Soleimani: Pas de changement des dispositifs de sécurité des Juifs dans le monde
L'Iran et ses mandataires ont déjà exercé des représailles contre des cibles juives, mais la grande préoccupation des communautés reste l'antisémitisme, et non un conflit USA-Iran
JTA – Le 17 mars 1992, un kamikaze a fait entrer un camion dans l’ambassade d’Israël à Buenos Aires, tuant 29 personnes et en blessant des centaines d’autres.
Deux ans plus tard, dans la même ville, le 18 juillet 1994, un autre poseur de bombe a fait entrer un camion dans le centre juif de l’AMIA, tuant 85 personnes et en blessant des centaines d’autres. Cela reste la pire attaque nationale jamais perpétrée en Argentine.
Le procureur argentin Alberto Nisman – retrouvé mort depuis mystérieusement – a remonté la trace des attentats jusqu’en Iran et au Hezbollah, le groupe terroriste chiite libanais financé par l’Iran, et les analystes ont déclaré que les attentats étaient des réponses à des actes israéliens – le meurtre en 1992 d’Abbas Moussawi, un co-fondateur du Hezbollah, et la capture en 1994 de Mustapha Dirani, un allié du Hezbollah et un responsable de la sécurité libanaise.
Les attentats argentins ne sont que deux exemples de représailles sanglantes de groupes liés à l’armée iranienne, qui a la réputation de répondre violemment – et parfois des années plus tard – à des attaques contre eux-mêmes ou leurs alliés. Les sites juifs et israéliens ont souvent été la cible des Iraniens.
Mais après l’élimination par les Etats-Unis du général iranien Qassem Soleimani au début du mois dans une attaque de drone, qui a provoqué la colère de Téhéran et pour laquelle le président iranien a juré de se venger, les communautés juives du monde entier ne vont probablement pas beaucoup changer leurs consignes de sécurité.
Selon les conversations que la Jewish Telegraphic Agency a tenues avec des représentants d’un certain nombre d’organisations juives, de nombreuses communautés juives ont déjà considérablement accru leur sécurité en réponse à des années de montée de l’antisémitisme.
« Pour le moment, nous ne pensons pas que l’Iran va, à court terme, se venger comme ils l’ont fait à l’AMIA et à l’ambassade », a déclaré à la JTA Ophir Revach, le PDG du Centre de sécurité et de crise du Congrès juif européen. « Nous pensons que cela concerne plus l’Iran et l’Amérique et moins la communauté juive dans le monde. »
« Quoi qu’il en soit [la sécurité est déjà] très élevée en raison de tout ce que nous avons vu dans le monde avec les attaques antisémites, donc on ne constate aucun changement dans les communautés juives à travers le monde », a-t-il poursuivi.
Le rabbin Avi Shafran, le porte-parole du mouvement ultra-orthodoxe Agudath Israël aux États-Unis, partageait cet avis.
« Je n’ai pas entendu parler d’un regain d’inquiétude, en dehors de l’alerte déjà élevée que les communautés orthodoxes, dont les membres sont le plus souvent identifiables comme juifs, ont déjà déclenchée », a-t-il dit, faisant référence à la récente recrudescence des attaques contre les Juifs orthodoxes dans la région de New York. « Cela ne veut pas dire qu’une telle inquiétude serait injustifiée. Nombreuses sont les menaces qui pèsent sur les Juifs [facilement identifiables comme] juifs – de l’extrême droite, de l’extrême gauche, des voyous idiots et des acteurs islamistes, qu’ils soient individuels ou parrainés par des États ».
Michael Masters, qui dirige le Secure Community Network, une organisation de sécurité affiliée aux Fédérations juives d’Amérique du Nord et à la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines, n’a pas non plus tiré la sonnette d’alarme. Mais il a dit qu’une des principales préoccupations actuelles sont les représailles par cyber-attaque.
« Il est juste de dire que l’Iran fait partie du risque lié au cyber-espace », a-t-il précisé.
Un co-fondateur du Community Security Service, qui forme des milliers de bénévoles pour protéger les institutions juives à travers les États-Unis, a été plus vague dans la présentation de la réponse de son organisation.
« La protection de la communauté juive contre les attaques par balles ou au couteau – comme ce qui s’est passé dans la synagogue Tree of Life à Pittsburgh et récemment à Monsey – est à juste titre une priorité pour le CSS et la communauté », a déclaré Adam Sager. « Cependant, la réalité est que la communauté juive américaine doit répondre à l’ensemble de l’éventail des menaces auxquelles elle est confrontée, y compris dans les cas extrêmes d’une attaque de type AMIA. Heureusement, notre méthodologie, basée sur les meilleures pratiques professionnelles de sécurité, est assez flexible et robuste pour faire face à différentes éventualités ».
Le mouvement orthodoxe Habad Loubavitch, cependant, a adopté une approche différente, avertissant ses émissaires dans le monde entier d’être en « état d’alerte » à la suite de l’assassinat ciblé.
« La mort de Soleimani va probablement marquer une escalade majeure dans un conflit qui couve entre les États-Unis et l’Iran et il est fort probable que l’Iran ripostera, directement ou indirectement », a averti la Commission de sécurité Habad-Loubavitch au début du mois. « Bien qu’aucune information ne permette pour l’instant de penser que cette escalade constitue une menace directe pour les centres Habad, comme lors des conflits passés, on peut craindre que la situation et les tensions actuelles ne contribuent à accroître les risques et les menaces pour les installations juives et les centres Habad ».
En Afrique du Sud, la directrice nationale du Jewish Board of Deputies, Wendy Kahn, a indiqué que si les membres de sa communauté, comme d’autres dans le monde, « sont préoccupés par la menace d’attaques de vengeance de l’Iran » et reconnaissent que les institutions juives « sont considérées comme des cibles », il n’y a « aucune information spécifique concernant ce pays qui soit particulièrement préoccupante ».
Déclarant que « le régime despotique et antisémite en Iran a toujours constitué une menace pour le monde juif », Alex Ryvchin, co-PDG du Conseil exécutif du judaïsme australien, a décrit la perte de Soleimani comme un geste qui « nuirait à l’Iran sur le plan opérationnel et a fait payer à ses dirigeants le prix de leur volonté de semer la destruction et le carnage dans toute la région et au-delà ».
L’Amérique du Sud a longtemps été une base clé pour l’Iran et ses mandataires militaires, en particulier le Hezbollah. Mais en plus de noter que « les niveaux d’alerte ont été relevés » et que « les procédures de sécurité ont été renforcées au vu des récents événements » par le gouvernement argentin, l’actuel président de l’AMIA, Ariel Eichbaum, n’a pas signalé que son organisation modifiait de manière significative son protocole de sécurité.
« Nous nous joignons aux voix qui espèrent que l’escalade de la tension et de la violence cessera », a-t-il déclaré, « et que le calme et la prudence reviendront dans la région, grâce à une solution pacifique obtenue par une négociation politique et diplomatique ».
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