Sophia Loren, en Madame Rosa, ne parvient pas à incarner « La Vie devant soi »
Disponible sur Netflix, cette adaptation contemporaine du célèbre roman de Romain Gary aspire la vie de ses personnages vibrants, qui paraissent ici plats et forcés
NEW YORK – Ce qu’une mère ne ferait pas pour son enfant ! Sophia Loren, qui vient d’avoir 86 ans, a réalisé tout ce qu’il est possible de faire dans le domaine du cinéma. Elle n’a guère besoin de se rendre tôt sur le plateau pour attendre simplement que les lumières soient réglées. (La réalisation de films, vous le savez certainement, est une activité fastidieuse et fatigante.) Mais si c’est votre fils qui réalise et reprend un livre qui a déjà fait ses preuves lorsqu’il a été adapté au cinéma, vous dites d’accord, d’accord, je vais le faire.
Et c’est, je suppose, la raison pour laquelle nous avons « La Vie devant soi », un drame lourd d’Edoardo Ponti qui dit « pousse-toi, il y a une star qui arrive ». Il raconte l’histoire de Madame Rosa, une ancienne prostituée et survivante d’Auschwitz, qui s’occupe d’enfants de prostituées. Dans la version contemporaine, à la fin de sa vie, elle tisse des liens avec un voleur orphelin nommé Momo, né au Sénégal et vivant dans les rues de Bari, en Italie, qui n’a besoin que d’un amour dur pour le tirer du chemin de la criminalité.
Le film est sorti directement sur Netflix ce week-end, et donne à Sophia Loren l’occasion de revenir à l’écran. C’est son premier film depuis l’excellente comédie musicale « Nine » en 2009.
« La Vie devant soi » est basé sur le roman éponyme de 1975 écrit par Romain Gary, un juif lituanien dont la famille a déménagé en France en 1928 alors qu’il était adolescent. Bien que converti au catholicisme par sa mère, il est entré dans l’armée de l’air française au plus fort de la Seconde Guerre mondiale et a soupçonné que son échec à obtenir un brevet d’officier était dû à l’antisémitisme. Il a combattu avec les Forces françaises libres basées en Angleterre et est devenu écrivain et diplomate après la guerre. Sa carrière l’a conduit à Los Angeles, et il a fini par épouser l’actrice Jean Seberg. (Lorsqu’elle l’a quitté pour Clint Eastwood, il aurait provoqué ce dernier en duel).
Le fait est que Romain Gary ait vécu une vie grandiose et audacieuse et, bien que je n’aie pas lu « La Vie devant soi », on pourrait penser qu’une adaptation de son œuvre serait tout aussi riche en drame. Et c’est ce que vous trouverez dans l’adaptation de 1977 réalisée par l’Israélien Moshe Mizrahi.
Ce film français, « Madame Rosa », a valu au cinéaste l’Oscar du meilleur film en langue étrangère (le premier des quatre Israéliens seulement à remporter cette précieuse statuette) et la star du film, Simone Signoret, obtînt le César de la meilleure actrice.
La Madame Rosa incarnée par Simone Signoret, finalement une force pour un bien immense, ne porte pas d’auréole de saint. Nous la rencontrons pour la première fois alors qu’elle monte les escaliers en se tenant par les pieds. Lorsqu’elle accueille Momo pour la première fois, elle laisse échapper des remarques racistes. Elle a cette attitude « à prendre ou à laisser » dont les femmes âgées qui ont tout vu ne s’en voient pas tenir rigueur. Plus tard, lorsque son emprise sur la réalité commence à vaciller, elle souffre de délires paranoïaques spécifiques concernant la rafle du Vel d’Hiv’ de 1942.
La version de Sophia Loren, en revanche, atténue considérablement la plupart des éléments qui rendent le personnage intéressant. Cette production tire le meilleur parti de sa crédibilité du simple fait que cette icône du cinéma – vraiment l’une des dernières stars internationales du cinéma de l’âge d’or encore parmi nous – se permet de paraître laide.
Bien sûr, lorsqu’elle se lance dans une de ses réjouissances perplexes, elle peut fixer du regard, mais elle a toujours un éclat indéniable. Elle fait partie de ces femmes qui paraissent toujours coquettes, même lorsqu’elles sont malades et alitées, ce qui va à l’encontre de la notion de « performance si courageuse » de la part d’une légende.
Le charisme de Madame Rosa l’aide à s’entourer d’un cercle d’hommes plus âgés et d’âge moyen, dont un certain Dr Coen, toujours désireux d’aider, mais qui a maintenant besoin d’une faveur de sa part. C’est lui qui, le premier, lui amène Momo, 11 ans, même si l’enfant est réticent. Au début, elle ne veut rien avoir à faire avec lui non plus (si ce n’est de lui reprendre les chandeliers qu’il lui a dérobés), mais avec le temps, ils finiront par tisser des liens solides.
Le garçon n’a aucune idée de ce que représentent les numéros tatoués sur son bras, mais il commence à comprendre qu’elle a survécu à quelque chose. (Un garçon roumain-juif qui séjourne également dans le grand appartement de Madame Rosa, qui reçoit des leçons de Haftorah par la force, pense que les chiffres représentent une sorte de code d’agent secret).
Madame Rosa porte également un petit collier avec l’étoile de David, ce qui se remarque surtout lorsqu’elle essaie d’obtenir une faveur d’un commerçant musulman local. Elle espère qu’il donnera du travail à Momo, qui lui cause des ennuis, quelques heures par semaine, et qu’il lui apprendra peut-être un peu de sa foi. (C’est ce qu’il fait, et il ajoute aussi quelques leçons sur Victor Hugo).
Bien que l’attitude de dur à cuire de Momo commence à s’effriter, il continue à se faire de l’argent en vendant de la drogue à l’école et ailleurs. Mais avec le temps, il fait la promesse à Madame Rosa qu’il ne la laissera jamais se retrouver coincée dans un hôpital, même si elle semble malade. À la fin du film, cette promesse devient un point important de l’intrigue.
Si les personnages et le cadre général de « La Vie devant soi » sont riches de possibilités, l’incapacité d’Edoardo Ponti à laisser sa mère sembler tout sauf parfaite retient tout. Le film ne demande qu’un peu de rebondissements, mais quand il y a de l’action, elle est forcée de façon risible. Après une série de scènes sans vie, la voisine d’en bas, une prostituée transgenre espagnole un peu folle, débarque telle une version travailleuse du sexe de Kramer dans « Seinfeld », met un disque et se met à danser sans autre motivation que « arf, il faut mettre quelque chose dans la bande-annonce qui semble pouvoir inspirer les gens ».
Il y a aussi une scène récurrente dans laquelle Momo a des visions d’une lionne rôdant, dont les effets visuels sont si mauvais qu’il est difficile de se soucier du symbolisme.
Autre scène récurrente qui n’est pas destinée à être amusante mais qui fait rire est celle où Madame Rosa qui se faufile dans son « repaire juif » secret, un appartement en sous-sol rempli de vieilles images et de menoras, mais les airs de violon du shtetl qui l’y attirent rappellent trop « l’attrait du monstre » dans « Frankenstein Junior » de Mel Brooks pour son propre bien.
Je ne veux rien dire de trop négatif sur Sophia Loren. Cette femme est une légende, et il est remarquable qu’elle ait choisi de jouer une survivante de la Shoah pour ce qui est probablement son dernier rôle. Mais la vérité, c’est qu’il n’y a pas grand-chose à recommander ici. Regarder la version la plus intéressante et la plus ancienne de la même histoire est peut-être la meilleure façon d’honorer ces personnages.