Rivlin part pour Washington, déterminé à maintenir à huis-clos les désaccords
Pour la première rencontre officielle entre un responsable israélien et Biden depuis l'investiture de ce dernier, le président se veut apaisant et rassurant
Sept années après sa prestation de serment et deux semaines seulement avant qu’il ne quitte ses fonctions, le président Reuven Rivlin a entamé un important voyage d’apaisement et de renouveau en embarquant, samedi soir, dans un vol en direction de Washington.
Rivlin ne s’est pas fréquemment déplacé à l’étranger pendant son mandat. Il n’a quitté le pays qu’avec parcimonie, en prenant garde de ne pas empiéter sur les honneurs rendus et sur et les prérogatives en termes de gestion des relations internationales du Premier ministre de l’époque, Benjamin Netanyahu. Le président, dont le rôle est majoritairement cérémonial, a été occasionnellement envoyé en mission diplomatique – en général pour faire avancer les agendas politique et sécuritaire de Netanyahu.
Mais aujourd’hui, ce n’est assurément pas la même chose.
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Rivlin est le premier haut-responsable israélien à rencontrer officiellement le président américain Joe Biden depuis son investiture, au mois de janvier 2021 (Biden a « largué » une rencontre organisée à la Maison Blanche entre son Conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, et le chef du Mossad, Yossi Cohen, le mois dernier). Il est aussi le premier éminent officiel israélien à se rendre à Washington depuis le changement de gouvernement au sein de l’État juif.
Le chef d’État-major de Tsahal, Aviv Kohavi, vient tout juste de terminer une semaine d’importantes réunions aux États-Unis – mais il ne s’est pas entretenu avec le président. Cet honneur a été réservé à Rivlin, dont la visite arrive alors que Biden accorde de plus en plus d’attention à la politique étrangère américaine après être parvenu à contrer la menace intérieure posée par l’épidémie de COVID-19 grâce à une campagne de vaccination.
L’invitation de Rivlin à la Maison Blanche est antérieure au changement de gouvernement qui a eu lieu au début du mois au sein de l’État juif – mais le moment choisi entraîne un intérêt supplémentaire et réciproque des deux côtés.
A Washington, le parti démocrate est revenu au pouvoir avec quatre années de montagnes russes politiques. En Israël, après douze ans de gouvernance de Netanyahu, son parti du Likud siège dorénavant dans l’opposition et un groupe de nouveaux dirigeants peu connaisseurs des Américains a pris la barre du pays.
Avant son départ, Rivlin a rencontré séparément le Premier ministre Naftali Bennett et le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid, qui lui ont transmis des informations sécuritaires et politiques.
Voici les quelques priorités qui devraient être à la tête de l’ordre du jour lors de ce court séjour :
Les relations personnelles
Netanyahu avait saboté ses relations avec le parti démocrate. Son discours controversé prononcé lors d’une session conjointe au Congrès, en 2015, dans lequel il s’opposait à l’accord sur le nucléaire conclu avec l’Iran – l’allocution avait été organisée sans le soutien du président d’alors, Barack Obama, en violation du protocole et elle devait être boycottée par de nombreux membres démocrates du Congrès – avait entraîné une fissure, une rupture encore existantes à ce jour.
Et Netanyahu a continué à aggraver les dégâts lors de prises de parole récentes en Israël – et notamment lors de son dernier discours au poste de Premier ministre, au début du mois, dans lequel il a comparé les initiatives prises par les États-Unis pour réintégrer l’accord sur le nucléaire conclu avec l’Iran à la décision prise par l’ex-président américain Franklin Roosevelt, en 1944, de ne pas bombarder les lignes ferroviaires qui menaient à Auschwitz.
Lors de son discours d’adieu (et à deux occasions – en séance plénière et, le lendemain, lors d’une réunion de faction du Likud), l’ancien Premier ministre israélien s’est aussi laissé aller à révéler les détails de son dernier entretien avec le secrétaire d’État américain à la Défense Lloyd Austin, affirmant que lui, contrairement au nouveau gouvernement, continuerait à divulguer les contenus des discussions à huis-clos et à résister aux initiatives éventuellement prises par les États-Unis – là où Lapid et Bennett faciliteraient tacitement l’accord sur le nucléaire.
Washington sait que c’est un mensonge. Bennett et Lapid ont clairement fait part de leur opposition à l’accord sur le nucléaire conclu avec l’Iran, mais ils veulent améliorer les relations avec l’administration Biden et créer un dialogue efficace.
C’est dans ce contexte – et dans le contexte des tensions qui existaient entre Biden, qui était le vice-président d’Obama, et Netanyahu – que Rivlin va être accueilli à Washington. Et il va falloir qu’il apaise et qu’il rassure.
Biden est probablement immensément curieux : il n’a jamais rencontré Bennett et il ne connaît Lapid qu’indirectement, par le biais des bonnes relations que le leader de Yesh Atid entretient avec le parti démocrate.
Biden et Bennett se sont entretenus au téléphone quelques heures seulement avant la prestation de serment du nouveau gouvernement – un début prometteur mais le chemin à parcourir est encore très long.
La question palestinienne
La question ne figure guère en tête de la liste des priorités de la nouvelle administration américaine mais après le conflit qui a opposé Israël aux groupes terroristes de la bande de Gaza, le mois dernier, il apparaît clairement que le dossier ne pourra pas être ignoré éternellement.
Rivlin devra informer Biden des objectifs poursuivis par Israël et détailler le problème des prisonniers israéliens et des deux dépouilles de soldats qui sont actuellement détenus par le Hamas – un problème qui fait perdre le sommeil aux négociateurs égyptiens, qui assurent la médiation entre l’État juif et le groupe terroriste.
Il devra tenter d’expliquer le positionnement du nouveau gouvernement israélien sur la question palestinienne – ce qui n’est pas rien au vu des idéologies disparates des factions variées qui le composent – ne pas annexer, ne pas séparer, ne pas aller à l’affrontement, mais plutôt contenir.
Les États-Unis se sont engagés à soutenir Israël autant que ce serait nécessaire en termes d’achats dans le secteur de la Défense. Tandis que ce n’est pas le travail de Rivlin de ratifier les aides financières à Israël, le sujet va probablement être posé sur la table également.
L’Iran
Les responsables américains ont clairement indiqué, lors de leurs conférences de presse, qu’ils ne continueraient pas à participer aux négociations indirectes qui ont lieu actuellement à Vienne sur un potentiel retour des États-Unis dans l’accord sur le nucléaire éternellement et qu’après l’élection d’Ebrahim Raissi, membre de la ligne dure du régime, au poste de président, il pourrait être impossible de s’extraire de l’impasse.
Rivlin ne va pas à Washington pour obtenir des renseignements – mais il est possible qu’au cours d’un entretien privé avec Biden, il soit en mesure d’avoir des informations sur la manière dont Washington voit des progrès sur ce front.
Les initiatives prises par Trump – qui avait abandonné l’accord sur le nucléaire de manière unilatérale et qui avait renforcé les sanctions appliquées à la République islamique avec les encouragements de Netanyahu – ont entraîné ce que de nombreux observateurs considèrent comme un très gros problème pour Israël et les États-Unis. Le régime de Téhéran a considéré qu’il était libéré de l’accord et il a commencé un travail d’enrichissement de l’uranium à des niveaux qui ont atteint un degré de dangerosité sans précédent.
Toutefois, l’objectif poursuivi par Rivlin, semble-t-il, est de conserver secrets les débats entre les deux pays.
Rivlin assistera également à des réunions avec les responsables du Congrès. Au début du mois, Lapid s’était entretenu avec le leader de la majorité au Sénat, le Démocrate Chuck Schumer, et avec le leader de la minorité, le Républicain Mitch McConnell, déclarant ultérieurement que les deux hommes étaient « de vrais amis d’Israël ».
Pour sa part, aux États-Unis, Rivlin va transmettre le message suivant aux dirigeants du Congrès : le nouveau gouvernement israélien n’optera pas pour une approche partisane. Cette période est bien révolue.
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