Israël en guerre - Jour 474

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Raconter et émouvoir, l’autre fonction des procès nazis

A quoi servent les ultimes procès contre d'anciens nazis ? A toucher l'opinion plutôt qu'à punir, jugent rescapés et spécialistes de la Shoah, rappelant le rôle pédagogique qu'ont toujours tenu ces audiences hors normes

Reinhold Hanning, au centre, entre ses deux avocats au tribunal à Detmold, le 11 février 2016 (Crédit : AFP / PATRIK STOLLARZ)
Reinhold Hanning, au centre, entre ses deux avocats au tribunal à Detmold, le 11 février 2016 (Crédit : AFP / PATRIK STOLLARZ)

« Il ne s’agit pas d’envoyer des vieillards en prison », relevait le quotidien Süddeutsche Zeitung, commentant l’ouverture le 11 février du procès d’un ancien gardien d’Auschwitz, Reinhold Hanning, et celle prévue lundi d’un autre SS du même camp, Hubert Zafke.

Face à l’immensité du crime, la capacité de la justice à trouver une peine adaptée pour les nazis n’a cessé d’être décriée. « Dix minutes de prison par victime », est ainsi devenu un adage parmi des enquêteurs dépités.

A l’inverse, avec des accusés dépassant les 90 ans, la peine ne joue plus « aucun rôle », estime Justin Sonder, survivant d’Auschwitz qui a déposé contre Hanning.

« Aujourd’hui, c’est la fonction de témoignage qui prédomine », à mesure que s’éteignent les anciens bourreaux et les derniers rescapés, renchérit auprès de l’AFP Daniel Bonnard, historien à l’université de Marbourg.

Le procès de Reinhold Hanning, 94 ans, s’est d’emblée construit autour des récits d’anciens déportés d’Auschwitz, tout comme l’avait été l’an dernier celui d’Oskar Gröning, 94 ans également, ex-comptable du camp emblématique de la Shoah.

Oskar Gröning au premier jour de son procès à Luneberg, en Allemagne, le 21 avril 2015 (Crédit : JTA / Andreas Tamme / Getty Images)
Oskar Gröning au premier jour de son procès à Luneberg, en Allemagne, le 21 avril 2015 (Crédit : JTA / Andreas Tamme / Getty Images)

‘Accusé parfait’

Venus des Etats-Unis, du Canada ou d’Israël, ils ont raconté l’horreur concentrationnaire et retracé leur cheminement après la guerre, entre quête de sens et besoin de transmettre, face à des salles combles où personne ne disait mot.

Endossant une « responsabilité morale », Gröning a de son côté décrit le fonctionnement d’Auschwitz et son état d’esprit de l’époque, s’avérant pour son auditoire un « accusé parfait », observe Andrej Umansky, spécialiste de droit pénal à l’université de Cologne.

Des anciens prisonniers d'Auschwitz, (g à d) Erna de Vries, Justin Sonder and Leon Schwarzbaum à une conférence de presse à Detmold, avant le procès d'un SS Reinhold Hanning, le 10 février 2016 (Crédit : PATRIK STOLLARZ / AFP)
Des anciens prisonniers d’Auschwitz, (g à d) Erna de Vries, Justin Sonder and Leon Schwarzbaum à une conférence de presse à Detmold, avant le procès d’un SS Reinhold Hanning, le 10 février 2016 (Crédit : PATRIK STOLLARZ / AFP)

Les étudiants, nombreux à assister à ces procès, « n’ont plus de connexion personnelle avec ce chapitre de l’histoire, qui devient pour eux aussi lointain que l’Egypte ancienne », constate l’universitaire.

Mais le récit de Gröning, montrant un camp « pas si organisé que ça, où les gardes avaient des marges de manoeuvre et se livraient au marché noir », « éclaire ce qui s’y passait à petite échelle » et enlève à Auschwitz « son côté abstrait, comme si c’était une autre planète », poursuit M. Umansky.

Evoquant cet intérêt pédagogique, le groupe de presse Axel Springer, propriétaire du quotidien Bild, a d’ailleurs publié l’intégralité des débats puis en a fait un livre, « Les derniers témoins », paru en novembre.

Le tournant Eichmann

Bien que leur impact soit beaucoup plus modeste, ces ultimes audiences renouent avec l’héritage des grands procès du nazisme, qui furent décisifs pour la prise de conscience et la compréhension de la Shoah.

Le procès des dirigeants du IIIe Reich à Nuremberg, fin 1945, puis celui d’Adolf Eichmann à Jérusalem, en 1961, « sont constamment revisités par tout le monde – philosophes, historiens, juristes et auteurs de fiction », souligne l’historienne Annette Wieviorka, qui vient de diriger avec Sylvie Lindeperg « Le moment Eichmann ».

Adolf Eichmann, à son procès en 1961 (Crédit : Wikimedia Commons)
Adolf Eichmann, à son procès en 1961 (Crédit : Wikimedia Commons)

Nuremberg et les procès alliés ont nourri la recherche sur « les médecins, les industriels et l’appareil nazi », mais aussi les multiples travaux « sur les bourreaux » et leur « adhésion » massive à l’extermination, rappelle Daniel Bonnard.

En accordant aux témoignages de rescapés une place inédite, face à 450 journalistes venus du monde entier, le procès Eichmann a pour sa part révélé à l’opinion le sort spécifique des Juifs, jusqu’alors mal séparé des autres crimes nazis, précise Mme Wieviorka.

D’autres procès « ont eu des effets nationaux », comme ceux de Klaus Barbie (1987), Paul Touvier (1994) et Maurice Papon (1997-1998) en France. En Allemagne, la comparution à Francfort de 22 anciens responsables d’Auschwitz (1963-1965) a marqué « le début du travail de la société sur elle-même », souligne l’historienne.

Cette audience très médiatisée, qui a vu défiler pendant deux ans les classes de lycéens, a même donné lieu à une pièce phare du théâtre documentaire, « L’Instruction » de Peter Weiss.

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