Pourquoi Netanyahu ne veut pas aller « jusqu’au bout » ?
Le Premier ministre connaît parfaitement les dangers posés par le Hamas ; pourquoi hésite-t-il à lancer une offensive plus large ?
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Quand le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est adressé aux Israéliens lundi soir, il savait que l’armée avait perdu dix soldats au cours de la journée, bien que la nouvelle que cinq de ces pertes n’avait pas encore été rendue publique. Cela a fait de la journée de lundi la plus sombre pour Israël depuis le début de l’opération, avec un nombre de soldats tombés qui s’établit aujourd’hui à 53.
Alors que le Hamas était en train de jubiler, les brèves remarques de Netanyahu ont été perçues par certains comme présageant une extension de l’offensive terrestre. Dans les quartiers où la direction du Hamas opère, où le plus grand nombre de ses hommes armés se cachent, dans des bunkers souterrains et des tunnels fortifiés. Mais en réalité, le Premier ministre est resté délibérément ambigu. Il a fait savoir qu’Israël ne mettrait pas un terme à l’opération tant que la menace posée par les tunnels transfrontaliers ne serait pas traitée, et il a rappelé qu’il avait prévenu les Israéliens que ce pourrait être une opération longue. Mais aucune indication définitive sur la « vraie bataille » pour détruire le Hamas n’a été donnée.
En effet, il était clair depuis le début de ce conflit que Netanyahou n’a pas voulu lancer de guerre totale contre le Hamas. Il a à plusieurs reprises parlé du « calme en échange du calme » au cours de la première escalade des tirs de roquettes ; il a immédiatement accepté la proposition de cessez-le-feu égyptien il y a deux semaines ; il a convenu d’une série de « temps morts humanitaires » qui ont ensuite été violés par le Hamas ces derniers jours. Il a enfin écarté ce qu’il appelle le « bruit de fond » de ceux qui, comme le ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman, ont poussé à briser le Hamas et ont raillé ses hésitations.
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Personne ne peut imaginer un instant que Netanyahu ne considère pas le Hamas comme l’incarnation de l’extrémisme islamique dans ce qu’il a de pire. Personne ne peut douter qu’il prend au sérieux l’objectif déclaré du Hamas de détruire Israël. Netanyahu ne croit pas une seconde que le Hamas puisse être « réformé ». Netanyahu ne croit pas obtenir la démilitarisation de la bande de Gaza si le Hamas demeure en grande partie intact. C’est lui qui a mis en garde quant au danger « catastrophique » des tunnels pour les communautés adjacentes à Gaza. C’est lui qui a déclaré intenable pour les Israéliens d’être confrontés à la menace de la « mort d’en haut » par des tirs de roquettes et de la « mort d’en bas » via les tunnels terroristes.
Alors pourquoi, si le Premier ministre est si lucide sur le danger posé à Israël, s’il est poussé par sa base de droite à approuver des actions militaires plus intensives, cette répugnance manifeste à aller « jusqu’au bout » ?
Explication possible: il estime que malgré les fanfaronnades du Hamas, celui-ci est vraiment en difficulté – pas militairement, où sa capacité-clé n’a pas été atteinte de façon assez significative – mais en termes de crédibilité dans la bande de Gaza et donc par rapport à sa position lorsque les armes se tairont. Que les Gazaouis détestent Israël est une chose. Mais ils pourraient aussi détester de plus en plus un Hamas responsable d’avoir amené la force militaire israélienne sur eux. Est-ce qu’un Hamas affaibli pourrait être forcé d’accepter le retour de l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas à Gaza, avec la possibilité d’un « calme durable » pour Israël ?
Autre considération possible : il sait combien seront lourdes les pertes de Tsahal dans une offensive terrestre de grande envergure. Israël bénéficie de la suprématie aérienne sur Gaza.
Sur le terrain, les choses sont très différentes. Israël a perdu cinq soldats qui ont été tués lundi par des hommes armés du Hamas qui sortaient d’un tunnel. Même dans les circonstances les plus favorables qu’on puisse imaginer, les infiltrés ont ici mortellement surpris l’armée. Plus profondément dans la bande de Gaza, le Hamas bénéficie de l’avantage du terrain ; il est à domicile.
Et ce même si l’armée israélienne demeure une force de combat très bien formée et motivée, et bien équipée de surcroît. Même si les troupes terrestres israéliennes sont certaines de tuer beaucoup plus d’hommes armés de l’ennemi que ce qu’elles pourraient perdre elles-mêmes. Quel que soit le ratio, Israël saignerait, et en dehors de sa propre angoisse à une telle perspective, le Premier ministre peut craindre que l’opinion publique ne se retourne avant que le Hamas ne soit vaincu.
Alternativement, Netanyahu peut être également très préoccupé par les conséquences d’une invasion terrestre réussie. Laissant à Israël le soin de reprendre le contrôle de 1,7 million de Palestiniens très hostiles.
Autre explication possible – à mon avis, d’une grande pertinence : Netanyahu regarde aussi l’ébullition du Moyen-Orient sachant la facilité avec laquelle un front militaire actif, à Gaza, peut en entraîner deux, trois ou plus. Au Sud-Liban, le Hezbollah a 10 fois plus de roquettes que le Hamas en avait il y a trois semaines, avec des portées plus longues, une plus grande précision et de plus grandes têtes.
Celui-ci est resté en dehors du conflit jusqu’à présent ; il n’y a aucune garantie qu’il continuera de le faire. Son commanditaire en chef, l’ayatollah Khamenei, a exhorté les musulmans du monde entier à armer les Palestiniens contre l’entreprise sioniste. Jusqu’à présent, il a évité d’appeler le Hezbollah à l’action – effet dissuasif de la guerre de 2006 ? – peut-être.
Plus près de nous, la semaine dernière, neuf Palestiniens ont été tués dans des affrontements en Cisjordanie, après que le Hamas ait exhorté les masses à lancer une troisième Intifada. Il y a eu aussi des émeutes dans certaines parties de Jérusalem-Est.
Il convient également de rappeler, alors que Netanyahu choisit la retenue, il est demeuré inflexible sur le nucléaire iranien. Si nécessaire, il l’a dit à maintes reprises, Israël agira seul pour empêcher l’Iran d’atteindre la bombe. Netanyahu estime catégoriquement que le programme iranien est une menace existentielle pour Israël ; il est tout sauf confiant dans la volonté de la communauté internationale de l’éviter.
Devenir profondément impliqué dans un enjeu majeur comme une guerre sanglante à Gaza est une « distraction » qu’il a peut être l’intention d’éviter. Il peut également être préoccupé par le fait d’épuiser une telle tolérance à l’action militaire israélienne comme il en existe encore à l’échelle internationale sur Gaza – où les scènes de dévastation, la mort et l’impuissance éclipsent les efforts les plus éloquents pour expliquer pourquoi cela est la faute du Hamas – et cela alors qu’il aura besoin de soutien pour l’Iran.
Seul le Premier ministre et ses proches savent si l’une de ces considérations, ou d’autres, ont un impact sur ses décisions. Netanyahu est tout sauf un imbécile – et, sans surprise, ni le ministre de la Défense, ni le chef d’état-major de Tsahal qui assurent la gestion de ce conflit avec lui, ne montrent de signe de dissidence. Il sait que l’armée ne peut se permettre de faire du surplace dans la bande de Gaza. Tsahal n’est que partiellement déployée mais elle est relativement exposée.
Mais quels que soient les choix qu’il mettra en oeuvre, il ne fait désormais aucun
doute : Netanyahu, qui s’est opposé au désengagement d’Israël de la bande de Gaza en 2005, n’a pas voulu ordonner la ré-invasion. Et la question demeure : qu’a-t-il en
tête ?
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel