S’adressant à des manifestants devant la Cour suprême, Levin promet « d’exaucer la volonté du peuple »
Ben Gvir a déclaré que la victoire consistait à expulser les Gazaouis et revenir à Gaza ; deux interpellations à l'issue d'une manifestation anti-gouvernement à Tel Aviv

Le ministre de la Justice, Yariv Levin, s’est engagé à tout faire pour faire voter son polémique projet de loi sur la refonte judiciaire lors d’une importante manifestation à l’instigation de la droite organisée devant le siège de la Cour suprême, à Jérusalem. En parallèle, des manifestants anti-gouvernement se sont retrouvés à Tel Aviv : la police a procédé à deux interpellations.
« Nous sommes venus ici pour dire – ça suffit », a déclaré Levin devant une dizaine de milliers de personnes jeudi soir. « Cela fait trop longtemps qu’un petit nombre de juges contrôle la Knesset et le gouvernement. »
« Nous allons exaucer la volonté du peuple », a-t-il ajouté. « Le peuple exige la refonte judiciaire, alors il y aura une totale refonte judiciaire. »
« Vous nous entendez, à la Cour suprême ? Rien de ce que ferez ne pourra nous arrêter », a-t-il ajouté en fustigeant ce qu’il a qualifié de « tyrannie d’une poignée de juges et d’un procureur général, qui s’opposent au grand changement ».
Levin, dont la tentative d’entraver le pouvoir judiciaire a déclenché des manifestations de grande ampleur, début 2024, a proposé mercredi de soumettre au vote du Conseil des ministres l’éviction de la Procureure Générale, Gali Baharav-Miara, pour contourner le comité statutaire que le gouvernement peine à réunir.
Les partis ultra-orthodoxes agitent la menace du renversement du gouvernement auquel ils reprochent l’absence de loi d’exemption militaire des étudiants de yeshiva. Baharav-Miara exige une nouvelle loi sur la question, conformément à la décision rendue par la Cour Suprême en juin dernier selon laquelle les exemptions n’ont plus aucune base légale.

Le ministre de la Sécurité intérieure, Itamar Ben Gvir, a dit aux manifestants que cela faisait deux ans qu’il demandait à « notre cher Premier ministre Benjamin Netanyahu » de « limoger Gali Baharav-Miara ».
« Nous soutenons le Premier ministre et lui demandons de ne pas tenir compte des instructions erronées de la procureure générale, et aussi de veiller à ce que le major-général David Zini soit bien le prochain directeur du Shin Bet », a déclaré Ben Gvir.
Netanyahu a nommé Zini à ce poste en mai dernier, au mépris d’une décision de la Cour Suprême selon laquelle le limogeage par le gouvernement du chef du Shin Bet, Ronen Bar, n’était pas légal.
Mercredi, Netanyahu a diffusé une vidéo invitant ses soutiens à participer à la manifestation de Jérusalem et déclaré qu’en « démocratie, c’est la population qui décide… Nous allons décider qui sera à la tête du Shin Bet et qui sera chef de la fonction publique. »
En mars dernier, le gouvernement avait voté le limogeage de Bar au motif qu’il n’avait plus la confiance de Netanyahu depuis l’échec du Shin Bet à empêcher le pogrom du 7 octobre 2023 – jour où le Hamas s’est introduit dans le sud d’Israël pour y tuer 1 200 personnes et faire 251 otages, ce qui a déclenché la guerre à Gaza.

En avril dernier, Bar a fait part de son intention de démissionner fin juin, ce qui fait désormais de la légalité du vote pour le limoger une question de principe. La Cour Suprême a toutefois statué en mai dernier que Netanyahu ne pouvait pas nommer de successeur à Bar en raison du conflit d’intérêts découlant de l’enquête en cours du Shin Bet sur des collaborateurs du Premier ministre soupçonnés de diverses infractions aux protocoles de sécurité.
Peu de temps avant le vote concernant son limogeage, Bar avait été écarté de l’équipe de négociation qui avait conclu un cessez-le-feu et un accord sur le sort des otages de Gaza en janvier dernier.
Très opposé à une fin négociée des combats à Gaza, Ben Gvir a déclaré devant les manifestants de droite, à Jérusalem, qu’« il n’y aura pas d’armistice sans victoire, sans occupation, sans colonisation et sans encouragement à l’émigration volontaire » des Gazaouis.
Le mois dernier, Israël a lancé une nouvelle offensive terrestre officiellement destinée à s’emparer de 75 % du territoire de Gaza.
Netanyahu, qui jusqu’alors niait toute velléité de réinstallation dans la bande de Gaza, a indiqué que le conflit prendrait fin par la mise en œuvre du projet du président américain Donald Trump de prendre le contrôle de la bande de Gaza et d’en expulser les habitants.

« Pas de fierté sans démocratie »
Parallèlement à la manifestation organisée devant la Cour suprême, des milliers de personnes ont participé à une manifestation contre le gouvernement sur la place Rabin, dans le centre de Tel Aviv.
Moshe Radman, célèbre militant contre la refonte judiciaire, y a pris la parole pour parler de la « manifestation en soutien au kahanisme, au racisme et à l’anarchie » en cours à Jérusalem.
Le kahanisme fait référence aux enseignements du défunt rabbin Meir Kahane, de son vivant à la tête d’une organisation suprémaciste juive – interdite par les pouvoirs publics – qui comptait dans ses rangs le jeune Ben Gvir.
« Cela fait maintenant deux ans et demi que nous nous battons bec et ongles pour nous opposer au saccage de la démocratie, de la société et de l’économie d’Israël », a déclaré Radman.
« Les membres les plus importants de cette coalition savent bien que ce gouvernement est anti-sioniste et anti-Israël, et que chaque jour qui passe avec lui est un véritable désastre. Ils sont tout simplement trop lâches pour faire quoi que ce soit. »
Le maire adjoint de Tel Aviv, Chen Ariely, qui préside également le groupe de la jeunesse gay d’Israël, a déclaré que la démocratie israélienne était « attaquée en son cœur ».

« La marée a laissé la place à une inondation », a déclaré Ariely. En évoquant la marche des fiertés LGBTQ qui a eu lieu à Jérusalem ce jeudi, il a ajouté : « Pas de fierté sans démocratie ». La Gay Pride de Tel Aviv aura lieu vendredi prochain.
Suite au rassemblement de la place Rabin, des manifestants se sont rendus au siège du Likud, le parti politique de Netanyahu, à l’endroit-même où, la semaine dernière, la police avait interpelé des dizaines de manifestants anti-gouvernement qui prenaient d’assaut le bâtiment.
Selon le Protest Detainee Legal Support Front,collectif d’avocats qui représentent pro bono les personnes interpellées lors de manifestations anti-gouvernement, la police a affronté les manifestants après avoir déclaré la marche illégale et interpelé deux femmes soupçonnées d’avoir dérangé un officier et, pour l’une d’entre elles, d’avoir tiré des pétards et bloqué la circulation, a indiqué leur avocat, Gonen Ben Yitzhak, dans une déclaration vidéo.
Interpellées aux environs de 22 heures, les deux femmes ont été libérées six heures plus tard en l’échange d’une caution de 1 000 shekels assortie de l’obligation de ne pas prendre part à des manifestations illégales pendant deux semaines, a fait savoir le collectif.