Rester ou partir, un dilemme même chez les rabbins de France
Face à la montée de l'antisémitisme en France, des rabbins se divisent sur la réponse à donner
Dans une tribune publiée dans le journal La Croix, le rabbin Emile Ackermann, membre de la tendance « orthodoxe moderne » appelle les Français juifs à rester en France et à faire preuve de combativité.
De son côté, Moshe Sebbag, rabbin de la Grande Synagogue de La Victoire, estimait dans les colonnes du Jerusalem Post qu’il n’y avait « pas d’avenir pour les Juifs en France ».
La différence de grille de lecture des rabbins montre bien le dilemme auquel font face les Juifs de France, confrontés depuis le 7 octobre à une explosion des actes antisémites et à un climat haineux particulièrement intense.
« Je dis à tous les jeunes d’aller en Israël ou dans un pays plus sûr », avait écrit Moshe Sebbag début juillet. Un appel qui a procuré un « chagrin profond » à Emile Ackermann, qui pourtant assure faire le même constat que son confrère, celui d’une « libération de la parole antisémite, favorisée par la réponse d’une partie de la gauche aux massacres du 7 octobre ».
Si l’on ajoute le Rassemblement national qui « nous réserve chaque jour une surprise, avec un nouveau candidat épinglé pour antisémitisme, négationnisme ou racisme », explique le rabbin, « il ne reste plus beaucoup de figures rassurantes vers lesquelles se tourner ».
Là où Moshe Sebbag se montre alarmiste, Emile Ackermann veut se montrer rassurant. « La République ne nous a pas totalement
abandonnés », estime-t-il, rappelant que la France fut parmi les premiers pays à donner aux Juifs le statut de citoyen.
Il veut croire en un sursaut des responsables politiques, qu’il veut voir unis contre l’antisémitisme sous toutes ses formes. « S’il y a un besoin pour les Juifs aujourd’hui, c’est d’une union forte de la part de ses dirigeants. C’est de se sentir soutenus, écoutés, compris, face aux menaces grandissantes. L’appel à fuir ne serait que ça : une fuite vers l’avant, mais sans promesse de tranquillité ».
Enfin, aux Juifs de France il dit ceci : « Restons ! […] Nous resterons car nous croyons que, bien que la France ne soit pas parfaite, elle est à l’image de l’homme : perfectible ».
En somme, ne pas fuir, mais rester, pour ne « pas laisser gagner les antisémites qui fantasment sur une France blanche, sans juifs et sans minorités » et les « antisémites qui se réjouirent du massacre de nos frères et sœurs et de leurs supplices ».
Si les deux rabbins apportent des conclusions radicalement opposées, celles-ci révèlent le dilemme d’une grande partie des Français juifs pris en tenaille entre un haine anti-juive d’extrême-droite et un antisémitisme de gauche que la guerre à Gaza et le contexte politique en France exacerbe.
Depuis le 7 octobre, les demandes d’immigration en Israël déposées auprès de l’Agence juive ont considérablement augmenté.