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Traitement des détenus : le Shin Bet comparable au KGB, dit Nava Boker

"Il serait préférable que le Shin Bet consacre son temps à tenter d'empêcher le terrorisme palestinien au lieu de torturer de jeunes Juifs", a tweeté la députée du Likud

Nava Boker, députée du Likud, pendant une manifestation de soutien au Premier ministre Benjamin Netanyahu près du domicile du procureur général Avichai Mandelblit à Petah Tikva, le 5 août 2017. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)
Nava Boker, députée du Likud, pendant une manifestation de soutien au Premier ministre Benjamin Netanyahu près du domicile du procureur général Avichai Mandelblit à Petah Tikva, le 5 août 2017. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Une députée du parti du Likud au pouvoir a comparé dimanche le service de sécurité du Shin Bet au KGB pour son traitement de cinq adolescents juifs arrêtés, soupçonnés d’être impliqués dans des jets de pierre meurtriers ayant entraîné la mort d’une Palestinienne de 47 ans.

« Chaque jour, des pierres sont lancées contre des véhicules en Judée et Samarie, et si vous vous demandez pourquoi nous n’en entendons pas parler, c’est parce que ce sont des Palestiniens qui les lancent sur des Juifs », a écrit la députée Nava Boker dans un tweet, faisant allusion à la Cisjordanie sous son nom biblique.

« Mais lorsque de jeunes Juifs sont soupçonnés de lancer des pierres, ils découvrent soudainement les méthodes d’enquête du KGB », a-t-elle ajouté. « Il serait préférable que le Shin Bet consacre son temps à tenter d’empêcher le terrorisme palestinien meurtrier au lieu de torturer de jeunes Juifs ».

Le Shin Bet et l’armée israélienne arrêtent et placent régulièrement en détention des jeteurs de pierre palestiniens, notamment un grand nombre d’enfants.

Les propos de Boker ont été tenus après que le Shin Bet a annoncé, dans la journée de dimanche, que le groupe d’adolescents juifs arrêtés au cours de la dernière semaine était soupçonné d’être impliqué dans le meurtre de la Palestinienne Aisha Rabi. Âgée de 47 ans, elle avait été touchée à la tête par une grosse pierre alors qu’elle était assise sur le siège passager d’une voiture circulant dans le nord de la Cisjordanie, a noté le Shin Bet dans un communiqué. Il y donnait les premiers détails de l’enquête depuis la mise en place d’un embargo sur le dossier, quarante-huit heures après le meurtre survenu le 12 octobre 2018. La femme était mère de huit enfants. Les adolescents sont soupçonnés de « crimes liés au terrorisme, et notamment de meurtre », a précisé le Shin Bet.

Avec l’accord des magistrats, les suspects n’avaient dans un premier temps pas le droit à des avocats, qui ont affirmé que le service de sécurité avait torturé les adolescents pour obtenir des aveux – une déclaration démentie par le Shin Bet.

Le service de sécurité a noté que « les interrogatoires du Shin Bet sont menés conformément à la loi et sont soumis à la supervision du bureau du procureur de l’Etat ».

« Les détenus interrogés par le Shin Bet jouissent de tous les droits que leur garantit la loi », a ajouté l’agence. « Les accusations de négation des droits des personnes interrogées… sont sans fondement et leur objectif est de détourner le débat autour des soupçons graves ayant justifié le placement en détention des individus en vue d’un interrogatoire ».

L’agence a par ailleurs rendu publiques dimanche soir des preuves « indiquant l’antisionisme extrême » des adolescents interpelés.

Ine photo rendue publique le 6 janvier 2019 par le Shin Bet montrant un drapeau israélien brûlé par des adolescents juifs soupçonns d’avoir tué une Palestinienne en Cisjordanie (Crédit : Shin Bet)

Parmi ces preuves, une vidéo découverte pendant l’enquête montrant un drapeau israélien en flammes. Les agents du Shin Bet ont par ailleurs retrouvé un autre drapeau israélien dans la chambre de l’un des suspects, sur lequel une croix gammée recouvrait l’étoile de David accompagné des mots « Mort aux Sionistes ».

L’avocat Itamar Ben Gvir, qui représente l’un des suspects, a estimé qu’il n’y avait aucune preuve que la vidéo et le drapeau vandalisé appartenaient aux adolescents appréhendés. Il a également accusé le Shin Bet d’avoir diffusé « cyniquement » ces preuves, sachant que l’affaire « était en train de s’effondrer ».

« Lorsque le Shin Bet se trouve sous pression, toutes les méthodes deviennent tout à coup casher. Ainsi, dans les prochains jours, nous allons entendre que les suspects étaient des anti-sionistes et autres… En réalité, ce sont de bons enfants qui aiment profondément l’Etat d’Israël », a commenté Ben Gvir.

Un drapeau israélien avec une croix gammée et un message disant « Mort aux sionistes » qui aurait été fait par l’un des adolescents juifs soupçonnés d’avoir tué une Palestinienne en Cisjordanie, selon le Shin Bet (Crédit : Shin Bet)

Le Shin Bet a diffusé les preuves quelques heures après la tenue d’une conférence de presse organisée par les avocats des cinq suspects, accusant les services de sécurité d’avoir torturé leurs clients pendant leur interrogatoire. Ils ont par ailleurs soutenu que les adolescents avaient un alibi prouvant qu’ils ne se trouvaient pas au carrefour Tapuah, là où a eu lieu l’attaque meurtrière, au moment où Rabi avait été tuée.

Le Shin Bet a également évoqué les « fausses » accusations lancées par les « parties intéressées » concernant sa gestion de l’enquête.

L’agence a déclaré que les suspects n’avaient pas été « enlevés » mais arrêtés par les agents, disposant des mandats nécessaires. Les parents en avaient été également notifiés au préalable.

Reconnaissant avoir interdit aux suspects de rencontrer un avocat, le Shin Bet a souligné qu’il s’agissait d’une démarche « décidée de temps en temps et à l’encontre de suspects autant arabes que juifs… dans des affaires terroristes graves », que la cour du district de Lod avait autorisée malgré les appels déposés par les avocats.

Le Shin Bet a indiqué avoir pris soin d’installer les suspects à l’écart des détenus adultes, précisant que les interrogatoires avaient été menés « conformément aux directives des autorités médicales ».

Les suspects ont été examinés pendant l’ensemble des interrogatoires et n’ont « adressé aucune plainte aux autorités médicales des services israéliens des prisons », ou aux juges qui ont présidé leurs audiences de maintien en détention, a poursuivi l’agence de sécurité.

Des objets religieux ont également été accordés aux suspects, notamment des châles de prière pour le Shabbat, a noté le Shin Bet.

Une voiture appartenant à une famille Palestinienne impliquée dans un accident meurtrier à cause de jets de pierres qui auraient été lancées par des habitants d’implantation au carrefour de Tapuah en Cisjordanie, le 12 octobre 2018 (Crédit : Zachariah Sadeh/Rabbis for Human Rights); Aisha Muhammad Talal Rabi (Autorisation)

Les avocats des suspects — Itamar Ben Gvir, Adi Keidar et Hay Haber de l’organisation d’aide juridique Honenu – ont organisé une conférence de presse, dimanche, aux abords des salles d’audience de la cour des magistrats de Rishon Lezion, durant laquelle ils ont affirmé que leurs clients n’avaient rien à voir avec le meurtre de Rabi et que le Shin Bet avait émis « cyniquement » son communiqué quelques minutes avant qu’un juge ne statue sur la prolongation du maintien en détention des suspects.

Confirmant les craintes exprimées la semaine dernière lors de manifestations organisées par les habitants d’implantations, les avocats ont ajouté que les jeunes avaient subi des « tortures » en prison.

« Du matin au soir, mon client a été menotté à une chaise, dormant sur un matelas placé à même le sol dans une petite cellule », a fait savoir Keidar. « Le garçon que j’ai rencontré était fatigué, brisé et épuisé ».

Ben Gvir a déclaré que les enquêteurs avaient « insulté, craché et même harcelé sexuellement » son client. Il assure que les agents du Shin Bet avaient même fait intervenir des policiers se faisant passer pour des détenus qui avaient exercé des pressions sur le suspect pour lui extorquer des aveux. Des agissements similaires avaient été rapportés dans d’autres dossiers relatifs au terrorisme juif, notamment pendant l’enquête consacrée à un attentat terroriste commis en 2015 dans le village palestinien de Duma, où trois membres d’une même famille avaient été brûlés vifs, dont un bébé.

Un juge a prolongé dimanche la détention des cinq suspects jusqu’à jeudi. Deux des adolescents appréhendés samedi soir ne rencontreront pas d’avocats avant mardi prochain.

Les cinq adolescents sont des élèves de la yeshiva Pri Haaretz, située à Rehelim, dans le nord de la Cisjordanie. Trois d’entre eux ont été arrêtés dimanche dernier et deux autres ont été interpelés six jours plus tard.

La chaîne publique Kan a fait savoir dimanche soir que le coordinateur de la sécurité de Rehelim avait été interrogé par le Shin Bet, soupçonné d’avoir fait disparaître une séquence enregistrée par les caméras de surveillance qui montrerait les suspects quittant l’implantation avant l’attaque.

Le responsable de Rehelim a ensuite été remis en liberté.

La chaîne d’information a également fait savoir qu’une équipe d’agents du Shin Bet était arrivée à l’implantation le lendemain de l’attaque, annonçant au rabbin de Pri Haaretz qu’elle enquêtait sur l’incident des jets de pierres meurtriers. Les agents avaient toutefois affirmé au rabbin qu’ils ne contreviendraient pas aux règles du Shabbat pour mener leur enquête et qu’ils reviendraient interroger les élèves après le coucher du soleil.

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