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Pro-Hamas mais pas pro-Hezbollah, la Turquie ne verse pas de larmes sur Nasrallah

Selon les analystes, la sympathie d'Ankara pour les Palestiniens ne s'étend pas à l'ennemi régional, l'Iran, et à ses alliés chiites, en grande partie en raison de leur soutien à Assad en Syrie

Des manifestants brandissent des drapeaux turcs et palestiniens lors d'une manifestation anti-israélienne et pro-palestinienne à Istanbul, en Turquie, le 25 août 2024. (AP Photo/Francisco Seco)
Des manifestants brandissent des drapeaux turcs et palestiniens lors d'une manifestation anti-israélienne et pro-palestinienne à Istanbul, en Turquie, le 25 août 2024. (AP Photo/Francisco Seco)

Virulent contempteur des opérations israéliennes à Gaza, la Turquie sunnite est restée très mesurée depuis le début des attaques israéliennes au Liban contre le Hezbollah chiite et la mort de son chef, Hassan Nasrallah.

Pour les analystes interrogés par l’AFP, cette retenue inhabituelle trahit, derrière la prudence, une satisfaction discrète de voir Téhéran et ses auxiliaires affaiblis dans la région.

Le président Recep Tayyip Erdogan, qui s’inquiète de voir « le Liban et le peuple libanais ciblés par la politique de génocide, d’occupation et d’invasion menée par Israël depuis le 7 octobre », date de l’attaque du Hamas contre le sud d’Israël, n’a pas eu un mot sur les pertes du Hezbollah.

Seul son ministre des Affaires étrangères Hakan Fidan, tout aussi virulent, révélant avoir rencontré Nasrallah peu après le début de la guerre à Gaza, a évoqué « une figure majeure pour la région, surtout le Liban, dont le vide sera difficile à combler ».

Car Ankara n’oublie pas le rôle joué par la milice chiite libanaise et l’Iran pour sauver le régime syrien de Bachar al-Assad, ni le chaos que cette guerre a créé à ses portes, projetant des millions de réfugiés sur son sol.

C’est même la raison pour laquelle le président Erdogan tente de renouer avec Bachar al-Assad.

Erdogan a exprimé à plusieurs reprises son ferme soutien au Hamas et a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une organisation terroriste. Il a accusé à plusieurs reprises Israël de se livrer à un « génocide » de type de celui des Nazis des Palestiniens de Gaza et a qualifié le Premier ministre Benjamin Netanyahu de criminel de guerre.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d’un rassemblement pro-palestinien à Istanbul, le 18 mai 2018 (Crédit : AFP Photo/Ozan Kose)

Selon les analystes, la sympathie de la Turquie pour les Palestiniens – qui, comme Erdogan, sont des musulmans sunnites – ne s’étend pas au soutien de l’Iran, du Hezbollah et de leurs autres alliés chiites dans la région, tels que les Houthis au Yémen et les factions en Irak.

« La Turquie et le Hezbollah ne sont pas sur la même ligne au plan régional, surtout en Syrie où ce dernier a soutenu le régime et s’est rendu complice des crimes de guerre d’Assad », relève Özgür Ünlühisarcikli, du German Marshall Fund.

« Même si les opinions sont partagées en Turquie, les pertes du Hezbollah préoccupent clairement moins que celles du Hamas ».

Pour Gönul Tol, directrice Turquie du Middle East Institute à Washington, « seule une minorité d’islamistes » en Turquie regrette « l’affaiblissement de l’axe de résistance » à Israël, promu par l’Iran avec ses affidées dans la région (Hezbollah, factions chiites en Irak et Houthis au Yémen), même si la majorité des Turcs sont ouvertement pro-palestiniens.

Bien que difficile encore à mesurer, « l’affaiblissement prolongé de l’Iran et de ses alliés chiites renforcerait la position dominante de la Turquie sur deux théâtres au moins, l’Irak et la Syrie », poursuit-elle.

« Acteur sunnite »

Car même si Erdogan préfère se présenter en « leader du monde musulman », « depuis la guerre en Syrie, la Turquie a émergé de fait comme un acteur sunnite dans la région », avec ses 85 millions d’habitants, face à l’Iran chiite, souligne-t-elle encore.

« La décapitation du Hezbollah conduit à réduire l’influence du principal rival de la Turquie dans la région et ça, elle ne va pas le regretter », confirme Asli Aydintasbas, spécialiste de la Turquie à la Brookings Institution.

« Mais Ankara se montre prudent dans ces actes et propos. Les relations avec l’Iran restent sensibles. Et la Turquie s’inquiète visiblement d’une escalade régionale et d’une guerre totale entre l’Iran et Israël dont elle fera tout pour rester à l’écart », ajoute-t-elle.

Pour Sinan Ciddi, chercheur associé à la Fondation pour la démocratie (FFD) à Washington, « Erdogan recherche plutôt un rôle de coordination post-conflit plus large à Gaza, pour la Turquie et l’Égypte, deux États sunnites, comme des accords de sécurité et pour la reconstruction » du territoire palestinien.

Cette photo prise et diffusée par le service de presse de la présidence turque le 4 septembre 2024 montre le président turc Recep Tayyip Erdogan (à gauche) accompagné du président égyptien Abdel Fattah al-Sisi (à droite) à son arrivée au complexe présidentiel lors d’une cérémonie officielle de bienvenue à Ankara. (Handout/Turkish Presidential Press Service/AFP)

D’où la récente visite, début septembre, du président Abdel Fattah al-Sissi à Ankara, rappelle-t-il, traité il y a encore cinq ans de « tyran » et « d’assassin » par le président turc.

Membre de l’OTAN, la Turquie n’a cessé de condamner les opérations israéliennes à Gaza lancées en représailles à l’attaque du Hamas le 7 octobre. Elle a suspendu ses échanges commerciaux avec Israël et s’est jointe à la procédure pour génocide contre Israël engagée par l’Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice.

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