Israël en guerre - Jour 373

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Journée mondiale des aveugles et des malvoyants'Ce partenariat avec un chien-guide va bien au-delà de seulement éviter les obstacles présents sur un trottoir'

Pour les aveugles israéliens, à chacun son heure de gloire

L'utilisation des animaux est croissante en Israël même si le seul centre de dressage accrédité se débat face au manque de financement et de sensibilisation à sa cause

Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël

Six jeunes labradors et Golden Retrievers entourent Yariv Melamed, regardant intensément le morceau de pain que le dresseur de chiens tient dans sa main. Plusieurs autres simulent une bagarre en jouant les uns avec les autres sous une bâche d’un bleu brillant, à proximité.

Ils peuvent porter des noms anglais, mais s’ils réussissent leur formation, ils feront partie d’un petit groupe de chiens guides d’aveugles qui sauront répondre aux ordres prononcés en hébreu et qui deviendront les aides au quotidien d’hommes et de femmes aveugles et Israël. Approximativement la moitié de ces chiens réussiront leur examen dans les prochains mois.

Et le travail qu’ils font est crucial.

« Vous rencontrez véritablement des gens qui touchent le fond de leurs existences ici. Ils ne peuvent même plus quitter leur lit », explique Melamed en évoquant le travail du centre. « Nous faisons partie du processus de guérison ».

Le Centre de chien guide d’aveugles israélien, situé à proximité de Moshav Beit Oved dans le centre du pays, est la seule école de dressage accréditée pour les chiens-guides. Le Centre entraîne les chiens pour le service – notamment pour les défis particuliers à Israël – mais se débat face au manque de sensibilisation dans le pays à ce besoin réel et à une pénurie de financement permettant le bon déroulement de la formation dans des structures onéreuses.

Son fondateur, Noach Braun, a établi le centre en 1991. Avant l’établissement de cette école canine, Israël n’avait pas d’établissement permettant de former les chiens-guides, et les Israéliens aveugles devaient passer un examen d’anglais, puis se rendre aux Etats-Unis pour y trouver un partenaire à quatre pattes. Les chiens avaient appris les ordres en anglais et il n’y avait pas de structure en Israël pour leur venir en aide.

Braun, qui n’avait jamais travaillé auprès des aveugles mais qui avait travaillé avec les chiens durant son service militaire chez les parachutistes, désirait continuer une activité en relation avec ces animaux après avoir quitté l’armée. Lorsqu’il a appris qu’il n’y avait pas en Israël de centre de chiens-guides, il a déménagé aux Etats-Unis à l’âge de 26 ans pour apprendre à les dresser. Après plusieurs années, il est revenu en Israël pour y ouvrir le centre.

Aujourd’hui, environ 250 sur 27 000 aveugles enregistrés en Israël possèdent un chien-guide, ou environ 1 %. Dans la majorité des pays, ce taux s’élève de 1 à 4 %, explique Braun. Le centre a pour objectif de doubler le nombre de chiens actifs en Israël au cours des prochaines années.

« Il vous permet même d’imaginer encore la voiture qui se déplace sur le côté de la route, vous pouvez voir son image bouger – même si vous ne la voyez pas. Vous pouvez revenir vous-même à cette expérience qu’est le mouvement »

Herzl Cohen

Le Centre élève ses propres labradors, golden retrievers et des chiots issus du croisement de ces deux races. Des bénévoles, en particulier des étudiants en âge d’aller à l’université, adoptent les chiots après quelques mois et les accueillent pendant environ un an pour assurer leur sociabilisation et leur apprendre l’obéissance de base.

Les chiens portent des noms anglais, il est ainsi moins probable qu’ils soient amenés à entendre par erreur leur nom dans la rue. Les chats, omniprésents dans les villes israéliennes, vagabondent autour de la structure et sont nourris par le personnel afin que les chiens s’habituent à les voir évoluer autour d’eux.

Les chiens reviennent au centre à l’âge de seize mois et suivent un entraînement de quatre mois pour devenir des chiens-guides.

Approximativement la moitié des chiens réussissent la formation. Les instructeurs les étudient en leur présentant des stimuli – des sons, des odeurs et d’autres animaux – et évaluent leurs réactions en observant leur langage corporel.

Si un chien est facilement distrait, apeuré ou agressif, il sera donné à des programmes soutenant les personnes à besoins particuliers – majoritairement comme compagnon pour enfants autistes, indique Melamed, qui a appris à dresser les chiens en Australie afin de travailler dans le centre. L’année dernière, ce sont environ 40 chiens qui ont été donnés à ce type de programme pour des publics à besoins particuliers.

Les personnes aveugles intéressées par l’acquisition d’un chien-guide viennent au centre pendant trois semaines pour suivre également une formation. Il faut environ six mois pour que le chien et son futur maître deviennent une équipe complice et opérationnelle.

Le temps et l’énergie investis valent le coup, estime Herzl Cohen, qui partage dorénavant sa vie et son handicap avec Todd, son chien dressé au centre et issu du croisement entre un labrador et un retriever il y a plusieurs années.

Herzl Cohen,avec son chien-guide Todd, dans son appartement de Ramat Gan, le 1er juin 2017 (Crédit : Luke Tress/Times of Israel)
Herzl Cohen, avec son chien-guide Todd, dans son appartement de Ramat Gan, le 1er juin 2017 (Crédit : Luke Tress/Times of Israël)

Cohen a perdu la vue il y a quatorze ans, dit-il.

« Si vous êtes aveugle, vous craignez même de bouger votre main parce que si vous la bougez, peut-être que vous allez renverser une bouteille. Vous avez peur de bouger la jambe parce que peut-être qu’elle va heurter quelque chose. Et lentement, lentement, la cécité vous paralyse », explique Cohen, romancier, musicien et juriste à la retraite.

Il se déplace dorénavant facilement dans son quartier de Ramat Gan et dans d’autres secteurs en Israël avec l’aide de Todd, ajoute-t-il.

« Je me lève, j’enfile mes sandales, je me lave le visage et je viens à la porte – et Todd vient lui aussi. Je lui mets son harnais et je n’y pense même plus. Je ne me sens plus comme quelqu’un obligé de s’organiser sur tout en raison de sa cécité », poursuit Cohen.

Les chiens sont chers à élever et à former malgré tout, chacun coûtant plus de 25 000 dollars, dit Braun. Le Centre est également en train de construire deux chenils pour héberger plus de chiens et raccourcir les délais d’attente.

« Si vous êtes aveugle, vous craignez même de bouger votre main parce que si vous la bougez, peut-être que vous allez renverser une bouteille. Vous avez peur de bouger la jambe parce que peut-être qu’elle va heurter quelque chose. Et lentement, lentement, la cécité vous paralyse »

Herzl Cohen

Environ 5 % de son budget est versé par le gouvernement. Une grande partie du travail est réalisée par des bénévoles et à peu près 20 % du financement est assuré par des donateurs israéliens, le reste provenant majoritairement des Etats-Unis.

Au-delà du défi de l’élevage des chiens, les chiens-guides, en Israël, sont amenés à affronter des difficultés particulières en raison du climat chaud et des rues bondées.

Les trottoirs sont étroits et les habitants n’hésitent pas à y stationner leurs voitures et leurs motos, et les coussinets des chiens doivent être protégés de l’asphalte brûlant pendant l’été.

« Si vous comparez le chien-guide israélien à un chien américain, le chien israélien a beaucoup plus de travail à faire », dit Melamed.

De nombreux Israéliens sont également inconscients du rôle des chiens-guides et des besoins des aveugles, ajoute Melamed. Les gens approchent souvent les chiens et les caressent, ce qui peut être source de distraction.

Cohen préfère laisser Todd interagir avec les passants dans la rue, dit-il, parce qu’il sait combien Todd aime cela et parce que cela aidera le public à davantage connaître les chiens-guides.

« Peut-être ce sera plus fatigant pour moi et peut-être qu’il se tournera plus facilement vers quelqu’un de sympa dans la rue et excité par sa présence, mais je suis prêt à gérer ça », s’exclame Cohen.

Dans l’ensemble, les gens sont compréhensifs et chaleureux envers Todd, dit Cohen, et des étrangers lui proposent constamment de l’aide dans la rue.

Environ 10 % des chauffeurs de taxi lui refusent leurs services – ce qui est illégal – habituellement parce qu’ils ne veulent pas de poils dans leur véhicule. Il reconnaît également que les gros chiens peuvent effrayer certaines personnes.

Le président israélien Reuven Rivlin et son épouse accueillent des personnes malvoyantes en l'honneur de la Journée mondiale des aveugles et des malvoyants à la résidence présidentielle, le 6 juin 2017 (Crédit : Mark Neyman/GPO)
Le président israélien Reuven Rivlin et son épouse accueillent des personnes malvoyantes en l’honneur de la Journée mondiale des aveugles et des malvoyants à la résidence présidentielle, le 6 juin 2017 (Crédit : Mark Neyman/GPO)

Il y a aussi un manque de sensibilisation au sein de la communauté des aveugles, considère Cohen. De nombreux aveugles et malvoyants considèrent que leur vie ne leur permet pas de s’occuper d’un chien, ils ont le sentiment qu’ils manqueront de la patience nécessaire pour en élever un ou ils n’aiment tout simplement pas les animaux, raconte Cohen, qui garde la conviction qu’après un essai réalisé avec un chien dressé, la majorité des réticents changeraient d’avis.

Il avait eu son précédent chien environ deux ans après avoir perdu la vue. Après un voyage au Centre de Beit Oved, raconte-t-il, il a rapidement compris que ce partenariat avec un chien-guide allait bien au-delà de d’éviter seulement les obstacles présents sur un trottoir.

« Cette période de temps, ces deux années où je n’avais pas de solution pour marcher, a été très dure. Ce que le chien fait pour vous, c’est qu’il vous rend l’expérience du mouvement de façon autonome », explique Cohen. « Il vous permet même d’imaginer encore la voiture qui se déplace sur le côté de la route, vous pouvez voir son image bouger – même si vous ne la voyez pas. Vous pouvez revenir vous-même à cette expérience qu’est le mouvement ».

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