Israël en guerre - Jour 373

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Opinion

Pourquoi la 3e élection israélienne ne serait-elle pas si grave, finalement ?

Les électeurs, le système et les politiciens se sont ligués pour nous obliger à un 3e vote en un an. Peut-être que cette fois-ci, nous prendrons une décision collective décisive

David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).

Une photo composite montre le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche) et le chef du parti Kakhol lavan, Benny Gantz (à droite), lors d'une conférence de presse à Jérusalem, le 8 décembre 2019. (Yonatan Sindel/Hadash Parush/Flash90)
Une photo composite montre le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à gauche) et le chef du parti Kakhol lavan, Benny Gantz (à droite), lors d'une conférence de presse à Jérusalem, le 8 décembre 2019. (Yonatan Sindel/Hadash Parush/Flash90)

Une troisième élection en moins d’un an. Il est évident qu’il s’agit d’une catastrophe absolue, que nos politiciens nous ont déçus, que la confiance des électeurs dans notre démocratie est mise à rude épreuve et que notre pays est en train de devenir la risée de tous.

Et il y a une part de vérité dans tout ça. Il est malsain et potentiellement dangereux pour Israël de ne pas disposer d’un gouvernement pleinement mandaté depuis au moins un an – de fin décembre 2018, lorsque la Knesset a été dissoute avant les élections d’avril 2019, jusqu’au printemps 2020, lorsque les nouveaux députés élus le 2 mars vont à nouveau tenter de faire leur entrée dans un gouvernement ou pour former l’opposition.

Les gouvernements de transition, tous dirigés par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, sont limités lorsqu’il s’agit de prendre des décisions stratégiques majeures : Pour autant que nous le sachions, ils n’ont pas le pouvoir de prendre des mesures diplomatiques fatidiques et à long-terme ; ils ne peuvent annexer un territoire ; ils ne sont pas autorisés à accepter ou à rejeter les plans de paix américains ; ils ne peuvent même pas nommer un nouveau chef de la police. (Je dis « pour autant que nous le sachions », parce qu’il s’agit de territoires juridiques largement inédits et inexplorés par les tribunaux et ouverts au débat et aux désaccords).

Faute du soutien nécessaire de la Knesset, nos gouvernements paralysés ont également été incapables d’adopter le budget 2020 – ce qui signifie qu’à partir du mois prochain, les ministères se verront simplement allouer un douzième de leur budget annuel 2019, sans ajustement pour de nouveaux développements. La plupart des commissions de la Knesset ne fonctionnant pas. (La commission des Affaires étrangères et de la Défense, qui supervise les services de sécurité, fait partie des exceptions). Les seuls actes législatifs adoptés par les députés que nous avons élus en avril et en septembre ont été les lois de dissolution de la Knesset – leurs deux actes d’auto destitution du pouvoir.

Le coût de ces votes répétés est honteux – des dizaines de millions chaque fois rien que pour la propagande électorale ; deux jours de congé à l’échelle nationale en avril et en septembre et peut-être un autre en mars, à moins qu’ils ne décident que nous avons eu assez de vacances électorales nationales. Et enfin, comment pourrions-nous nous passer de semaines et de semaines d’affrontements politiques dans la campagne – les insultes, le dénigrement, et la diabolisation de la gauche et de la droite, des ultra-orthodoxes et des laïcs, des Arabes et des Juifs.

Le plus troublant peut-être, étant donné que nos « élites » politiques ont passé l’année écoulée à se concentrer de manière obsessionnelle sur le renforcement ou la recherche du pouvoir, c’est que la question de savoir comment utiliser ce pouvoir pour le bien-être d’Israël a été mise de côté. Ou, pour dire les choses autrement, ils ont tous manœuvré pour diriger le pays au lieu de consacrer chaque seconde à sa gestion, à sa sauvegarde, à sa prospérité et à sa préparation pour l’avenir.

Le ministre de la Défense, Avigdor Liberman, est reçu par le ministre de la Santé, Yaakov Litzman (à gauche), lors d’un repas pour célébrer la naissance du petit-fils de Litzman, le 18 juin 2017. (Shlomi Cohen/FLASH90)

De toute évidence, au moins certains de nos politiciens nous ont laissé tomber. Certains d’entre eux ont été profondément hypocrites – Avigdor Liberman en premier lieu. S’il voulait refuser de se joindre à une coalition avec les ultra-orthodoxes, il aurait dû le dire avant les élections d’avril, pas après. Et que personne ne se laisse berner par son affirmation selon laquelle le projet de loi réglementant la conscription ultra-orthodoxe était si parfait qu’il devait être adopté sans modification – c’est l’intransigeance de Liberman qui a fait échouer les efforts de Netanyahu pour former une coalition en avril et en mai. Dans sa forme actuelle, ce projet de loi ne changerait pas de façon significative la triste réalité dans laquelle seule une petite minorité d’hommes ultra-orthodoxes admissibles effectuent leur service militaire ou autre service national.

Examinons aussi les politiciens ultra-orthodoxes. Plutôt que de s’opposer aux lois sur le service militaire de Tsahal, ils auraient dû adopter des lois pour permettre à ceux de leur communauté qui veulent servir dans l’armée israélienne de le faire, et introduire des programmes alternatifs de service national pour tous les autres. Cela permettrait aux jeunes hommes de leur communauté d’entrer ensuite sur le marché du travail et de subvenir convenablement aux besoins de leur famille – car comme dans toutes les autres communautés ultra-orthodoxes dans le monde, où, dans la tradition rabbinique reconnue, ce ne sont que les meilleurs et les plus brillants étudiants pour qui l’étude de la Torah est leur occupation à plein temps est subventionnée.

Quant aux acteurs clés – Netanyahu et son rival Benny Gantz – ils n’ont manifestement pas réussi à trouver les compromis qui auraient pu éviter cette troisième élection.

Mais c’est là que je commence à me demander si le recours à une troisième élection constitue le désastre complet que nous nous imaginons tous.

Peut-être que notre système travaille pour nous

Les élections sont conçues pour être décisives. Nous n’avons pas le temps de diriger nous-mêmes nos démocraties, alors nous avons des systèmes conçus pour installer un nouveau groupe de personnes censées être compétentes tous les quelques années pour le faire en notre nom. De toute évidence, cela n’a pas fonctionné pour nous au cours de la dernière année – même si, en Israël, nous avons un système électoral qui représente si purement et exactement la volonté des électeurs. Ce n’est pas comme en Amérique, où seuls quelques États sont vraiment représentés. Ce n’est pas comme en Grande-Bretagne, où les partis peuvent gagner des millions de voix et n’obtenir aucun siège au Parlement. C’est un système où le moindre vote compte. Représentation proportionnelle intégrale.

Mais plutôt que de considérer le troisième tour des élections comme la preuve de l’échec et de la paralysie de ce système, peut-être, dans sa pureté, il permet à l’électorat de prendre la décision extrêmement délicate de savoir qui devrait diriger ce pays, et donc comment et où il devrait être dirigé, un peu plus longtemps que ce qui est normal. Peut-être que notre système fonctionne réellement pour nous plutôt que contre nous.

Le choix que propose aujourd’hui Netanyahu aux électeurs est beaucoup plus difficile qu’il ne l’était en avril ou même en septembre

Car nous abordons désormais notre troisième tour des élections mieux équipés que lors des premier et deuxième tours pour prendre une décision éclairée.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu réagit à la décision de son inculpation dans des affaires de corruption, le 21 novembre 2019. (Capture d’écran/Kan)

Notre Premier ministre, qui a exercé ses fonctions pendant une période sans précédent, a maintenant été inculpé et ses délits présumés ont été décrits en détail par le chef du parquet de l’État. Nous savons maintenant que Netanyahu a l’intention de lutter contre les poursuites judiciaires ; il n’abandonnera pas de son plein gré ; il n’a pas exclu la possibilité d’obtenir l’immunité parlementaire contre les poursuites et de légiférer pour empêcher la Cour suprême de lever cette immunité ; il s’est déclaré victime d’une tentative de coup d’État et a encouragé l’électorat à croire en son récit d’innocence et à se méfier des forces de l’ordre israéliennes. Le choix que Netanyahu propose aujourd’hui aux électeurs est beaucoup plus difficile qu’il ne l’était en avril ou même en septembre.

Les leaders de Kakhol lavan Benny Gantz et Yair Lapid, (à gauche), rient ensemble pendant une réunion de faction à la Knesset, le 3 octobre 2019. (Crédit : Menahem Kahana/AFP)

Nous avons également entendu le fidèle du Likud David Bitan dire que c’est « la dernière chance de Netanyahu » de rassembler une majorité, et nous avons vu Gideon Saar devenir le premier député Likud en plus d’une décennie à commencer à défier Netanyahu.

Nous savons que le leader de Kakhol lavan, Gantz, n’était finalement pas disposé à siéger au gouvernement avec Netanyahu, et que son adjoint Yair Lapid a abandonné pour le moment son rêve du poste de Premier ministre. Le jour du scrutin, nous saurons comment les partis de droite du Likud se sont réorganisés et si les Kahanistes d’Otzma Yehudit se sont intégrés davantage dans le courant politique ; si le Parti travailliste et Meretz, peu importe leur nom, ont mis de côté leurs différences relativement mineures et fusionné. Nous savons que le secteur arabe a finalement choisi, entre avril et septembre, de ne plus se priver de leurs droits.

Nos politiciens ont été testés deux fois, nous sommes sur le point de les tester à nouveau, et cela pourrait nous permettre de prendre une décision plus définitive. Le 2 mars 2020 pourrait être la date à laquelle Israël a achevé sa séparation progressive de son plus ancien Premier ministre, ou bien la date à laquelle il a décidé qu’il ne pourrait toujours pas vivre sans lui.

Soyons réalistes, nous ne prenons pas toujours les bonnes décisions dès le premier coup. Vous vous souvenez de la voiture que vous avez achetée ? Cette maison ? Ce n’est pas toujours facile de bien faire les choses. (Le mariage et le divorce n’ont pas leur place dans cette analogie ; dans une démocratie, les Premiers ministres et les coalitions ne sont pas là pour la vie).

Ensemble, les électeurs, le système et les politiciens nous ont forcés à tenir une troisième élection en moins d’un an. Nous n’aimons peut-être pas cela, mais en fin de compte, dans notre système le plus pur, nous l’avons choisi ; nous l’avons fait nous-mêmes.

Ce n’est certainement pas une gloire, mais l’Élection n°3 est notre création. Et peut-être que – la troisième fois, ça marchera ? – nous parviendrons enfin à nous forger une opinion collective.

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