Reprise de l’enquête sur le hacker franco-israélien Ulcan
La cour d'appel de Paris a renvoyé au juge d'instruction le dossier du hacker, dont le renvoi aux assises pour un canular mortel a été annulé par la Cour de cassation

Le hacker franco-israélien Ulcan, connu pour des « canulars » extrêmes, est jugé jeudi et vendredi à Paris pour une série d’appels malveillants visant notamment la maire de Lille Martine Aubry et le journaliste Pierre Haski.
De son vrai nom Grégory Chelly, le prévenu, 39 ans, installé depuis la fin 2013 en Israël, ne se présentera pas devant le tribunal correctionnel, selon son avocat Me Gilles-William Goldnadel.
Octobre 2014. En réaction aux bombardements israéliens sur la bande de Gaza, la municipalité de Lille (nord) annonce mettre « en veille temporairement » un jumelage avec une ville israélienne. Sur sa page Facebook, le hacker et « militant sioniste », comme il se présente, menace la maire Martine Aubry de « sanctions ».
D’après l’accusation, en se faisant passer pour le mari de l’élue, il appelle les forces de l’ordre.
« Il dit qu’il vient de tuer sa femme, qu’il est retranché et armé et qu’il ouvrira le feu s’ils interviennent », explique Me Matthieu Hénon, l’avocat de Martine Aubry. « Les menaces, c’est une chose. Mais cet épisode, la police devant chez elle, ça l’a évidemment troublée et beaucoup marquée ».
Martine Aubry ne sera pas présente à l’audience.
« J’aurais été au procès si M. Ulcan avait eu le courage, qu’il n’a pas, de venir », indique-t-elle. « Je veux surtout penser à ceux pour lesquels les conséquences de ses actes ont été dramatiques », ajoute la maire de Lille, en référence à une autre procédure visant le hacker.
A l’été 2014, Grégory Chelly avait lancé une série d’attaques contre le site d’information Rue 89 après un article consacré à ses méthodes qui lui avait déplu.
Il avait d’abord harcelé l’auteur de l’article et ses parents, leur faisant croire à la mort de leur fils.
Puis il s’était fait passer auprès de la police pour un homme retranché ayant tué sa femme et son bébé et avait donné l’adresse des parents. Quatre jours plus tard, le père du journaliste avait fait un infarctus dont il décèdera quelques semaines plus tard.
Cette séquence devrait être abordée devant le tribunal puisque Grégory Chelly comparaît également pour cinq autres affaires, dont un appel malveillant visant le journaliste Pierre Haski, à l’époque directeur de publication de Rue 89.
Ce dernier se souvient encore des « 50 personnes » en bas de chez lui pendant la nuit – « pompiers, ambulances, policiers prêts à donner l’assaut si je ne réponds pas »: on venait de pirater sa ligne téléphonique pour dire qu’il avait poignardé sa femme et ouvert le gaz dans l’immeuble.
« Ce ne sont pas de simples gags comme il le prétend », « c’est d’une disproportion et d’une violence insupportable de la part de quelqu’un qui se croit tout permis et au-dessus des lois », estime Pierre Haski, espérant une condamnation qui créera un « précédent ».
La cour d’appel de Paris a renvoyé au juge d’instruction le dossier du hacker franco-israélien Ulcan, dont le renvoi aux assises pour un canular mortel a été annulé par la Cour de cassation pour des raisons procédurales, a appris l’AFP de sources concordantes.
Dans un arrêt daté du 18 novembre, dont l’AFP a eu connaissance, la chambre de l’instruction de la cour d’appel a annulé un mandat d’arrêt qui avait été délivré en 2015 contre le hacker.
Elle a par ailleurs annulé plusieurs autres pièces du dossier, dont l’ordonnance de mise en accusation d’Ulcan rendue en juin 2019, et renvoyé le reste de la procédure au juge d’instruction pour qu’il reprenne ses investigations.
Le 19 juin 2019, un juge d’instruction avait décidé de renvoyer le hacker aux assises pour « violences volontaires avec préméditation ayant entraîné la mort sans intention de la donner » et pour plusieurs délits liés aux harcèlements d’autres victimes.
Mais en décembre 2020, la Cour de cassation, saisie par le hacker, a renvoyé le dossier devant la chambre de l’instruction. Elle estimait que le juge ne pouvait « délivrer un mandat d’arrêt à l’encontre d’une personne résidant hors du territoire de la République, mais qui n’est pas en fuite, sans avoir effectué les démarches requises pour l’entendre et sans avoir apprécié le caractère nécessaire et proportionné de cette mesure ».
Or, la défense soulignait que l’adresse de M. Chelli était connue de la justice, qui l’avait interrogé en Israël en juillet 2015 dans une autre enquête.
« Je me félicite de ce que la chambre de l’instruction ait suivi la Cour de cassation qui avait stigmatisé l’absence de toute instruction honnête et loyale sur ce dossier », a déclaré à l’AFP Me Gilles-William Goldnadel, avocat de M. Chelli. Sur la reprise des investigations, il a estimé que la question de la « prescription » pourrait se poser.
« L’affaire est loin d’être terminée, et en aucun cas, de mon point de vue, M. Chelli va bénéficier d’une immunité en fuyant à l’étranger », a pour sa part estimé l’avocat de la famille Le Corre, Me Antoine Comte.