Un compositeur suédois rend hommage à son grand-père rescapé avec « Kaddish »
Dans un morceau a capella, l'artiste suédois restitue un dialogue avec son défunt grand-père, empruntant des passages de ses témoignages et des citations d'Elie Wiesel
La nouvelle œuvre du compositeur suédois Jacob Mülhrad, ‘Kaddish », commence par un grondement inintelligible. Pour l’auteur, ces sons profonds rappelaient le roulement des trains sur leurs rails, ce qui est vraiment un exploit étonnant pour un chœur a cappella.
Lors d’un entretien avec le Times of Israël depuis son studio de Stockholm via Zoom avant la sortie officielle de l’œuvre, Mühlrad a souri et a déclaré avec diplomatie que son travail, qui porte le nom de la prière juive pour les morts, est ouverte à l’interprétation. Elle est censée être méditative ou contemplative, a-t-il dit. C’est une façon de communier.
« D’une certaine manière, il y a une histoire qui veut sortir de ce son », a déclaré le compositeur de 29 ans. « Dans la Kabbale – le mysticisme juif – les mélodies sans paroles ont une valeur spirituelle supérieure. Donc pour moi, le début et de nombreuses parties du Kaddish, c’est comme un chagrin que l’on ne peut pas verbaliser ».
Le chagrin que Mühlrad réussit à rendre si tangible dans cette œuvre est inspiré par les horribles expériences vécues par son grand-père, Michael Bliman, rescapé de la Shoah, aujourd’hui décédé, qui a survécu à la fois à Auschwitz et à Bergen-Belsen.
Pour honorer son grand-père, Mühlrad a sorti « Kaddish » juste avant la Journée internationale de commémoration de l’Holocauste du 27 janvier, dans le cadre d’un album intitulé « Time ». Il s’agit d’une compilation de ses compositions produites par le prestigieux label de musique classique Deutsche Grammophon, ce qui signifie essentiellement que le jeune compositeur s’est hissé au sommet du monde de la musique artistique.
La chorale Swedish Radio Choir, qui compte 32 membres, a été sollicitée pour contribuer à « Kaddish ». Dirigés par Fredrik Malmberg et Ragnar Bohlin, ils ont enregistré avant la pandémie de coronavirus. Une version complète du nouveau « Kaddish » peut être écoutée à la fin du podcast du Times Will Tell (qui contient également une interview de Katharina von Schnurbein, basée à Bruxelles, qui est la première coordinatrice de la Commission européenne pour la lutte contre l’antisémitisme).

« C’est un morceau très personnel et très émouvant. Il s’agit de ma famille et de mon passé », a déclaré Mühlrad. Plus précisément, c’est un moyen pour Mühlrad de communier avec son grand-père et de sonder l’expérience de côtoyer l’ombre de la mort – pour en ressortir miraculeusement vivant.
« Dans ce morceau, je pose les questions que je n’ai jamais eu la chance de poser. Depuis mon enfance, quand il était vivant, je n’ai pas pu poser ces questions très importantes dont je pense que nous tous, l’humanité, pouvons apprendre », a déclaré Mühlrad.
Mühlrad répond aux questions de Bliman avec ses propres mots. Récemment, Mühlrad a redécouvert la documentation vidéo que son père avait filmée. « Mon père a interviewé mon grand-père sur son expérience et sur la façon dont il a survécu. Et à partir de ces réponses, j’ai simulé un dialogue imaginaire entre moi et mon grand-père – un dialogue que nous n’avons jamais eu », a-t-il confié.
Le morceau débute par une citation de l’auteur Elie Wiesel sur l’importance de témoigner, pour les morts et les vivants. « Pour moi, c’est le but de ce morceau, nous devons témoigner pour que cela ne se reproduise plus jamais », a-t-il déclaré.
En plus de « Kaddish », de nombreuses autres œuvres de Mühlrad – musique chorale, orchestrale et de chambre – sont très influencées par son éducation juive et sa pratique religieuse, qu’il a abandonnée.

« La musique juive liturgique est l’une de mes sources d’inspiration les plus importantes », a-t-il déclaré. Il a écrit un morceau intitulé « Amidah », basé sur une prière centrale récitée trois fois par jour, et un autre morceau sorti sur le nouvel album s’appelle « Niggun », une mélodie sans paroles.
Dans un communiqué de presse pour la promotion du nouvel album, Mühlrad affirme que : « le cœur de ma musique consiste essentiellement à essayer de communiquer une forme de spiritualité que j’avais lorsque j’étais croyant. Aujourd’hui, je suis un non-croyant, mais je suis à la recherche de cet état d’être, de ce sentiment de la présence de Dieu, que j’expérimente maintenant à travers la musique ».
L’un des outils à sa disposition est la langue du peuple juif, l’hébreu.
« Parfois je me sens comme un artiste visuel qui peint, avec la couleur de la belle langue de l’hébreu »
« J’ai une relation assez spéciale avec la langue hébraïque, parce que je la trouve si belle, mais comme je ne peux pas comprendre chaque mot, j’aime vraiment l’utiliser comme une palette de couleurs pour le chœur », a-t-il déclaré. « Parce que la langue elle-même a tellement de beaux sons, alors parfois je me sens comme un artiste visuel qui peint, avec la couleur de la belle langue de l’hébreu ».
En plus de son répertoire classique en pleine expansion, en Suède, Mühlrad est également connu sur la scène musicale populaire et a collaboré avec le géant suédois de la musique house, la Swedish House Mafia, et la rappeuse Silvana Imam.
Actuellement, dit-il, il travaille sur une commande de l’Orchestre philharmonique de Stockholm pour une grande pièce orchestrale, qui doit sortir dans un an.
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