« Quand l’UE est malade, Israël en souffre, c’est aussi simple que cela, » selon un expert
Israël a perdu un sincère allié avec le prochain départ de David Cameron, mais l'allié chevronné allemand va gagner en influence
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Winston Churchill, le dirigeant britannique légendaire, a à son crédit d’avoir été le premier homme d’état à appeler de ses voeux à une Europe unie. En 1946, il rêvait d’ « un libre » et « heureux » continent européen – « de recréer la famille européenne… et de lui donner la structure sous laquelle elle peut vivre en paix, en sécurité et en libérté. Nous devons construire une sorte d’Etats-Unis d’Europe. »
Vendredi matin, le rêve de Churchill, qui jusque quelques années semblait être devenu réalité, a été brisé en morceaux sur le roc solide de l’opinion publique britannique, alors que 51,9 % des Britanniques ont voté pour quitter l’Union européenne, 43 ans après l’avoir rejointe.
Churchill était un visionnaire de l’Europe unie, mais il a également reconnu que de prendre des décisions sur la base de ce que ressent la majorité des citoyens peut occasionnellement être problématique.
« La démocratie est la pire forme de gouvernement, à l’exception de toutes les autres formes qui ont été essayées de temps en temps, » comme le dit sa célèbre phrase prononcée en 1947 lors d’un discours à la Chambres des Communes.
Les prémisses de la citation de Churchill peuvent faire l’objet de débats, mais regardons cela en face : l’année 2016, qui a vu les électeurs des primaires républicaines aux Etats-Unis déjouer toutes les attentes – et leurs dirigeants de partis – en couronnant comme candidat présidentiel un populiste fort-en-gueule, et durant lequel les citoyens d’une île-nation ont décidé de tourner le dos à une Europe unie allant contre le meilleur jugement de la plupart des économistes et du Premier ministre qu’ils avaient eux-même élus il y a juste 13 mois, n’a pas été une bonne année pour la démocratie directe.
Que signifie le dénommé Brexit pour Israël ?
Le ministre de la Sécurité publique Gilad Erdan, qui sans commenter le vote britannique en faveur d’un départ de l’UE a exprimé des regrets concernant la décision de quitter son poste du Premier ministre David Cameron (il avait été un avocat acharné de la compagne du maintien dans l’UE).
Ensuite, en fin d’après-midi, le bureau du Premier ministre a publié le communiqué suivant, toujours sans commenter sur la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE : « J’apprécie énormément le Premier ministre David Cameron, un leader respecté et un véritable ami d’Israël et du peuple juif. Tout au long de son mandat de Premier ministre, la sécurité, la coopération économique et technologique entre le Royaume-Uni et Israël se sont considérablement élargies. Ensemble, nous avons établi une base solide pour une coopération continue », conclut le communiqué.
Au moment de l’écriture de cet article, la question de savoir comment va se dérouler exactement la sortie de la Grande-Bretagne de l’UE n’est pas très claire.
Les politiciens d’extrême-droite en France et aux Pays-Bas ont appelé pour des référendums similaires, et on s’attend à ce que l’Ecosse lance une nouvelle tentative d’indépendance, après un référendum manqué en 2014.
En raison de l’incertitude mondiale, les experts israéliens sont pressés de prédire quelles seront les implications du Brexit pour l’Etat juif. Mais il y a une chose qui apparaît de façon évidente : de grands changements vont avoir lieu, et ils ne passeront pas au-dessus d’Israël.
« Au-delà de tout, nous devrions nous souvenir que l’UE est le plus gros partenaire commercial d’Israël. Tous les obstacles au projet d’intégration européenne auront des implications financières qui auront une influence immédiate sur l’économie israélienne. » affirme la professeure Sharon Pardo, Directeur du Centre pour les politiques et sociétés européennes à l’Université de Ben-Gurion du Negev.
« Lorsque l’UE est malade, Israël en souffre, c’est aussi simple que cela. »
Vendredi, les marchés boursiers mondiaux se sont écroulés, et à court-terme, l’économie israélienne doit s’attendre à être frappée également, a prédit Pardo. « Israël est un membre de la communauté internationale et toute décision majeure et drastique a une implication pour nous également. »
En termes diplomatiques, Israël perd un allié dans l’Union, mais ce n’est pas une catastrophe. Londres n’était ni une ardente critique comme l’Irlance ou la Suède, mais pas une amie aussi intime que l’Allemagne ou la République Tchèque.
A l’intérieur du conseil des Affaires étrangères de l’Union, « Israël perd un canal ouvert, un qui avait clairement une influence au niveau de direction européenne, » a dit Pardo. « De l’autre côté, l’Allemagne a de bonnes chances de prendre la tête à cet endroit, et le fait que l’Allemagne soit un allié proche d’Israël va clairement avoir des implications. L’Allemagne est l’adulte responsable, ici. »
David Cameron était un farouche allié du Premier ministre Benjamin Netanyahu, alors que le dirigeant actuel du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, a un passé controversé quant à la question Israélo-palestinienne. Si le résultat du référendum de jeudi mène à de nouvelles élections et aide le Labour à arriver au pouvoir, les relations GB-Israël vont grandement souffrir.

Coup dur
Vendredi matin, alors que le monde était encore sous le choc de ce qui pourrait être le début de la fin d’une Europe unifiée – un événement qui pourrait causer, selon des experts, une résurgence du nationalisme et du racisme -, un groupe israélien arborait un sourire satisfait.
Regavim, une « organisation de promotion » des colonies et orientée à droite, a activement fait campagne pour le Brexit, dans le but de punir l’Union pour sa politique perçue comme anti-israélienne.
« Regavim voudrait remercier tous nos supporters qui ont pris position pour l’indépendance de la Grande-Bretagne et d’Israël », a déclaré le groupe dans un communiqué, publié quelques minutes après l’annonce des résultats du référendum.
« L’Union européenne devrait immédiatement cesser ses constructions illégales en Israël et arrêter de financer des ONG anti-israéliennes ou d’autoriser l’argent des contribuables européens à financer des terroristes palestiniens. Et surtout, il est temps que l’UE se concentre sur ses propres problèmes et mette fin à son obsession malsaine et antisémite pour Israël ».
Même après le départ du Royaume-Uni de l’Union, ce qui pourrait prendre deux ou trois ans, les 27 pays membres restants ne changeront probablement pas leur position vis-à-vis d’Israël et de la question palestinienne.
Le Brexit va indubitablement ébranler l’Union européenne, mais elle a toujours réussi à surmonter les crises et les défis, a rétorqué Pardo. « Personnellement, je crois que l’Union émergera de cette crise plus forte qu’avant », a-t-il ajouté.
Churchill serait probablement d’accord. « En ce qui me concerne, je suis un optimiste – être autre chose ne semble pas très utile », a-t-il un jour déclaré.