Un ancien ambassadeur américain préconise une garantie nucléaire
Martin Indyk critique par ailleurs l'intention du Premier ministre de s'exprimer devant le Congrès
Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël
Les États-Unis devraient offrir à Israël une « garantie nucléaire » avant de signer un accord avec l’Iran sur son programme nucléaire problématique, a suggéré mardi un ancien haut responsable de la politique étrangère américaine.
Martin Indyk, qui fut ambassadeur des États-Unis en Israël puis médiateur dans les pourparlers de paix israélo-palestiniens, a déclaré qu’un tel accord permettrait d’apaiser la crainte de Jérusalem que Téhéran viole son accord avec les puissances et se lance ensuite dans la construction d’une bombe.
« Les Etats-Unis peuvent se permettre d’avoir l’Iran comme une puissance nucléaire à proximité de seuil. Et Israël dit qu’il ne le peut pas. C’est lié aux circonstances très différentes de sécurité des États-Unis et d’Israël » a déclaré Indyk lors d’une table ronde à la conférence annuelle de l’Institut d’études de sécurité nationale (INSS) à Tel-Aviv.
« Au lieu de se quereller sur ce sujet, les Etats-Unis devrait entamer immédiatement des discussions avec Israël au sujet d’une garantie nucléaire pour Israël. »
Un tel arrangement prendrait la forme d’un traité bilatéral, a expliqué Indyk.
« Cela nécessiterait une législation et je crois qu’elle pourrait être adoptée à peu près l’unanimité. »
Cette garantie obligerait les États-Unis à agir si l’Iran franchissait un certain seuil, même si Indyk n’a pas dessiné exactement les contours que prendrait un tel accord.
Aussi connues sous le nom de « parapluies nucléaires », des garanties sont souvent utilisées par les États nucléaires comme une promesse de protéger des alliés plus petits.
Israël avait jadis exigé une garantie nucléaire au cours des pourparlers de paix de Camp David, il y a 15 ans, raconte Indyk, qui était à l’époque ambassadeur de Washington en Israël.
Le Premier ministre israélien d’alors, Ehud Barak, avait demandé au président américain Bill Clinton de fournir une telle garantie dans le cadre d’un éventuel accord de paix avec les Palestiniens.
Clinton avait accepté, selon Indyk, qui a servi comme assistant spécial du président et comme directeur principal des affaires du Proche-Orient au Conseil national de sécurité.
Le traité qu’il propose maintenant serait « d’un autre type, mais il pourrait considérablement calmer les préoccupations israéliennes sur un reniement des promesses ds Iraniens », a déclaré Indyk.
Itamar Rabinovich, ancien ambassadeur d’Israël à Washington, qui a également participé au panel, a déclaré que Jérusalem devrait étudier attentivement une telle garantie, car tout accord avec les États-Unis exclurait certainement toute action militaire israélienne contre le programme nucléaire de l’Iran.
« La liberté d’action d’Israël serait limitée. Vous ne pouvez pas demander une garantie américaine automatique et ensuite agir seul. »
Dans son intervention, Indyk a également critiqué l’insistance controversée du Premier ministre Benjamin Netanyahu à prendre la parole devant le Congrès des États-Unis sur la question iranienne dans quelques semaines, en indiquant qu’elle transformait le soutien à la position d’Israël en question partisane.
« Il faut penser à ce que le discours pourra apporter », explique Indyk, qui a servi comme envoyé spécial de l’administration américaine pour la dernière série de pourparlers de paix israélo-palestiniens.
« Est-ce qu’il va vraiment changer l’opinion du président des États-Unis et de ses négociateurs ? Vont-ils soudainement se réveiller et dire, ‘Oh nous négocions ici un mauvais accord , idiots que nous sommes, nous allons changer d’avis ?’ Pourra-t-il convaincre une majorité au Sénat, soumise à un veto, d’agir de manière à faire capoter l’accord ? »
Le président américain Barack Obama a promis de s’opposer à toute loi qui appellerait à des sanctions supplémentaires contre l’Iran tant que les négociations sur le nucléaire sont en cours.
Pour Indyk, le discours de Netanyahu aurait pu influencer les législateurs américains s’il avait été conçu d’une manière qui aurait créer un soutien bipartisan autour de l’inquiétude compréhensible d’Israël à propos d’un éventuel accord nucléaire avec l’Iran.
« Mais les républicains n’ont pas 60 voix au Sénat. Sans les démocrates ils ne peuvent rien faire. Sans leurs votes, le discours n’est pas en mesure d’amener quoi que soit », a-t-il affirmé.
La manière dont le discours a été géré – avec le président de la Chambre John Boehner invitant Netanyahu derrière le dos de l’administration américaine – « a mis les démocrates, qui, autrement auraient pu applaudir le Premier ministre sur le fond du problème, dans une situation impossible, où ils doivent choisir entre le Premier ministre d’Israël et le président des États-Unis. Et c’est une position intenable. »
Les ennemis d’Israël « font actuellement la fête, selon Indyk, parce qu’ils aiment voir cette scission entre les Etats-Unis et Israël. C’est un vrai problème. »
Les tensions actuelles entre Washington et Jérusalem sont dangereuses pour Israël mais aussi pour les Etats-Unis et leur influence dans la région, a déclaré Indyk, qui est actuellement vice-président et directeur du programme de la politique étrangère de l’Institut Brookings.
L’actuel ambassadeur américain en Israël, qui a également pris la parole à la conférence, a minimisé la tension entre les deux gouvernements.
« Notre coopération et nos consultations avec Israël sur cet objectif commun [d’empêcher un Iran nucléaire] continueront, même si par moments nous pouvons être en désaccord sur tel ou tel aspect de l’approche », a déclaré Dan Shapiro.
Réfutant des informations selon lesquelles les États-Unis avaient cessé de tenir Jérusalem au courant des négociations en cours avec l’Iran, Shapiro a déclaré que les plus hautes autorités américaines traitant de la question ont rencontré et continuent de rencontrer leurs homologues israéliens.