Raid de la police dans une librairie de Jérusalem-Est : arrestation et saisie de livres
Des diplomates s’inquiètent du raid ; la détention des propriétaires est prolongée de 24 h pour "trouble à l’ordre public" et vente de textes interdits

La police israélienne a fait une descente dans une importante librairie de Jérusalem-Est spécialisée dans l’identité palestinienne et le conflit israélo-arabe, confisquant des livres et arrêtant les propriétaires dans la nuit de dimanche à lundi.
Mahmoud Muna et Ahmad Muna, qui tiennent la librairie Educational Bookshop, ont été accusés par la police de vendre des ouvrages au contenu « incitant à la haine et soutenant le terrorisme », citant, preuve à l’appui, un livre de coloriage pour enfants intitulé Du fleuve à la mer, vendu dans la librairie.
Les forces de l’ordre ont demandé une détention prolongée de huit jours, mais le tribunal n’a accordé qu’une prolongation d’un jour lundi.
Dimanche soir, la police s’est rendue dans les deux magasins de l’Educational Bookshop, munie d’un mandat de perquisition délivré par le tribunal. Les deux libraires ont été arrêtés et ont passé la nuit au siège de la police, dans le complexe russe.
Selon un frère des propriétaires, cité dans le quotidien Haaretz, les policiers auraient utilisé Google Translate pour déterminer quels livres – dont la plupart sont en arabe – devaient être saisis.
« Ils ont pris tous les livres qui ne leur revenaient pas », aurait-il déclaré. « Ils ont même vu une copie de Haaretz avec des images d’otages, ont demandé ce que c’était et ont dit que c’était de l’incitation à la haine. Ils ont confisqué tout livre arborant un drapeau palestinien. »
Les propriétaires sont accusés de perturbation de l’ordre public plutôt que d’incitation à la haine, car cette dernière accusation nécessite l’approbation des procureurs.
Avant l’audience, plusieurs diplomates européens et sud-américains représentant huit pays étaient présents au tribunal.
Steffen Seibert, ambassadeur d’Allemagne en Israël, s’est exprimé sur X, dénonçant les arrestations et exprimant son soutien à l’établissement de Jérusalem-Est.
« Comme de nombreux diplomates, j’aime acheter des livres à l’Educational Bookshop. Je sais que ses propriétaires, la famille Muna, sont des Palestiniens de Jérusalem fiers et épris de paix, ouverts à la discussion et aux échanges intellectuels. »
I, like many diplomats, enjoy browsing for books at Educational Bookshop. I know its owners, the Muna family, to be peace-loving proud Palestinian Jerusalemites, open for discussion and intellectual exchange. I am concerned to hear of the raid and their detention in prison.
— Steffen Seibert (@GerAmbTLV) February 10, 2025
Un petit groupe de manifestants, parmi lesquels des hommes politiques de gauche et des auteurs célèbres, s’est rassemblé devant le tribunal de première instance de Jérusalem lundi matin pour protester contre les arrestations.
Le chef de l’alliance radicale Hadash-Taal, Ayman Odeh, a déclaré au Times of Israel pendant la manifestation qu’il considérait la descente comme un signe de « faiblesse » de la part des autorités chargées de l’application de la loi.
« Il existe une nation palestinienne, et la police veut nier cette réalité. C’est pourquoi elle en est arrivée au point de faire des descentes dans des librairies », a déclaré Odeh. « Il ne leur manque plus qu’à brûler les livres et à danser autour du feu ; ce sera leur prochaine étape. »

L’écrivain Nathan Thrall a également pris part à la manifestation. Ami de longue date des propriétaires, il avait organisé un événement à l’Educational Bookshop pour présenter son livre A Day in the Life of Abed Salama, paru en 2023 et récemment récompensé par un Pulitzer dans la catégorie des essais de non-fiction.
Les manifestants ont annoncé qu’ils prévoyaient de manifester devant la librairie éducative plus tard dans la journée de lundi, compte tenu de la prolongation de la détention des propriétaires.