Que dit Le frérisme et ses réseaux sur les Frères musulmans ?
Ce mouvement, né en 1928 en Egypte, porte le projet d'un islam politique conservateur. Il est aujourd'hui considéré comme "terroriste" en Egypte
L’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler, dans Le frérisme et ses réseaux, s’intéresse au mouvement des Frères musulmans, qu’elle décrit comme un « système d’action » visant à instaurer « une société islamique mondiale ».
Une conférence sur cet ouvrage prévue à la Sorbonne Université vendredi 12 mai a été suspendue, puis reportée au 2 juin, à la demande de la Faculté de Lettres. Un report qui a suscité de vives réactions, alors que Mme Bergeaud-Blackler, chargée de recherche au CNRS, a dû être placée sous protection policière après des menaces de mort, selon son avocat.
Dans ce livre, paru en janvier (Odile Jacob), préfacé par le politologue Gilles Kepel, spécialiste du monde arabe, l’auteure examine « l’idéologie, les stratégies et les visées de ceux que l’on dit ‘proches des Frères musulmans' ».
Ce mouvement, né en 1928 en Egypte, porte le projet d’un islam politique conservateur. Il est aujourd’hui considéré comme terroriste en Egypte.
Elle décrit ses origines, son « internationalisation à partir des années 1960 », « puis son adaptation au contexte européen ». Elle détaille plus précisément « quelques-unes des plus importantes institutions fréristes actives en Europe » et montre « combien elles ont remarquablement su s’adapter au contexte européen ».
Le frérisme, dit-elle, est « un système d’action qui doit rassembler tous les courants islamiques dans un grand mouvement islamique pour instaurer le califat sur Terre – en termes modernes, la société islamique, la seule digne d’exister et ainsi atteindre la fin de l’histoire ».
Selon elle, le « frérisme » cherche « à rendre le monde ‘charia-compatible' ». L’universitaire indique plusieurs pistes pour contrer son influence : notamment « financer des études sur le frérisme » et « réintroduire le débat critique dans le monde académique », jugeant que « la cancel culture doit disparaître des amphis », et dénonçant le « wokisme ».
L’auteure dit avoir avoir enquêté « dans les mosquées, auprès de familles, d’entrepreneurs, d’associations et institutions gouvernementales, surtout en France et en Belgique ainsi que dans d’autres pays d’Europe occidentale ».
Sur Europe 1 jeudi, Mme Bergeaud-Blackler a affirmé que l’Université était « l’une des premières cibles de l’entrisme frériste ». Selon elle, le report de sa conférence est « une façon d’accréditer la thèse de (ses) contempteurs qui (l)’accusent d’islamophobie ou de racisme ».
Après sa sortie, le livre a en effet fait l’objet de critiques, notamment dans le milieu universitaire. François Burgat, ancien directeur de recherche au CNRS, spécialiste de l’islam, a ainsi dénoncé, sur son blog et sur Twitter, « les limites méthodologiques étroites de son ‘enquête' », des « résultats ‘hors sol' », ou encore « une description de l’objet ‘frériste’ (…) sans contre-perspectives contradictoires autres que grossièrement caricaturées ».
Sur le site de la revue Orient XXI, l’avocat Rafik Chekkat, fondateur d’un site dédié à la lutte contre l’islamophobie a, entre autres, comparé Mme Bergeaud-Blackler au pamphlétaire antisémite du XIXe siècle Edouard Drumont.
L’auteure dit en revanche avoir reçu des soutiens d’ « élus de droite comme de gauche ». Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a indiqué qu’il allait la recevoir le 23. Le Grand-Orient de France lui a aussi apporté son soutien.