fait écho à son discours de Phoenix en tweetant, le 24 janvier : « Une grande journée pour la SECURITE NATIONALE demain. Entre autre, nous construirons le mur ! »

Quarante-huit heures après le tweet, Pena Nieto annonçait sur le même réseau social qu’il avait annulé une rencontre prévue avec le président américain.

Le 28 janvier, Netanyahu s’était introduit dans la discussion en affirmant dans un tweet : « Le président Trump a raison. J’ai fait construire un mur le long de la frontière sud d’Israël. Cela a stoppé toute l’immigration clandestine. Une grande réussite. Une grande idée ».

Netanyahu avait ajouté les drapeaux américain et israélien à sa publication.

Le ministre mexicain des Affaires étrangères Luis Videgaray a déclaré que le gouvernement israélien devait présenter ses excuses et « corriger » son positionnement, ajoutant que son gouvernement a soutenu l’état juif dans l’arène internationale.

Rittner, le rabbin mexicain, a annoncé dans son communiqué que le soutien apporté par le Premier ministre à la construction d’un mur était en contradiction avec « les principes juifs de fraternité et de justice, et que, d’un autre côté, il montre une méconnaissance du respect qu’il doit à la situation entre les deux pays ».

« Le Mexique n’est pas en guerre avec son voisin. Au contraire, jusqu’à il y a quelques jours, nous travaillions ensemble sur des questions qui nous rapprochaient : l’amélioration des conditions de vie et la construction d’un meilleur avenir pour nos deux pays ».

Des Mexicains prêts à mettre le feu à une effigie de Donald Trump, alors candidat à la présidentielle américaine, à Mexico, le 26 mars 2016. (Crédit : Yuri Cortez/AFP)
Des Mexicains prêts à mettre le feu à une effigie de Donald Trump, alors candidat à la présidentielle américaine, à Mexico, le 26 mars 2016. (Crédit : Yuri Cortez/AFP)

Ce week-end, le Comité central de la Communauté juive de Mexico a fait savoir dans une déclaration que « nous rejetons fermement la position adoptée par Netanyahu ».

Le jour où Netanyahu a publié son tweet, quatre leaders de la communauté juive mexicaine ont fait paraître un communiqué de désapprobation.

« En tant que Mexicains et en tant que Juifs, nous soutenons les actions mises en place par notre gouvernement dirigé par [le président] Enrique Pena Nieto dans ses négociations avec les Etats Unis », disait le communiqué.

« Nous soutenons nos concitoyens qui vivent, travaillent et apportent leur contribution aux Etats Unis, dont les droits doivent être respectés à chaque instant et qui doivent être traités avec dignité ».

A l’origine de ce communiqué, Moises Romano, le président du Comite Central de la Comunidad Judia de Mexico; Mauricio Lulka, directeur général du Comité Central; Elias Achar, président de Tribuna Israelita; et Renée Dayan-Shabot, directrice de Tribuna Israelita.

Dans un courriel adressé au Times of Israel, Dayan-Shabot a expliqué que la communauté juive mexicaine ne ferait pas de déclarations supplémentaires pour le moment.

Salomon Achar, dirigeant de la communauté juive mexicaine. (Crédit : capture d'écran YouTube)
Salomon Achar, dirigeant de la communauté juive mexicaine. (Crédit : capture d’écran YouTube)

Le tweet de Netanyahu a également rencontré la désapprobation dans les rues du quartier chic de Polanco, à Mexico, où réside une communauté juive vibrante et qui accueille des synagogues et des magasins casher.

Le gérant d’une boutique qui, comme de nombreuses personnes au sein de la communauté juive, a refusé de donner son nom, indique que les Juifs mexicains n’ont « rien à voir avec l’opinion donnée par cet homme[Netanyahu] ».
Un homme de 53 ans qui se rendait à la synagogue déclare : « Ce qu’a écrit Netanyahu n’est pas très aimable. Ces propos sont malheureux au vu de ce qu’il se passe dans le monde. Il a rate une grande opportunité de se taire ».

Certains, au sein de la communauté juive mexicaine, cherchent toutefois de bons côtés dans le projet de mur de séparation.

Ainsi, le commentateur Leo Zuckermann se demande « s’il y a quelque chose de positif pour le Mexique dans l’ascension de Trump » dans un article publié le 26 janvier sur le site Diario Judio.

« Il y a un aspect positif pour le Mexique dans l’accession de Donald Trump à la présidence américaine et dans sa menace de fermer les portes aux immigrants et aux exportations mexicaines », écrit Zuckermann. « Cela nous obligera à nous regarder dans le miroir, à examiner quels sont nos problèmes et à trouver des solutions pour créer les conditions d’un meilleur développement économique ».

Une communauté d’immigrants

Plus de 67 000 personnes pratiquent le judaïsme au Mexique, selon les chiffres du dernier recensement réalisé en 2010, en comparaison avec une communauté forte de 92 millions de catholiques romains, la principale religion du pays.

Les Juifs, forcés de se convertir au Catholicisme durant l’inquisition, sont d’abord arrivés au Mexique aux côtés des conquistadors espagnols au 16e siècle. Un grand nombre d’entre eux a continué à subir des persécutions dans cette nouvelle patrie.

Une deuxième vague d’immigration juive, en provenance d’autres parties de l’Europe, a eu lieu à la fin du 19e et au début du 20e siècle.

D’autres Juifs sont arrivés également depuis les villes syriennes d’Alep et de Damas.

Salomon Chertorivsky, secrétaire au développement écnomique de Mexico, descendant d'immigrants juifs polonais et ukrainiens. (Crédit : CC-BY/Flickr)
Salomon Chertorivsky, secrétaire au développement écnomique de Mexico, descendant d’immigrants juifs polonais et ukrainiens. (Crédit : CC-BY/Flickr)

Le secrétaire chargé du développement économique de Mexico, Salomon Chertorivsky, descendant d’immigrants juifs ukrainiens et polonais, se souvient de la manière dont cette nation d’Amérique Latine a adopté ses ancêtres en leur offrant de nouvelles opportunités.

“En raison des milliers d’histoires similaires à celle de ma famille… Je condamne le tweet du Premier ministre”, a écrit Chertorivsky sur Twitter.

« Je ne comprends pas comment quelqu’un qui aujourd’hui gouverne un peuple qui a subi les pires persécutions peut se réjouir des persécutions d’une autre population, la nôtre, celle du Mexique », a-t-il ajouté.

Un autre responsable de la ville, Simon Levy, a écrit un tweet à l’intention de Netanyahu, affirmant que les « Mexicains veulent la paix et la prospérité. En tant que Juif mexicain, je regrette votre position. Elle n’est pas porteuse de paix ».

Les bonnes clôtures font-elles les bons voisins ?

Israël a construit une barrière de plus de 240 kilomètres le long de sa frontière avec l’Egypte, bloquant une route précédemment empruntée par de nombreux migrants africains et par les trafiquants.

Trump a fait l’éloge du mur israélien la semaine dernière, poussant Netanyahu à apporter apparemment son soutien au nouveau projet du président américain.

Deux jours plus tard, le leader israélien a toutefois démenti avoir expressément évoqué Mexico dans son tweet et accuse les « médias gauchistes » de s’en prendre à lui.

Des fidèles palestiniens grimpent sur une section de la barrière de séparation d'Israël avec le village  A-Ram vers Jérusalem, alors qu'ils vont prier à la mosquée Al-Aqsa, le 20 octobre 2016. (Crédit : Pierre Terdjman/Flash90)
Des fidèles palestiniens grimpent sur une section de la barrière de séparation d’Israël avec le village A-Ram vers Jérusalem, alors qu’ils vont prier à la mosquée Al-Aqsa, le 20 octobre 2016. (Crédit : Pierre Terdjman/Flash90)

Les relations entre les Etats-Unis et le Mexique ont connu leur pire crise depuis des décennies lorsque Trump a ordonné la construction du mur pour mettre un terme à l’immigration clandestine, insistant sur le fait que son financement serait assumé par les Mexicains.

Mais Trump avait également trouvé une occasion de faire l’éloge du gouvernement de Mexico.

Dans son discours prononcé à Phoenix, il avait ainsi déclaré : « Je viens tout juste d’atterrir parce que je reviens d’une rencontre très importante et particulière avec le président du Mexique, un homme que j’apprécie et que je respecte grandement. Et un homme qui aime véritablement son pays, le Mexique ».

Trump avait expliqué que lui et Pena Nieto « convenaient tous les deux de l’importance de mettre un terme aux flux clandestins de drogue, de liquidités, d’armes et de migrants à travers nos frontières, et de la nécessité de stopper les différents commerces des cartels ».

Et, avait-il dit, « nous avons également évoqué les grandes contributions faites par les citoyens américano-mexicains à nos deux pays, mon amour pour le peuple du Mexique, et le leadership ainsi que l’amitié qui existent entre le Mexique et les Etats Unis ».

« Cela a été une conversation sérieuse et positive et ce dialogue continuera longtemps. Et, en fin de compte, nous allons tous y gagner. Nos deux pays, nous allons tous y gagner”.

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