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Interview

Quel rôle ont tenu les Juifs dans la médecine ? Un livre apporte une réponse

Un nouveau livre retrace les remèdes prescrits par les premiers médecins juifs et leurs homologues levantins, jusqu'aux innovations de pointe d'aujourd'hui

Maimonides par Solomon Souza. Mahane Yehuda, Jérusalem, février 2016. (Crédit : Renee Ghert-Zand/TOI)
Maimonides par Solomon Souza. Mahane Yehuda, Jérusalem, février 2016. (Crédit : Renee Ghert-Zand/TOI)

Si vous pensiez que la marijuana médicale était une folie contemporaine, voici une surprise : sachez qu’un sage entre les sages, le rabbin-médecin Moïse ben Maïmon lui-même, prescrivait des médicaments à base de plantes aux effets psychoactifs au Caire au Moyen Âge.

Pour traiter les patients mélancoliques, Maïmonide – c’est le nom sous lequel est dorénavant connu ben Maïmon – choisissait parmi 100 substances différentes, dont certaines avaient des effets sédatifs. Plusieurs, comme le basilic, le raisin et le poivre, sont des classiques des jardins ou des épiceries. Toutefois, un produit inhabituel d’origine animale figurait en tête de la liste du rabbin : le castoréum, un liquide sécrété par les castors.

Nous ne verrons peut-être jamais Maïmonide de la même façon, grâce à une nouvelle anthologie dans laquelle il apparaît dans plusieurs chapitres, Medicine : From Biblical Canaan to Modern Israel, qui est co-édité par les docteurs Kenneth Collins et Stuart Stanton. De même, ce livre novateur donne aux lecteurs l’occasion de réévaluer le rôle de la médecine elle-même sur le territoire qui forme aujourd’hui l’État d’Israël et dans ses environs.

« Nous avons tout couvert, de la Bible à l’époque moderne », a déclaré Collins lors d’une interview menée via Zoom et organisée conjointement par les éditeurs et par le Times of Israel, avant le lancement du livre le 27 juillet dernier à Jérusalem en présence de ses auteurs.

L’un des contributeurs de l’ouvrage est le professeur Markham Geller, du département d’études hébraïques et juives de l’University College London (UCL). Il a rédigé un chapitre sur la médecine babylonienne en y intégrant ses connaissances de l’écriture cunéiforme.

« Ce n’était pas un chapitre facile à écrire – un chapitre vraiment profond sur les premiers balbutiements de la médecine en liaison avec les questions soulevées par le Talmud », a expliqué Collins.

Photo d’archives de la médecine naturelle. (Crédit : iStock/Artfully79)

Des soins universels

La santé semble intimement liée au judaïsme – il suffit de penser à la soupe au poulet ou à la prière Mi Shebeirach, lue à haute voix à la synagogue pendant le Shabbat et lors des jours de fête. Mais la médecine joue également un rôle important dans d’autres religions.

L’anthologie examine la longue période de l’ère islamique, du 8e au 18e siècle de notre ère, notamment les contributions de médecins tels qu’Ibn Sina (Avicenne) et Ibn Rushd (Averroès). Maïmonide – ou Musa ibn Maymon en arabe – a été le médecin personnel du sultan musulman d’Égypte, al-Afdal.

L’ouvrage traite de la médecine traditionnelle arabe et juive, ainsi que de la médecine sous le mandat britannique et dans les décennies qui ont suivi l’indépendance d’Israël. Il explique notamment comment Israël a vaincu une épidémie de polio dans les années 1950 par une campagne de vaccination qui n’est pas sans rappeler l’approche actuelle du pays face à la pandémie de coronavirus.

Dans les années 1950, alors que les enfants israéliens étaient menacés par la polio, le Dr. Natan Goldblum s’était rendu aux États-Unis pour apprendre comment un autre professionnel de la santé juif, le Dr. Jonas Salk, fabriquait son vaccin révolutionnaire. De retour au sein de l’État juif, le Dr. Goldblum avait aidé Israël à devenir le troisième pays à produire le vaccin au niveau national, après les États-Unis et le Danemark, ce qui avait entraîné une diminution des infections.

Le Dr. Nava Blum, qui a contribué à l’ouvrage « Medicine », en compagnie du Dr. Kenneth Collins, co-éditeur, lors du lancement du livre à la synagogue HaZvi Yisrael à Jérusalem, le 21 juillet 2021. (Autorisation)

La docteure Nava Blum, maître de conférences au Max Stern Academic College d’Emek Yezreel, a écrit sur Goldblum à plusieurs reprises – et plus récemment dans cette anthologie, dans un chapitre consacré à la médecine de rééducation qu’elle a co-écrit avec le Dr. Avi Ohry du département de médecine de rééducation à l’Université de Tel Aviv (TAU).

« C’était vraiment amusant, une sorte d’aventure, d’apprendre tout cela – le rôle [de Goldblum], ses recherches », a dit Blum au Times of Israel.

En Israël, ajoute-t-elle, « personne n’en sait rien. Personne. Je suis sûre que son nom n’est pas du tout familier ici ». En riant, elle s’exclame : « Peut-être qu’aux États-Unis, il est plus connu qu’ici. »

La pandémie actuelle de coronavirus est mentionnée dans le livre, et un chapitre tristement prémonitoire est consacré aux contributions israéliennes à la médecine d’urgence – un sujet qui a récemment fait la une des journaux après l’effondrement du bâtiment résidentiel de Surfside à Miami.

La graine est plantée

Le projet est né d’un cours d’histoire du judaïsme que Stanton a suivi à l’UCL en 2017. Le programme abordait notamment la secte luthérienne des Templiers allemands, qui a commencé à s’installer dans la Palestine ottomane de l’époque à la fin du XIXe siècle – un sujet qui a retenu l’attention de Stanton.

Le Dr. Stuart Stanton à la synagogue HaZvi Yisrael à Jérusalem, le 27 juillet 2021. (Autorisation : Kenneth Collins)

« Ils ont fait venir avec eux des agriculteurs, des architectes, des économistes, des agronomes, des médecins et la médecine », a expliqué Stanton, un expert en urogynécologie largement publié. « Cela m’a semblé être une idée intéressante, la médecine en Israël, quelque chose sur lequel on pourrait écrire. Ma femme est une grande source d’inspiration. Elle m’a dit : ‘C’est une bonne idée, vas-y !' »

Stanton a discuté de l’idée avec le Dr. Avi Ohry, qui lui a présenté le Dr. Kenneth Collins, originaire d’Écosse et émigré en Israël. Collins est le co-rédacteur en chef de la revue israélienne d’histoire scientifique Korot et l’ancien rédacteur en chef de Vesalius, la revue de la Société internationale d’histoire de la médecine. À ce titre, il a apporté des contacts précieux, notamment son collègue de Korot, Samuel Kottek, qui a rédigé le chapitre sur la médecine et les sciences bibliques et talmudiques.

Judy Siegel-Itzkovich, ancienne correspondante santé de longue date du Jerusalem Post, a pour sa part co-écrit un chapitre sur la médecine israélienne moderne avec Collins et Stanton. Stanton fait l’éloge des contributions de Siegel-Itzkovich dans ce chapitre, qui « nous a montré, à nous et à tout le monde, ce qu’Israël a donné au monde ».

Mais le livre couvre une grande partie de l’histoire avant la création de l’État moderne d’Israël. Il contient un chapitre sur la médecine islamique classique, rédigé par Aref Abu-Rabia, professeur d’anthropologie à l’université Ben-Gourion du Néguev, et un chapitre sur la médecine ottomane, rédigé par la professeure Miriam Shefer-Mossensohn, du département d’histoire du Moyen-Orient et de l’Afrique de la TAU.

Dans la maladie et dans la santé

À la fin du XIXe siècle, l’Empire ottoman, qui avait gouverné la Palestine pendant des siècles, était connu comme « le malade de l’Europe ». À cette époque, des philanthropes juifs, de la famille Rothschild jusqu’à Sir Moses Montefiore, avaient rivalisé avec les puissances européennes pour construire des hôpitaux en Palestine ottomane. Pour bon nombre de bailleurs de fonds juifs, la construction d’hôpitaux était étroitement liée aux efforts livrés en vue de l’établissement d’un État juif.

À cette fin, au début du XXe siècle, Henrietta Szold avait fondé Hadassah, qui continue d’exister non seulement en tant qu’organisation, mais aussi à travers les campus hospitaliers de Jérusalem qu’elle a contribué à établir.

« Le mouvement sioniste voulait vraiment créer un nouveau Juif, un Juif en bonne santé, travaillant la terre et ne vivant pas dans les ghettos surpeuplés d’Europe de l’Est », a déclaré M. Collins. « L’une des choses que les sionistes voulaient faire était de s’assurer que la population serait en bonne santé. » Cela s’est poursuivi pendant le mandat britannique, comme le relate un chapitre écrit par Collins.

Une clinique pour bébés et jeunes enfants à Jérusalem en 1929 pendant une campagne contre le trachome. (Autorisation : Kenneth Collins)

Au fil des siècles, différents peuples se sont disputés la Terre sainte – notamment les Babyloniens et les Israélites, les musulmans et les croisés, les Ottomans et les Britanniques, les Israéliens et les Arabes – et les conflits ont donné lieu à de nombreuses innovations médicales. Un chapitre sur la médecine militaire en témoigne, écrit par un ancien chirurgien général en chef de Tsahal, Eran Dolev.

« Il y a une quantité absolument incroyable d’innovations provenant de l’armée », dit M. Collins, « visant à transporter très rapidement les soldats blessés des champs de bataille aux hôpitaux. Les innovations sont arrivées très, très rapidement ».

« Medicine : From Biblical Canaan to Modern Israel », coédité par les Drs Kenneth Collins et Stuart Stanton. (Autorisation)

Bien que le livre contienne une large partie historique, il ne mentionne qu’en passant les réalisations médicales de l’Égypte ancienne. Aucune mention non plus de Jésus, le célèbre guérisseur du Nouveau Testament et du christianisme – bien qu’il évoque l’asile pour lépreux Jesus Hilfe à Jérusalem à l’époque du mandat.

En ce qui concerne l’Égypte, Collins estime que « le déplacement des éventuelles maladies se faisait dans les deux sens. L’Egypte était beaucoup plus peuplée et plus prospère. On comptait sur l’Égypte ».

Il compare la déférence de la bible à l’égard de Jésus le guérisseur à celle qui s’exprimait à l’égard du rabbin Aryeh Levin pendant la période du mandat britannique et au cours des premières années d’existence d’Israël : « [Les gens] allaient le voir pour obtenir une bénédiction. Il disait aux gens : ‘Je vais vous donner une bénédiction. Allez chez le médecin…’ C’était un modèle en termes d’avis religieux. »

Le récit s’abstient de couvrir le conflit israélo-palestinien contemporain. « Je suis un historien de la médecine, pas un commentateur des questions d’actualité », s’est exclamé Collins, ajoutant : « Ce livre n’est pas un tract politique. »

Il a noté que certains chapitres mentionnaient toutefois les Arabes israéliens – notamment un chapitre qui est consacré à une étude comparée de la santé et des maladies au sein des populations juives et arabes en Israël. Le chapitre sur la médecine d’urgence souligne que le Magen David Adom a aidé le Croissant-Rouge palestinien.

Interrogé sur les tendances futures en Israël, Collins évoque la compagnie aérienne nationale El Al, en disant : « Onward and upward (en avant !). Le pays a vraiment acquis une réputation en matière d’innovation – pour les start-ups, pour le savoir-faire en matière de marketing, pour réaliser des développements. Misez sur la recherche. »

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