Traverser le monde pour rentrer chez soi pendant l’épidémie, une bonne idée ?
De nombreux gouvernements, dont Israël et les États-Unis, se sont efforcés de rapatrier leurs citoyens coincés à l'étranger ; sur le plan médical, ce n'est pas toujours logique

Il n’y a pas d’endroit comme chez soi – même si le fait d’y aller peut être dangereux pour la santé.
Alors que l’épidémie de coronavirus a progressivement mis fin aux voyages aériens dans le monde, de nombreux gouvernements ont mené des efforts considérables afin de ramener leurs citoyens chez eux. Mais dans certains cas, le fait d’entreprendre de longs voyages et de passer éventuellement par un ou plusieurs aéroports peut en fait augmenter le risque que les passagers attrapent la maladie, surtout si celle-ci frappe plus durement leur destination finale que l’endroit qu’ils ont quitté, selon les experts de la santé publique.
Le département d’État américain a rapatrié 46 000 citoyens américains de plus de 70 pays sur 449 vols, a déclaré mardi le principal sous-secrétaire adjoint aux affaires consulaires, Ian Brownlee. Les États-Unis – un pays sans système de santé universel – ont de loin le plus grand nombre d’infections au coronavirus au monde, et le troisième plus grand nombre de décès dus à la maladie.
Recevez gratuitement notre édition quotidienne par mail pour ne rien manquer du meilleur de l’info Inscription gratuite !
L’ambassade américaine à Jérusalem a renvoyé chez eux les employés américains ou les membres de leur famille « considérés comme plus à risque s’ils sont exposés au COVID-19 », a indiqué un responsable de l’ambassade au Times of Israël la semaine dernière. Ici aussi, cela soulève la question de savoir si certains membres de groupes à haut risque auraient pu être plus en sécurité en restant en Israël.

Le gouvernement allemand a rapatrié plus de 200 000 citoyens pour un coût de plus de 50 millions d’euros. L’Allemagne a elle aussi été durement touchée par la pandémie, avec plus de 107 000 cas connus.
Principal Deputy Assistant Secretary for Consular Affairs Ian Brownlee discusses the Department's unprecedented efforts to bring #AmericansHome and encourages U.S. citizen travelers to enroll in https://t.co/LUiIr82ilp. pic.twitter.com/licJXXTTI7
— Department of State (@StateDept) April 7, 2020
Israël a organisé des dizaines de vols aux quatre coins du monde pour ramener chez eux les voyageurs bloqués, en invoquant le principe de la « responsabilité mutuelle ». S’il peut sembler logique que Jérusalem vienne au secours des Israéliens en randonnée dans la forêt amazonienne ou dans l’Himalaya, il semble moins raisonnable, d’un point de vue purement médical, de rapatrier par avion des personnes originaires de pays développés où le coronavirus est beaucoup moins répandu, comme la Nouvelle-Zélande ou la Slovénie.
« D’un point de vue épidémiologique, il y a différentes priorités », souligne Nadav Davidovitch, directeur de l’école de santé publique de l’université Ben-Gurion du Néguev.

« Je ne dis pas que cela ne devrait pas être fait du tout, mais je serais plus heureux si la même énergie et les mêmes ressources étaient consacrées au développement de programmes pour les personnes âgées, et d’autres groupes vulnérables ou marginalisés, comme les ultra-orthodoxes ou les Arabes. »
Mais le ministère des Affaires étrangères à Jérusalem est très fier de son engagement à ne laisser personne derrière lui.
« Notre raisonnement est simple : en temps de crise et d’incertitude, l’endroit le plus sûr pour un citoyen israélien est en Israël », a déclaré Lior Haiat, porte-parole du ministère. « Nous ne savons pas combien de temps le ciel restera fermé, et beaucoup de personnes se trouvent actuellement dans des pays où le système de santé n’est pas aussi bon qu’en Israël. »
Le type de profil du citoyen en voyage est également important, a expliqué Haiat. Imaginez un routard de 23 ans coincé en Australie. Considéré comme ayant un faible risque d’attraper le virus, il ne voudra peut-être pas dépenser toutes ses économies juste pour être coincé dans une chambre d’hôtel à l’étranger. Pourquoi le gouvernement ne l’aiderait-il pas à rentrer chez lui ?

« Et il y a aussi le principe de la responsabilité mutuelle », a-t-il ajouté. « Chacun doit décider lui-même où il veut être. Nous ne ramenons pas les gens qui veulent rester. Mais nous prenons soin de tous ceux qui veulent rentrer chez eux. »
Cette semaine, le ministère des Affaires étrangères a appris que moins de 2 000 Israéliens se trouvaient encore à l’étranger et cherchaient des moyens de rentrer chez eux.

Il ne fait aucun doute que l’on est plus susceptible de contracter le coronavirus dans les aéroports et les avions qu’en étant enfermé, ou même dans un supermarché bondé, selon Nadav Davidovitch, le spécialiste de la santé publique. Et pourtant, la question de savoir s’il vaut mieux rester à l’étranger ou faire ses valises et rentrer chez soi ne peut avoir de réponse claire, reconnaît-il.
« Actuellement, si vous avez un endroit où vous pouvez vous isoler et garder une distance physique avec les autres, il est probablement préférable de rester où vous êtes », a-t-il dit. « Mais bien sûr, il peut y avoir d’autres facteurs en jeu, par exemple si des membres de votre famille sont malades ou si vous n’avez pas assez de ressources pour rester à votre endroit actuel. »
Le gouvernement a aidé non seulement les baroudeurs en détresse, mais aussi les citoyens israéliens ayant des résidences permanentes à l’étranger, mais qui ont estimé qu’ils préféraient traverser la crise actuelle au sein de l’État juif.
« Je suppose que cela est lié au fait que, sous l’effet d’un stress ou d’une menace énorme, les groupes ont tendance à se serrer les coudes, à retourner dans leurs cercles les plus intimes et à revenir à leurs valeurs les plus fondamentales », explique Eran Halperin, professeur de psychologie à l’université hébraïque de Jérusalem. « C’est la raison pour laquelle le gouvernement est si motivé, et aussi pourquoi les personnes qui sont maintenant à l’étranger pensent – rationnellement ou irrationnellement – qu’il serait plus sûr pour elles de rentrer chez elles. »
Comptez-vous sur le Times of Israël en français pour vous informer de manière précise et pertinente sur Israël, le Moyen Orient et le Monde juif ? Si la réponse est oui, n'attendez plus pour rejoindre la Communauté du Times of Israël !
En contribuant avec la somme de votre choix, une fois par mois ou une fois par an, vous pouvez :
- soutenir un journalisme indépendant et de qualité
- profiter d'une lecture sans publicité sur le site, la version mobile et les e-mails
Nous sommes ravis que vous ayez lu X articles du Times of Israël le mois dernier.
C'est pour cela que nous travaillons chaque jour : pour offrir aux lecteurs avisés, comme vous, une couverture médiatique pertinente sur Israël, le Moyen Orient et le Monde juif. Contrairement à de nombreux autres médias, notre contenu est accessible gratuitement - sans paywall surgissant dès le premier paragraphe. Mais notre travail s'avère de plus en plus coûteux. C'est pourquoi, nous invitons les lecteurs, qui le peuvent et pour qui le Times of Israël en français est devenu important, à nous soutenir en rejoignant la Communauté du Times of Israël en français. Pour la somme de votre choix, une fois par mois ou une fois par an, vous pouvez vous aussi contribuer à ce journalisme indépendant de qualité et profiter d'une lecture sans publicité.