Primaires démocrates à NYC : Cuomo concède la victoire à l’anti-Israël Mamdani
"Il l'a méritée. Il a gagné", a déclaré l'ex-gouverneur, qui s'était appuyé sur le vote juif pendant la campagne, reconnaissant ainsi sa cuisante défaite face à son adversaire socialiste
Luke Tress est le vidéojournaliste et spécialiste des technologies du Times of Israël

NEW YORK — L’ancien gouverneur de l’État de New York, Andrew Cuomo, a concédé mardi sa défaite face au membre de l’Assemblée de l’État, Zohran Mamdani, lors des primaires du parti démocrate à New York. Il s’agit d’une défaite surprenante pour ce politicien chevronné qui avait misé sur le vote juif et sur ses convictions pro-Israël pendant la campagne contre son adversaire antisioniste.
Avec près de 95 % de bulletins dépouillés, soit près d’un million, Mamdani mène la course en tête avec plus de 43 % des voix, contre 36 % pour Cuomo.
Cette victoire à portée de main est une surprise. Mamdani, élu local de 33 ans, qui se revendique « progressiste et musulman », a rattrapé jusqu’à 30 points de retard dans les sondages sur l’ancien gouverneur, plus centriste, Andrew Cuomo (2011-2021), pour finir en tête.
« Ce soir n’était pas notre soir … Il [Zohran Mamdani] a gagné », a concédé, le sourire crispé, son rival l’ancien gouverneur Cuomo devant ses partisans, alors que le comptage des votes n’était pas encore totalement terminé.
« Je tiens à féliciter le député pour sa campagne vraiment intelligente, efficace et percutante. Ce soir, c’est son soir. Il le mérite. Il a gagné. »
Les jeux ne sont officiellement pas encore faits dans cette élection au mode de scrutin complexe, où les électeurs étaient appelés à classer cinq candidats par ordre de préférence. Comme aucun candidat ne dépasse les 50 % des voix mardi soir, le dépouillement se poursuivra dans une semaine pour comptabiliser les 2ᵉ, 3ᵉ choix et suivants jusqu’à désigner un vainqueur.

Mais l’avance de Mamdani, qui représente l’aile la plus à gauche de son parti, est conséquente.
Malgré le dépouillement par classement, Cuomo a semblé reconnaître sa défaite. Il a déclaré avoir appelé Mamdani pour le féliciter.
« Je le félicite sincèrement pour ses efforts et je vous invite à l’applaudir et à le remercier pour sa campagne », a déclaré Cuomo.
Le candidat arrivé en troisième position est Brad Lander, contrôleur financier de la ville de New York, un progressiste juif qui a apporté son soutien à Mamdani. Il est donc peu probable que Cuomo puisse remporter le scrutin à vote préférentiel, car de nombreux électeurs de Lander ont probablement classé Mamdani en deuxième position. Une fois Lander éliminé, ces votes seront ajoutés au total de Mamdani.

Les primaires déterminent généralement le vainqueur des élections générales dans cette ville majoritairement démocrate qui abrite la plus grande communauté juive en dehors d’Israël.
Cuomo a annoncé qu’il se présenterait en tant qu’indépendant aux élections générales de novembre. Un porte-parole de Cuomo a déclaré qu’il examinait les chiffres et réfléchissait à ses options.
Après son discours de défaite, Cuomo a déclaré dans un communiqué qu’il « consulterait ses collègues sur la meilleure voie à suivre pour aider la ville de New York, étant donné qu’il s’était déjà qualifié pour se présenter à la mairie en tant qu’indépendant en novembre ».
Cette concession marque une défaite cuisante pour Cuomo, qui était en tête de presque tous les sondages jusqu’aux dernières semaines de la campagne. Mamdani, membre de l’Assemblée représentant une partie du Queens, était un candidat relativement inconnu au début de la campagne, mais il a gagné en popularité jusqu’à finalement l’emporter.

Cuomo est un démocrate centriste qui soutient Israël depuis longtemps. Il a mené une campagne intense pour gagner les voix des électeurs juifs en se rendant dans des synagogues, en participant à des événements juifs et en rencontrant des dirigeants juifs.
Mamdani est un militant anti-Israël de longue date qui a déclaré que la cause palestinienne l’avait poussé à se lancer en politique et qu’elle était au cœur de son identité. Il a alarmé de nombreux Juifs new-yorkais par sa rhétorique et ses politiques anti-Israël.
Il soutient le mouvement anti-Israël Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), refuse de reconnaître le droit d’Israël à exister en tant qu’État juif, se définit comme antisioniste et accuse régulièrement Israël de « génocide ».
Il a promis que, s’il était élu, il ferait arrêter le Premier ministre Benjamin Netanyahu si celui-ci se rendait à New York. Mamdani a invoqué le mandat d’arrêt délivré par la Cour pénale internationale (CPI) contre Netanyahu, mais cette cour n’a aucune compétence aux États-Unis et toute coopération avec elle est illégale en vertu de la loi fédérale.
Dans les dernières semaines de la campagne, Mamdani a défendu l’expression « mondialiser l’Intifada », qui, pour les Juifs, est considérée comme un appel à la violence. La Seconde Intifada contre Israël a été marquée par des attentats-suicides contre des civils israéliens et a fait plus de 1 000 morts parmi les Israéliens. La comparaison faite la semaine dernière par Mamdani entre l’Intifada et le soulèvement du ghetto de Varsovie a suscité la réprobation du Musée américain de la Shoah.
Mamdani, 33 ans, est membre du parti d’extrême gauche Democratic Socialists of America (DSA), qui a fait de l’activisme anti-Israël l’un de ses chevaux de bataille. S’il est élu en novembre, il deviendra le premier maire musulman de la ville.
Il a mené une campagne virale sur les réseaux sociaux et suscité l’enthousiasme d’une armée de jeunes bénévoles sur le terrain pour amplifier ses promesses contre la vie chère, dont la gratuité des bus, des crèches et le gel des loyers régulés, des mesures qu’il compte financer par une taxation sur les plus hauts revenus.
Outre les questions relatives à Israël, les politiques de Mamdani suscitent de nombreuses inquiétudes. Le système de transport public, déjà à court d’argent, relève de la compétence de l’État, les magasins gérés par le gouvernement pourraient nuire aux petites entreprises et le gel des loyers pourrait entraver le développement immobilier, par exemple.

Mamdani a peu d’expérience en matière de législation ou de gestion d’une structure d’une telle ampleur que l’administration municipale. La ville compte en effet plus 300 000 employés et dispose d’un budget de plus de 110 milliards de dollars. La rédaction du New York Times a déclaré la semaine dernière : « Nous ne pensons pas que Mamdani mérite une place sur les bulletins de vote des New-Yorkais. »
Selon les sondages réalisés avant l’élection, les électeurs issus des minorités et les électeurs âgés ont favorisé Cuomo. Les principaux groupes juifs, y compris les communautés orthodoxes et hassidiques de la ville, se sont également rangés derrière Cuomo.
Cuomo jouissait d’une notoriété plus grande que les autres candidats grâce à son mandat de gouverneur, mais sa candidature était entachée. Il avait démissionné de ses fonctions en 2021 à la suite d’allégations de harcèlement sexuel et avait été accusé d’avoir mal géré les maisons de retraite pendant la pandémie de COVID.
Au sein des communautés juives pratiquantes, Cuomo a suscité l’indignation pendant la pandémie en raison de ses mesures limitant les rassemblements, qu’elles ont perçues comme une discrimination à leur égard. Il s’est toutefois racheté pendant la campagne et a obtenu le soutien de presque tous les dirigeants orthodoxes de la ville. Toutefois, son bilan en matière de gestion de la pandémie pourrait avoir freiné la participation électorale, malgré ces soutiens.
Mamdani a également courtisé les électeurs juifs et a obtenu le soutien de l’organisation antisioniste Jewish Voice for Peace (JVP) et du groupe d’extrême gauche Jews for Economic and Racial Justice par l’intermédiaire de son bras électoral, le Jewish Vote. Le soutien croisé de Lander, qui se définit comme un sioniste progressiste, a également pu l’aider auprès des électeurs juifs. En tant que contrôleur, Lander est le plus haut fonctionnaire élu de la municipalité.
Les sondages réalisés avant les élections donnaient Lander ou Mamdani comme deuxième choix des électeurs juifs, derrière Cuomo.
Le maire de New York, Eric Adams, se présente comme indépendant aux élections générales. Comme Cuomo, Adams est un centriste et un fervent partisan d’Israël. Il bénéficie d’un large soutien au sein des communautés juives, en particulier à Brooklyn, où il a été président d’arrondissement, même s’il n’est pas populaire auprès du grand public.
Ces derniers mois, Adams a mis en place une série de mesures pro-juives, notamment la création d’un groupe de travail sur l’antisémitisme, la mise en place d’un conseil des entreprises pour favoriser les liens avec Israël et la codification de la définition de l’antisémitisme de l’International Holocaust Remembrance Alliance (IHRA) pour le gouvernement municipal.

Si Cuomo et Adams se présentent tous deux aux élections générales, ils se disputeront les électeurs centristes et juifs, tandis que Mamdani se positionnera à leur gauche.
Après la concession de Cuomo, Adams a déclaré dans un communiqué : « Ça y est. La lutte pour l’avenir de New York commence ce soir. »
New York mérite « un maire fier de se présenter en fonction de son bilan, et non […] un maire qui n’a aucun bilan. Nous méritons un maire qui continuera à réduire la criminalité, à soutenir notre police, à lutter contre l’antisémitisme », a réagi le maire sortant Adams, élu sous l’étiquette démocrate, qui compte se représenter mais qui souffre d’un déficit d’image, accusé de se compromettre avec l’administration Trump en échange de l’enterrement de poursuites pour corruption.
Originaire d’Ouganda et d’origine indienne, Zohran Mamdani a été soutenu par des figures de gauche comme Bernie Sanders et l’élue à la Chambre des représentants de New York Alexandria Ocasio-Cortez.
« Félicitations à Zohran Mamdani et à ses milliers de sympathisants pour leur extraordinaire campagne. Vous avez affronté l’establishment politique, économique et médiatique et vous l’avez battu », a déclaré Sanders sur le réseau social X.
« Les milliardaires et les lobbyistes ont déversé des millions contre vous et contre notre système de finances publiques. Et vous avez gagné », a dit Ocasio-Cortez, également sur X.
« Zohran Mamdani est trop extrême pour une ville déjà à fleur de peau », a réagi le candidat Républicain Curtis Sliwa.
« L’heure n’est pas à la politique radicale. Il est temps d’adopter un véritable leadership », a-t-il ajouté.
L’AFP a contribué à cet article.