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Ryad pourrait convertir son nucléaire civil en militaire – expert israélien

L'ex-directeur adjoint de l'IAEC dit que la demande d'enrichissement de l'uranium risque d'ouvrir une "boîte de Pandore" et de lancer une course aux armements dans la région

Essai d'une bombe nucléaire américaine aux îles Marshall, 1954. Illustration (Crédit : Wikicommons/Département américain de l'énergie)
Essai d'une bombe nucléaire américaine aux îles Marshall, 1954. Illustration (Crédit : Wikicommons/Département américain de l'énergie)

Un ancien haut responsable de la Commission israélienne de l’énergie atomique (IAEC) a averti qu’accéder à la demande de l’Arabie saoudite de construire une centrale nucléaire comme condition à tout accord de normalisation avec Israël pourrait créer un dangereux précédent international et déclencher une course aux armements nucléaires au Proche-Orient.

« Peu importe le nombre de garanties que nous recevrons de l’Agence internationale de l’énergie atomique (IAEA) », a déclaré lundi Ariel (Eli) Levite, qui a occupé le poste de directeur général adjoint principal pour la politique à l’IAEC de 2002 à 2007, à Zman Israel, le site jumeau en langue hébraïque du Times of Israel.

L’Arabie saoudite aurait posé trois conditions à la signature d’un accord de normalisation avec Israël, à savoir : l’accès aux technologies de défense américaines avancées, telles que le système de missiles THAAD, l’établissement d’une alliance de défense avec les États-Unis et le feu vert pour le développement du nucléaire à des fins civiles.

Le conseiller à la Sécurité nationale, Tzachi Hanegbi, a déclaré lundi, qu’aucun consentement d’Israël n’était nécessaire pour cette dernière exigence.

« Des dizaines de pays ont des programmes nucléaires civils. Cela ne les met pas en danger, ni leurs voisins », a déclaré Hanegbi à la chaîne publique Kan, ajoutant que la question serait réglée exclusivement entre Washington et Ryad.

Levite, ancien directeur adjoint de l’IAEC, a déclaré que tant que les réacteurs nucléaires étaient utilisés pour produire de l’énergie, ils ne posaient pas de problème, à condition qu’ils soient entretenus selon les normes en vigueur. Cependant, il a ajouté : « En cas de défaillance sécuritaire ou opérationnelle, l’impact sur l’environnement pourrait être colossal. Nous en sommes conscients en raison des incidents passés tels que ceux de Tchernobyl et de Fukushima », deux graves fuites nucléaires qui se sont produites en Ukraine en 1986 et au Japon en 2011.

« Si l’Arabie saoudite construit un réacteur, elle ne pourrait le positionner qu’à proximité de la mer Rouge, car un réacteur a besoin de grandes quantités d’eau pour être refroidi, et si une catastrophe naturelle ou une attaque terroriste se produisait à cet endroit, ce serait très grave, y compris pour nous, puisque nous ne sommes pas très loin », a-t-il détaillé.

Ariel (Eli) Levite lors d’une conférence à l’Institut Reichman à Herzliya, 2019. (Crédit : Capture d’écran YouTube via Zman Israel ; utilisée conformément à la clause 27a de la loi sur le droit d’auteur)

Israël est également concerné par la possibilité que les réacteurs civils soient convertis à des fins militaires, a fait remarquer Levite.

Selon lui, le plus gros problème posé par la condition de Ryad serait qu’il ne se contente pas de réacteurs à des fins énergétiques, mais qu’il s’intéresse également à un programme d’enrichissement de l’uranium. C’est la partie la plus problématique et la plus sensible de l’accord qui pourrait être en train d’être élaboré ».

Si cela devait se produire, « il y aurait deux problèmes : premièrement, l’Arabie saoudite deviendrait l’équivalent de l’Iran en termes de développement de son programme nucléaire. Deuxièmement, cela ouvrirait la boîte de Pandore pour les Américains », a averti Levite, car « si l’Arabie saoudite était autorisée à le faire, cela créerait un précédent international problématique ».

D’autres pays du Moyen-Orient, comme les Émirats arabes unis, se sont engagés auprès des États-Unis à utiliser leurs réacteurs nucléaires uniquement à des fins civiles, en renonçant à l’enrichissement de l’uranium ou du plutonium, dans le cadre de ce qui est connu sous le nom de la « gold standard » [la norme la plus stricte du traité] de non-prolifération (TNP).

Selon Levite, les ambitions nucléaires des Saoudiens relèvent directement des aspirations du prince héritier Muhammad bin Salman à s’imposer comme un leader dans la région, devant les Émirats et l’Iran.

Les exigences de Bin Salman posent un casse-tête aux États-Unis. D’une part, le président américain Joe Biden souhaite conclure un accord avec le dirigeant saoudien afin de marquer un point géopolitique important avant les élections de 2024 en amenant les Saoudiens à signer un accord de normalisation avec Israël et, en retour, en amenant Israël à faire des concessions sur la question palestinienne, a déclaré Levite.

D’autre part, certains membres du Congrès, principalement des républicains mais aussi certains démocrates comme le sénateur du New Jersey, Bob Menendez, insistent sur le maintien de « l’avantage militaire qualitatif » (QMA) d’Israël en matière de technologie de défense, et pourraient ne pas consentir à la demande de l’Arabie saoudite sans l’approbation préalable d’Israël.

Une des solutions possibles serait de construire une usine d’enrichissement de l’uranium qui appartiendrait aux Américains sur le sol saoudien, a déclaré Levite, ajoutant que plusieurs solutions créatives de ce type sont en cours de discussion.

Mais si les États-Unis autorisaient l’Arabie saoudite à aller de l’avant avec leur programme, cela risque de déclencher une course aux armements nucléaires dans tout le Moyen-Orient. Et pire encore pour Israël, d’autres dictatures pourraient bien se joindre à cette course.

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