Président Abbas, dites à votre peuple d’arrêter de nous poignarder
Je ne pense pas que vous vous souciez de mon peuple. Mais si vous vous souciez du vôtre, vous devriez leur dire que les attaques au couteau ne mènent pas au Paradis ... ni à la création d’un Etat
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Président Abbas, si vous vous souciez vraiment de votre peuple, vous avez besoin de leur dire d’arrêter de nous poignarder.
Vos compatriotes ont tué une douzaine d’Israéliens au cours du dernier mois, et peut-être trois fois ce nombre de Palestiniens sont morts dans l’attaque : des poignardeurs suicidaires, des kamikazes du couteau.
Vous ne les avez pas condamnés. De fait, vous les avez encouragés, tout en pratiquant simultanément le double langage en affirmant que nous les avions tués de sang-froid.
Vous avez déclaré publiquement que « chaque goutte de sang qui a été répandue pour Jérusalem » est immaculée et pure et bénie. Vous avez rassuré tout nouveau candidat au meurtre en lui disant que « chaque martyre atteindra le Paradis, et chaque blessé sera récompensé par Allah ».
De toute évidence, vous ne vous souciez pas de notre peuple, qui a eu l’audace de construire un Etat juif en plein essor dans notre patrie historique, et vous mentez à son propos et incitez à la violence contre lui. Mais puisque votre peuple cherche, et cela se comprend, sa propre indépendance, et souhaite se libérer de notre autorité, vous devez lui dire qu’essayer de nous tuer un par un avec des couteaux et des tournevis et tout ce qui passe par la main est aussi contre-productif et voué à l’échec que la longue série de tentatives précédentes pour nous terroriser et nous faire partir : les guerres conventionnelles, les attentats-suicides et les tirs de roquettes, les attaques à la voiture-bélier, et l’acharnement à diaboliser, délégitimer et nous isoler internationalement.
Le chemin d’accès au statut d’Etat et à l’indépendance que vous cherchez est en fait relativement simple. La voie était libre en 1947 : tout ce que vos prédécesseurs avaient à faire pour avoir une Palestine était d’accepter un Israël en renaissance.
Au lieu de cela, ils ont opté pour la guerre et un auto-sabotage futile, sanglant, tragique. Aujourd’hui, cela va être difficile de convaincre Israël qu’il est sûr pour nous de collaborer avec vous. Nous convaincre, pour paraphraser le président Bill Clinton lors du rassemblement pour Rabin de samedi soir, que les risques de la paix sont moins importants que les risques de s’en éloigner.
La première étape dans ce processus de persuasion : Arrêtez d’essayer de nous tuer. Arrêtez les coups de couteau. Arrêtez l’encouragement des coups de couteau. Arrêtez.
Voici le problème : une grande partie du monde est désormais convaincue que nous sommes le Goliath à votre David. Cet Israël en sur-capacités, cette superpuissance régionale, devrait être éminemment capable de prendre ces risques que le président des États-Unis a recommandés pour la cause de l’indépendance de votre peuple, ainsi que pour notre propre légitimité et tranquillité.
Même considérée dans le contexte étroit du conflit israélo-palestinien, cependant, cette évaluation est myope. Nous avons tous vu le Hamas mettre ce pays hors de fonctionnement pendant 50 jours l’été dernier. Et il ne s’agissait que d’un Hamas limité à Gaza ne réussissant à s’armer qu’à travers les fissures de notre blocus de sécurité. Un Hamas contrôlant la Cisjordanie paralyserait totalement Israël.
Et si vous regardez l’équation Goliath-David avec un peu plus de recul, dans le contexte du minuscule État d’Israël sur la bordure ouest d’un Moyen-Orient vicieux, changeant, imprévisible et débordant d’armes, alors il s’agit d’une fausse déclaration franchement ridicule.
Israël n’a pas l’intention de se mettre dans une position encore plus vulnérable à l’extrémisme sur trois frontières, et avec seulement la mer sur la quatrième. Une meilleure couverture médiatique et de chaleureux messages de soutien de la part de la communauté internationale seraient une contrepartie un peu insuffisante après un suicide national.
L’ironie, Président Abbas, c’est que la plupart d’entre nous veulent accompagner votre peuple vers la création d’un Etat. Nous ne voulons pas vous dominer. Nous savons que pour vous, c’est une terrifiante façon de vivre. Et vous l’imposer nous corrompt. Nous ressentons un lien historique et vibrant avec la Judée et la Samarie bibliques, mais la plupart d’entre nous préfèrent avoir un Israël plus petit qui dispose d’une majorité juive et de la pleine égalité à un plus grand Israël, englobant la Cisjordanie, qui perd son caractère juif et sa démocratie, ou les deux.
Pourtant, tout comme votre hypocrite prédécesseur, vous rendez cette collaboration impossible.
Vous pouvez penser que vous faites des progrès avec les tentatives à l’ONU et les inculpations avec les tribunaux internationaux et toutes les pressions juridiques, diplomatiques et médiatiques pour tenter d’imposer votre Etat malgré nous sans négocier les modalités viables, mais vous ce n’est pas le cas. Malheureusement, bien au contraire.
Nous avons essayé le processus d’Oslo, et avons été récompensés avec le terrorisme. Nous avons essayé l’unilatéralisme, et avons été récompensés avec des roquettes et des tunnels. Alors maintenant, nous sommes quelque peu rigides et nous nous protégeons du mieux que nous pouvons, en maintenant avec insistance le blocage de sécurité à Gaza, et en maintenant avec insistance la présence militaire en Cisjordanie sans laquelle nous serions en ce moment sans doute confrontés à une autre vague d’actes kamikazes.
Ce n’est pas que nous adorons et embrassons la vision du monde de notre Premier ministre, dont le mandat est sans cesse renouvelé. La plupart d’entre nous n’acceptent pas avec résignation sa sombre prédiction rapportée au Comité du ministère des Affaires étrangères et de la Défense de la Knesset, la semaine dernière, selon laquelle « Israël devra vivre par l’épée pour toujours ».
Nous allons certainement vivre par l’épée, aussi longtemps qu’il le faudra, mais nous préfèrerions ne pas avoir à le faire. Nous aimerions beaucoup ne pas envoyer nos enfants sur les lignes de front pour nous protéger, génération après génération. Beaucoup d’entre nous pensent que nous pourrions faire beaucoup pour impulser un climat dans lequel la paix serait moins risquée, pour aider à entamer le long processus de réconciliation et de tolérance qui, peut-être, un jour, pourrait nous permettre pacifiquement de partager cette terre ensanglantée. Mais contrairement aux dirigeants américains bien intentionnés du passé et du présent, nous ne disposons pas du luxe de nous aveugler sur les conséquences de la prise de risques inconséquents et prématurés dans cette cause suprême qu’est la paix.
Avec toutes vos fausses accusations ignobles contre nous, vos années d’expérience, et votre faiblesse, vous, Président Abbas, avez encore plus de puissance que nul autre pour faire avancer le processus graduel de modération qui est essentiel à la réalisation de l’aspiration de votre propre peuple pour un Etat.
Vous êtes le mieux placé pour dire à vos compatriotes que les Juifs ont une légitimité ici aussi. Que cette terre de dispute doit être partagée. Que Jérusalem est sainte pour toutes les religions monothéistes. Que, malgré votre appropriation rhétorique de la terre, la Vieille Ville, où Al-Aqsa se trouve, où l’Eglise du Saint-Sépulcre se trouve, et où le mont du Temple et le mur Occidental se trouvent, n’est pas exclusivement vôtre.
Ils ne vont pas aimer entendre ceci. Après un flot incessant de mensonges porté pendant des générations, cela ne sera pas facile à croire. Ils ne vont pas vous aimer pour avoir dit ça. Mais parfois, le leadership, c’est ça : amener vos électeurs, même contre leur gré, dans une meilleure direction dans leurs propres intérêts.
Vous devriez dire à votre peuple la vérité qui dérange à propos des Juifs et de leur histoire dans ces régions. Au leur de les encourager à nous poignarder, vous devez leur dire que plus tôt ils arrêteront, plus tôt nous pourrons commencer le long processus de renforcement de la confiance. C’est la condition nécessaire pour démarrer les compromis et l’indépendance palestinienne.
Malheureusement, je ne crois pas une seconde que vous le ferez. Je ne crains que l’on ne se souvienne de vous, tout comme votre prédécesseur non regretté, comme un dirigeant palestinien qui a échoué pour son peuple parce qu’il n’a pas eu le courage de lui dire les vérités inconfortables et difficiles. Et ce faisant, les a poussés hors de leur indépendance, et nous a forcés à vivre par l’épée, pour qui sait combien d’années encore.
Non, Président Abbas, Dieu ne récompense pas ceux qui font couler le sang des innocents. Il n’y a pas de champs de la mort sur le chemin vers le Paradis. Si vous vous souciez de votre peuple, vous devriez leur dire de préserver des vies, pas les prendre. Nos vies et la leur.
Et vraiment, le monde est-il devenu tellement fou qu’était-il nécessaire pour moi d’écrire cela ?
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel