Un anthropologue condamné à la prison en Iran raconte sa fuite rocambolesque
Kamil Ahmadi avait été libéré de détention provisoire en novembre et faisait l'objet d'une "enquête préliminaire" sur des soupçons de "liens avec des pays étrangers"
Un anthropologue irano-britannique condamné à la prison à Téhéran, Kamil Ahmadi, a raconté mercredi à des médias britanniques son évasion rocambolesque d’Iran pour rejoindre le Royaume-Uni à travers les montagnes.
« Je suis juste parti. J’ai fait un sac avec un kit de rasage, quelques livres et un ordinateur », a raconté l’universitaire à la BBC. Il a expliqué avoir franchi la frontière clandestinement, en passant par les montagnes. C’était « très froid, très long, très sombre et très effrayant », a-t-il décrit.
Kamil Ahmadi avait été libéré en novembre après trois mois de détention provisoire. Il faisait l’objet d’une « enquête préliminaire » sur des soupçons de « liens avec des pays étrangers et des instituts affiliés à des services (de renseignement) étrangers ».
Il avait été condamné en décembre à neuf ans de prison pour avoir reçu des « fonds illégaux » pour des projets menés par des « institutions subversives ».
Libéré sous contrôle judiciaire en attendant l’examen de son appel, il a décidé de s’échapper. Il a emprunté des chemins enneigés utilisés pour la contrebande de produits de Turquie et d’Irak, qu’il connaissait car étant lui-même Kurde.
Auteur d’un livre publié en anglais et intitulé Au nom de la tradition : mutilations génitales féminines en Iran, M. Ahmadi a travaillé sur des sujets comme le mariage temporaire spécifique à l’islam chiite, ou encore le mariage précoce des jeunes filles en Iran.
This British-Iranian academic jailed in Iran escaped to the UK. Kameel Ahmady spent 100 days in solitary confinement before being released on bail when he “made a decision and escaped” to Britain.
Posted by Channel 4 News on Wednesday, February 3, 2021
M. Ahmadi a déclaré à la BBC qu’en tant que détenteur de la double nationalité et « chercheur qui creusait des questions sensibles », il avait toujours su qu’il risquait d’être arrêté.
Dans un entretien au quotidien The Guardian, il a expliqué avoir décidé de fuir le pays pour voir grandir son fils.
« Une fois condamné, j’avais le choix entre rester et ne pas voir ma famille et mon enfant de quatre ans jusqu’à ses 14 ans, ou prendre le risque de fuir » a-t-il dit au journal.
Son retour au Royaume-Uni, c’est comme de « revenir dans mon autre maison » après avoir été « forcé de quitter un endroit où je pensais pouvoir faire une différence », a-t-il confié à la Channel 4.
Il a raconté avoir été détenu 100 jours à l’isolement à la prison d’Evin, au nord de Téhéran. Il a décrit avoir été détenu dans une « petite pièce » en arrivant même à attendre les interrogatoires pour avoir un contact humain, « la seule distraction » possible et sa « seule bouée de sauvetage ». Il vit désormais à Londres, selon The Guardian. En Iran, son appel a été rejeté en son absence lundi.
Une autre Irano-britannique, Nazanin Zaghari-Ratcliffe, est aux mains de la justice iranienne depuis 2016. Accusée d’avoir cherché à renverser le régime de Téhéran, ce qu’elle conteste, cette employée de la Fondation Thomson Reuters – la branche philanthropique de l’agence de presse canado-britannique du même nom –, se trouve actuellement placée sous bracelet électronique.