Réforme : Goldman Sachs met en garde contre une prime de « risque » sur le shekel
Depuis fin janvier, le shekel a eu une "nette" sous-performance sur les marchés mondiaux ; la banque d'investissement estime que la monnaie risque de s'affaiblir davantage
Sharon Wrobel est journaliste spécialisée dans les technologies pour le Times of Israel.
La monnaie israélienne devrait continuer à subir des pertes à court terme, les projets controversés de refonte du système judiciaire alimentant les inquiétudes du marché, a averti la banque d’investissement américaine Goldman Sachs la semaine dernière.
Le shekel s’est affaibli de 2,2 % par rapport au dollar américain la semaine dernière, atteignant son plus bas niveau en trois ans après l’adoption en première lecture par la Knesset d’un projet de loi visant à apporter des changements controversés au système judiciaire, et a perdu plus de 6 % de sa valeur depuis le début du mois.
L’indice de référence TA-125 de la bourse de Tel Aviv a chuté de près de 4 % la semaine dernière et l’indice TA-35 des sociétés de premier ordre a baissé de 3 %, contre une baisse de 2 % pour l’indice MSCI World au cours de la même période.
« Alors qu’une prime politique significative semble désormais intégrée dans le shekel, des risques demeurent pour le shekel à court terme », ont écrit les analystes de Goldman dirigés par Kamakshya Trivedi dans une note de recherche adressée aux investisseurs tard vendredi. « La tendance générale du shekel ce mois-ci reflète clairement non seulement les développements mondiaux, mais aussi les développements nationaux ».
La coalition du Premier ministre Benjamin Netanyahu a donné la priorité aux propositions controversées de transformation du système judiciaire, dont le ministre de la Justice Yariv Levin (Likud) est le fer de lance. Le projet de refonte du système juridique accorderait au gouvernement un contrôle total sur la nomination des juges, y compris les juges de la Haute Cour, limiterait sévèrement la capacité de la Haute Cour à annuler les lois et permettrait à la Knesset de légiférer à nouveau sur les lois que la Cour parvient à annuler avec une simple majorité de 61 députés.
Le gouvernement s’est montré déterminé à faire avancer le projet de réformes à toute vitesse, malgré les massives protestations et l’opposition de voix économiques de premier plan et d’anciens décideurs politiques appelant à la protection de la démocratie et du système de freins et contrepoids d’Israël – sans parler des militaires, des artistes, des maires, des philanthropes de Diaspora…
« Avec l’augmentation des inquiétudes du marché concernant la réforme judiciaire, un simple exercice d’analyse comparative suggère qu’une prime de risque d’environ 8 % a semblé s’accumuler dans le shekel (c’est-à-dire la part de la performance cumulée des shekels depuis que la volatilité du marché intérieur a commencé pour de bon fin janvier, qui n’est pas expliquée par les variables du marché mondial) », ont écrit les analystes de Goldman dans le rapport.
Goldman a souligné que depuis la fin du mois de janvier, le « shekel a sous-performé de manière significative ce que le Nasdaq et d’autres variables du marché impliqueraient », soulignant une « déviation inhabituelle » de l’étroite corrélation historique de la monnaie locale avec les valeurs technologiques mondiales.
« Cette déviation s’est poursuivie, même après que la Banque d’Israël ait relevé la semaine dernière ses taux d’intérêt de 50 points de base, plus que prévu, pour les porter à 4,25 % afin de lutter contre l’inflation.
Le shekel a continué de sous-performer là où il « aurait dû » s’échanger sur la base des seules variables du marché mondial et de sa volatilité post-pandémique typique », selon Goldman. « Les opinions tactiques sur le retour de la monnaie à son ‘ancrage technologique mondial’ nécessiteront plus de clarté sur les attentes en matière de politique intérieure. »
Le projet de la coalition au pouvoir visant à bouleverser le système judiciaire a pesé lourdement sur le sentiment du marché, dans la crainte de son impact négatif sur la note de crédit du pays, qui pourrait déclencher une fuite de capitaux et faire fuir les investisseurs. L’économiste en chef du ministère des Finances a récemment averti que les projets judiciaires étaient susceptibles de freiner la croissance économique et les investissements étrangers en Israël, et le gouverneur de la Banque centrale, Amir Yaron, aurait averti le gouvernement qu’une crise économique « pourrait éclater en un instant ».
« La question clé, bien sûr, est de savoir si cette prime de risque va continuer à se développer ou commencer à s’atténuer, ce qui dépendra à son tour des développements politiques et macroéconomiques nationaux », ont écrit les analystes de Goldman. « Une certaine prime de risque peut être justifiée et peut se développer davantage si les participants au marché deviennent plus préoccupés par les développements politiques nationaux. »
Goldman a également évoqué la possibilité que la Banque d’Israël intervienne sur le marché des changes, si la faiblesse continue du shekel stimule les pressions inflationnistes, la baisse de la monnaie locale rendant les importations plus coûteuses. Acheter des dollars pour affaiblir le shekel n’est pas nouveau pour Israël.
La Banque d’Israël est intervenue pour la dernière fois en 2021, lorsqu’elle a acheté pour 30 milliards de dollars de devises étrangères pour freiner la hausse du shekel, après avoir acheté pour 20 milliards de dollars de devises étrangères en 2020. La banque a acheté des milliards de dollars chaque année dans le cadre d’une stratégie mise en place pour la première fois pendant la crise financière mondiale de 2008.
« Compte tenu de l’affaiblissement idiosyncrasique du shekel au cours des dernières semaines, et du potentiel de retombées sur les résultats nationaux comme l’inflation si cela continue, une question clé est la gestion des devises », ont déclaré les économistes de Goldman. « Bien que la Banque d’Israël ait été active sur le marché des changes par le passé, ces interventions s’inscrivaient dans le cadre d’un assouplissement de la politique monétaire (afin d’éviter un resserrement dû à un shekel plus fort) plutôt que de répondre à une réévaluation fondée sur des facteurs politiques.
« On ne sait toujours pas si ou quand les interventions sur le marché des changes feront partie de la discussion autour du shekel. »