Rejetant le candidat de Mandelblit, Ohana nomme le procureur d’Etat intérimaire
Initiant un potentiel affrontement, le ministre de la Justice a désigné Orly Ginsberg Ben-Ari pour remplacer temporairement Shai Nitzan, dont le mandat a expiré lundi
Raoul Wootliff est le correspondant parlementaire du Times of Israël
Rejetant l’avis du procureur-général Avichai Mandelblit et prenant le risque d’initier un affrontement avec les responsables du système judiciaire, le ministre de la Justice Amir Ohana a annoncé mardi qu’il avait l’intention de nommer la procureure-adjointe du District central Orly Ginsberg Ben-Ari au poste de procureur d’Etat par intérim.
Mandelblit aurait précédemment rejeté la candidature de Ginsberg Ben-Ari.
« Je n’ai aucun doute sur le fait qu’Orly oeuvrera à préserver tout ce qu’il est nécessaire de préserver et qu’elle contribuera à renforcer la confiance du public dans ce système immensément important », a dit Ohana dans un communiqué, faisant allusion aux critiques qu’il a exprimées, dans le passé, à l’encontre du système de la justice et des procureurs d’Etat.
Cette nomination survient dans l’ombre des mises en examen pour corruption qui ont été prononcées à l’encontre du Premier ministre Benjamin Netanyahu, formulées par le procureur d’Etat sortant, Shai Nitzan, et qui ont été récemment annoncées par Mandelblit – amenant Ohana, fervent loyaliste de Netanyahu, à lancer des attaques cinglantes contre le bureau du procureur d’Etat et d’autres instances du système judiciaire israélien.
Elle est aussi affectée par la crise politique actuelle. Deux séries d’élections, au mois d’avril puis au mois de septembre, ne sont pas parvenues à mettre en place une coalition au pouvoir ou un gouvernement d’unité.
La Knesset a été une nouvelle fois dissoute la semaine dernière et un troisième scrutin a été programmé en date du 2 mars.
Le nouveau procureur d’Etat est habituellement sélectionné par une commission spéciale désignée par le ministre de la Justice et présidée par le procureur-général. Ce dernier bénéficie alors de toute latitude dans le choix d’un candidat considéré comme digne de la fonction et avec lequel la coopération sera possible.
Dans l’impasse politique actuelle, Mandelblit a déclaré que dans la mesure où Ohana faisait partie d’un gouvernement intérimaire, il n’avait pas l’autorité nécessaire pour mettre en place la commission. Ohana n’est en effet autorisé qu’à nommer un procureur d’Etat en titre dont le mandat doit alors être prolongé tous les trois mois.
Le choix d’Ohana de Ginsburg Ben-Ari comme remplaçante par intérim de Nitzan, qui a achevé son mandat lundi, pourrait initier une bataille publique entre le ministre de la Justice et le procureur-général.
Mandelblit a fait savoir lors de réunions à huis-clos qu’il s’opposerait avec force à toute nomination d’Ohana qui lui semblerait inacceptable et qu’il pourrait porter l’affaire jusqu’à la Haute cour de Justice, ont rapporté les médias en hébreu.
Sur les cinq candidats avancés par Ohana, parmi lesquels Ginsberg Ben-Ari, Mandelblit en avait rejeté quatre, n’approuvant que le procureur d’Etat-adjoint aux Affaires criminelles Shlomo Lemberger, selon les mêmes médias.
Ginsberg Ben-Ari a travaillé au bureau du procureur d’Etat pendant 28 ans, au cours desquelles elle a occupé un certain nombre de hauts-postes. Elle a une expérience importante dans les secteurs de la criminalité et de la sécurité et elle est actuellement cheffe du Forum sécurité du procureur d’Etat.
« Après plusieurs rencontres, consultations et discussions que j’ai eues avec des parties variées, et notamment avec le professeur Daniel Hershkowitz, commissaire du service civil, et le procureur-général Avichai Mandelblit — j’ai pris une décision », a dit Ohana dans sa déclaration.
Lundi, Ohana a rejeté une demande soumise par Hershkowitz qui souhaitait être consulté sur la question de la nomination du procureur d’Etat en titre.
Hershkowitz avait informé Ohana et Mandelblit que la loi exigeait qu’il soit consulté avant de désigner un procureur d’Etat.
Mais Ohana a répondu, dans un courrier, avoir d’ores et déjà débattu de la question avec lui à plusieurs reprises, et notamment au cours de deux réunions durant lesquelles les identités des candidats avaient été abordées.
L’obligation légale de consulter le commissaire a donc été « remplie et, au moment de décider de la nomination du candidat, aucun d’entre eux ne vous sera donc étranger », a écrit Ohana.