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Traverser le monde pour rentrer chez soi pendant l’épidémie, une bonne idée ?

De nombreux gouvernements, dont Israël et les États-Unis, se sont efforcés de rapatrier leurs citoyens coincés à l'étranger ; sur le plan médical, ce n'est pas toujours logique

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Des routards israéliens embarquent à bord d'un avion militaire au Honduras pour rentrer en Israël, le 26 mars 2020. (Crédit: armée du Honduras)
Des routards israéliens embarquent à bord d'un avion militaire au Honduras pour rentrer en Israël, le 26 mars 2020. (Crédit: armée du Honduras)

Il n’y a pas d’endroit comme chez soi – même si le fait d’y aller peut être dangereux pour la santé.

Alors que l’épidémie de coronavirus a progressivement mis fin aux voyages aériens dans le monde, de nombreux gouvernements ont mené des efforts considérables afin de ramener leurs citoyens chez eux. Mais dans certains cas, le fait d’entreprendre de longs voyages et de passer éventuellement par un ou plusieurs aéroports peut en fait augmenter le risque que les passagers attrapent la maladie, surtout si celle-ci frappe plus durement leur destination finale que l’endroit qu’ils ont quitté, selon les experts de la santé publique.

Le département d’État américain a rapatrié 46 000 citoyens américains de plus de 70 pays sur 449 vols, a déclaré mardi le principal sous-secrétaire adjoint aux affaires consulaires, Ian Brownlee. Les États-Unis – un pays sans système de santé universel – ont de loin le plus grand nombre d’infections au coronavirus au monde, et le troisième plus grand nombre de décès dus à la maladie.

L’ambassade américaine à Jérusalem a renvoyé chez eux les employés américains ou les membres de leur famille « considérés comme plus à risque s’ils sont exposés au COVID-19 », a indiqué un responsable de l’ambassade au Times of Israël la semaine dernière. Ici aussi, cela soulève la question de savoir si certains membres de groupes à haut risque auraient pu être plus en sécurité en restant en Israël.

Des voyageurs israéliens bloqués en Amérique du Sud arrivent à l’aéroport Ben Gurion, le 23 mars 2020. (Crédit : Tomer Neuberg/Flash90)

Le gouvernement allemand a rapatrié plus de 200 000 citoyens pour un coût de plus de 50 millions d’euros. L’Allemagne a elle aussi été durement touchée par la pandémie, avec plus de 107 000 cas connus.

Israël a organisé des dizaines de vols aux quatre coins du monde pour ramener chez eux les voyageurs bloqués, en invoquant le principe de la « responsabilité mutuelle ». S’il peut sembler logique que Jérusalem vienne au secours des Israéliens en randonnée dans la forêt amazonienne ou dans l’Himalaya, il semble moins raisonnable, d’un point de vue purement médical, de rapatrier par avion des personnes originaires de pays développés où le coronavirus est beaucoup moins répandu, comme la Nouvelle-Zélande ou la Slovénie.

« D’un point de vue épidémiologique, il y a différentes priorités », souligne Nadav Davidovitch, directeur de l’école de santé publique de l’université Ben-Gurion du Néguev.

Le professeur Nadav Davidovitch. (Crédit : Université Ben-Gurion)

« Je ne dis pas que cela ne devrait pas être fait du tout, mais je serais plus heureux si la même énergie et les mêmes ressources étaient consacrées au développement de programmes pour les personnes âgées, et d’autres groupes vulnérables ou marginalisés, comme les ultra-orthodoxes ou les Arabes. »

Mais le ministère des Affaires étrangères à Jérusalem est très fier de son engagement à ne laisser personne derrière lui.

« Notre raisonnement est simple : en temps de crise et d’incertitude, l’endroit le plus sûr pour un citoyen israélien est en Israël », a déclaré Lior Haiat, porte-parole du ministère. « Nous ne savons pas combien de temps le ciel restera fermé, et beaucoup de personnes se trouvent actuellement dans des pays où le système de santé n’est pas aussi bon qu’en Israël. »

Le type de profil du citoyen en voyage est également important, a expliqué Haiat. Imaginez un routard de 23 ans coincé en Australie. Considéré comme ayant un faible risque d’attraper le virus, il ne voudra peut-être pas dépenser toutes ses économies juste pour être coincé dans une chambre d’hôtel à l’étranger. Pourquoi le gouvernement ne l’aiderait-il pas à rentrer chez lui ?

Un voyageur israélien débarque d’un vol El Al en provenance de Lima, au Pérou, à l’aéroport Ben Gurion de Tel Aviv, en mars 2020. (Crédit : Sivan Farage)

« Et il y a aussi le principe de la responsabilité mutuelle », a-t-il ajouté. « Chacun doit décider lui-même où il veut être. Nous ne ramenons pas les gens qui veulent rester. Mais nous prenons soin de tous ceux qui veulent rentrer chez eux. »

Cette semaine, le ministère des Affaires étrangères a appris que moins de 2 000 Israéliens se trouvaient encore à l’étranger et cherchaient des moyens de rentrer chez eux.

Un avion de la compagnie Lufthansa se prépare à rapatrier des touristes allemands et israéliens de Lima à Francfort, le 26 mars 2020. (Crédit : Ambassade d’Israël au Pérou)

Il ne fait aucun doute que l’on est plus susceptible de contracter le coronavirus dans les aéroports et les avions qu’en étant enfermé, ou même dans un supermarché bondé, selon Nadav Davidovitch, le spécialiste de la santé publique. Et pourtant, la question de savoir s’il vaut mieux rester à l’étranger ou faire ses valises et rentrer chez soi ne peut avoir de réponse claire, reconnaît-il.

« Actuellement, si vous avez un endroit où vous pouvez vous isoler et garder une distance physique avec les autres, il est probablement préférable de rester où vous êtes », a-t-il dit. « Mais bien sûr, il peut y avoir d’autres facteurs en jeu, par exemple si des membres de votre famille sont malades ou si vous n’avez pas assez de ressources pour rester à votre endroit actuel. »

Le gouvernement a aidé non seulement les baroudeurs en détresse, mais aussi les citoyens israéliens ayant des résidences permanentes à l’étranger, mais qui ont estimé qu’ils préféraient traverser la crise actuelle au sein de l’État juif.

« Je suppose que cela est lié au fait que, sous l’effet d’un stress ou d’une menace énorme, les groupes ont tendance à se serrer les coudes, à retourner dans leurs cercles les plus intimes et à revenir à leurs valeurs les plus fondamentales », explique Eran Halperin, professeur de psychologie à l’université hébraïque de Jérusalem. « C’est la raison pour laquelle le gouvernement est si motivé, et aussi pourquoi les personnes qui sont maintenant à l’étranger pensent – rationnellement ou irrationnellement – qu’il serait plus sûr pour elles de rentrer chez elles. »

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