Israël en guerre - Jour 369

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INTERVIEW

Science de l’incertitude : Pourquoi la vague de COVID est si difficile à prévoir ?

Selon le professeur Balicer, le pic actuel reflète la baisse de l'immunité, le variant et l'utilisation de la clim ; il est impossible d’évaluer la situation à cause des auto-tests

Une infirmière du Magen David Adom avec un test antigénique de dépistage rapide à la COVID-19 dans un centre de dépistage de type Drive-in à Jérusalem, le 22 mars 2022. (Crédit :  Olivier Fitoussi/Flash90)
Une infirmière du Magen David Adom avec un test antigénique de dépistage rapide à la COVID-19 dans un centre de dépistage de type Drive-in à Jérusalem, le 22 mars 2022. (Crédit : Olivier Fitoussi/Flash90)

Les scientifiques n’ont pas les outils nécessaires leur permettant de prévoir avec exactitude comment se déroulera la sixième vague du coronavirus en Israël, selon un haut conseiller du gouvernement.

L’épidémiologiste Ran Balicer, président de l’Équipe consultative d’experts nationaux pour la gestion national du COVID en Israël a déclaré au Times of Israel que les médecins ne sont pas en mesure d’estimer les cas de maladies graves auxquels s’attendre, en raison de l’irrégularité des tests, ce qui limite l’utilité des données.

Ceci est d’autant plus problématique que le nouveau variant BA.5 représente environ la moitié des nouveaux cas en Israël. Selon les experts, il est trop tôt pour apprécier la capacité de ce variant à provoquer des formes graves de la maladie.

Balicer et d’autres médecins de renom pensent qu’un grand nombre d’infections ne sont pas signalées, ce qui, selon lui, ne permet pas de déterminer le pourcentage des cas de COVID-19 actuels qui aboutissent aujourd’hui à une forme grave de la maladie. Cela tient en partie à la disponibilité généralisée de tests fiables à domicile, qui incite de nombreuses personnes à s’auto-diagnostiquer et à s’isoler, sans déclarer les résultats. De ce fait, il est difficile d’analyser l’impact de la nouvelle vague sur les hôpitaux.

« Avec chaque nouvelle vague et chaque nouveau variant, il y a une période substantielle d’incertitude sur les caractéristiques de base du nouveau variant et donc sur l’impact de la vague qui subséquente », a déclaré Balicer au Times of Israel. « Cette période est plus longue aujourd’hui que lors des vagues précédentes en raison du manque de données fiables quant aux taux d’infection réels. »

« De nombreuses infections ne sont pas signalées aujourd’hui. Les tests [officiels] sont moins accessibles qu’auparavant, et les exigences relatives au délai de dépistage sont moins claires pour les gens. De nombreuses personnes sont infectées et ne se soumettent pas à un test officiel, mais seulement à un test antigénique à domicile. Il est donc très difficile de connaître le pourcentage de personnes atteintes du COVID qui sont hospitalisées, et donc de comparer les taux de maladies graves avec les variants précédents. Tout cela fait qu’il est très difficile d’anticiper la façon dont cette nouvelle vague pourrait se dérouler. »

Cet effet est exacerbé par le fait que les gens ont des degrés d’immunité très variables, suivant le nombre de doses du vaccin qu’ils ont reçues et le fait d’avoir été infectés auparavant par un ou plusieurs variants, ce qui rend encore plus difficile toute prévision sur l’impact qu’une nouvelle épidémie pourrait avoir sur la société.

Un Israélien reçoit une quatrième dose de vaccin contre la COVID-19 à Modiin, le 6 janvier 2022. (Crédit : Yossi Aloni/Flash90)

Balicer s’est exprimé au cours d’un interview portant sur un large éventail de sujets, mené alors que le nombre moyen de nouveaux cas quotidiens – basé sur une moyenne hebdomadaire mobile – a atteint 9 800, contre moins de 2 000 il y a un mois. Le nombre de cas graves a plus que doublé au cours des deux dernières semaines et s’élève désormais à 285.

Selon Balicer, l’augmentation du nombre de cas n’est pas surprenante, compte tenu de la baisse de l’immunité, de l’apparition d’un nouveau variant et de la tendance à fermer les fenêtres en raison des chaleurs estivales.

« Le COVID et certaines autres maladies infectieuses se caractérisent par des cycles de recrudescence et d’oscillation », a noté M. Balicer. « L’augmentation actuelle peut être attribuée à plusieurs facteurs réunis. L’un d’entre eux est l’affaiblissement progressif de l’immunité suite à la poussée d’Omicron que nous avons connue plus tôt cette année ainsi que l’affaiblissement continu de l’immunité suite aux campagnes de vaccination passées. Nous avons également l’émergence de nouveaux variants, en l’occurrence le BA.5, qui peut être un facteur contributif. »

« Il est trop tôt pour dire quelles sont les caractéristiques du variant BA.5 en termes d’évasion immunitaire par rapport aux vaccinations antérieures et à la maladie – cela reste à déterminer – mais elle pourrait contribuer à la propagation du virus. Le troisième facteur est l’été et la tendance des gens à passer plus de temps dans des pièces climatisées avec les fenêtres fermées, ce qui entraîne un manque de ventilation. Cela peut également avoir un impact sur le nombre de cas. Nous avons constaté une recrudescence à cette période de l’année tout au long de la pandémie, peut-être en partie pour cette raison. »

Le professeur Ran Balicer, responsable de l’innovation chez Clalit, le plus grand fournisseur de services de santé d’Israël, à Tel Aviv le 10 juin 2020 (Crédit : EMMANUEL DUNAND / AFP)

La vague du coronavirus qui a sévi en Israël pendant l’hiver, et qui a dominé la fin de 2021 et le début de 2022, avait entraîné de nombreux cas d’infection, et il n’est pas certain que l’immunité des patients guéris les protège à ce stade de la nouvelle vague.

Selon Balicer, dans de nombreux cas, le virus pourrait percer l’immunité acquise lors de la vague hivernale. Mais la maladie pourrait bien être considérablement allégée du fait de l’immunité résiduelle.

« La population israélienne bénéficie actuellement d’une protection résiduelle à long terme résultant des campagnes de vaccination précédentes, soit trois doses pour les adultes et quatre pour les [groupes] à haut risque. On observe également un renforcement de l’immunité chez de nombreuses personnes qui ont été récemment infectées », a-t-il déclaré.

« Alors que la protection contre l’infection ne semble durer que quelques mois avant de s’estomper de manière significative, la protection contre les maladies graves semble durer, du moins en partie, pendant de nombreux mois. Ainsi, alors que nous constatons une augmentation des cas graves en ce moment et qu’il est fort possible que les chiffres augmentent encore, nos données suggèrent qu’une protection résiduelle continue d’exister. Le potentiel d’une vague d’infection grave est maintenant bien réel, mais il pourrait être partiellement freiné par l’immunité résiduelle de la population. »

Malgré les inquiétudes suscitées par la vague actuelle, Balicer précise qu’il n’est pas prévu de proposer des cinquièmes doses de vaccin, même aux personnes âgées ou aux populations à risque. En effet, la décision d’introduire de nouvelles doses de vaccin est un exercice d’équilibre entre les risques éventuels pour la sécurité et l’urgence, et Balicer a déclaré qu’il n’y avait tout simplement pas de sentiment d’urgence à l’heure actuelle.

« On nous a demandé si nous allions envisager une cinquième dose, et une telle recommandation n’a pas été faite à ce stade en raison du manque de preuves de l’efficacité et de la sécurité dans ce contexte spécifique », a-t-il déclaré. « Nous ne sommes pas très enclins à prendre de telles décisions à moins d’être confrontés à une urgence de santé publique imminente. Par le passé, des décisions ont été prises en Israël sur la base de preuves partielles qui se sont avérées correctes rétrospectivement et dont l’exactitude scientifique a été confirmée. On ne prend de décisions en l’absence de données existantes que lorsque l’alternative de l’attente vigilante est clairement et dramatiquement pire – et ce n’est pas le cas maintenant. »

Un changement qui pourrait être envisagé concerne les masques : la réintroduction du port obligatoire du masque en intérieur fait l’objet de discussions entre les responsables.

Des personnes passent devant un panneau indiquant qu’elles doivent porter un masque dans les lieux fermés, à l’extérieur du Cinema City à Jérusalem, le 12 août 2021. (Crédit: Yonatan Sindel/Flash90)

« Des discussions sont en cours entre les experts qui conseillent le ministère de la Santé pour savoir s’il faut prévoir de réimposer le port du masque », a déclaré Balicer. « Ce serait envisageable. La différence concrète entre la recommandation actuelle et un mandat est la légitimité perçue d’une personne à risque de COVID sévère qui entre dans une pièce et demande aux autres de porter des masques, quelle que soit leur préférence personnelle. La volonté du public d’être d’accord pourrait être plus élevée s’il y avait un mandat de port de masque. »

À la question de savoir s’il est à conclure que « l’immunité résiduelle » signifie que la vague actuelle risquait d’être moins sévère que la vague hivernale – et que, par extension, le système de santé ne serait pas submergé – Balicer a répondu : « Cela semble intuitivement logique, mais nous ne pouvons pas en être sûrs à ce stade ». Il reste des questions ouvertes concernant les taux de maladie grave causés par la BA.5 et sa capacité à échapper à l’immunité passée.

« Nous devons donc continuer à surveiller de près l’évolution des taux de maladie grave dans les jours et les semaines à venir. Et, même si elle ne submerge peut-être pas [le système de santé], la charge de cas graves lors de la vague Omicron au début de 2022 a été élevée et douloureuse, et nous devons nous efforcer de ne pas la répéter. »

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