Un groupe de veille demande à la Haute Cour de faire appliquer le « projet haredi »
Cette requête intervient après que le cabinet a demandé à Yoav Gallant d'ordonner à Tsahal de ne pas faire enrôler de haredim avant mars 2024
Un groupe de veille a déposé mercredi un recours à la Haute Cour de justice contre une récente décision du cabinet permettant à l’armée de continuer à exempter les Israéliens ultra-orthodoxes du service militaire pourtant obligatoire.
Le recours de l’ONG Mouvement pour un gouvernement de qualité a été déposé une semaine et demie après que le gouvernement a chargé le ministre de la Défense, Yoav Gallant, d’ordonner à l’armée israélienne de ne pas faire appliquer la conscription au sein de la communauté haredi avant le 31 mars 2024, date à laquelle le gouvernement prévoit la finalisation d’une nouvelle loi sur l’enrôlement.
L’organisation a fait valoir que la décision du gouvernement crée une exemption radicale pour les jeunes ultra-orthodoxes qui viole les lois et les statuts existants visant à maintenir l’égalité face au « fardeau », expression commune en Israël pour désigner le service militaire. Elle a également violé une décision antérieure de la Haute Cour déclarant que le ministre de la Défense n’a pas le pouvoir d’intervenir dans la conscription des hommes haredim et que la question ne peut être réglementée que par la législation de la Knesset, selon l’ONG.
« Maintes et maintes fois, les gouvernements israéliens ont demandé des reports à la Haute Cour pour pouvoir promulguer une loi sur la conscription », a déclaré le président de l’ONG Mouvement pour un gouvernement de qualité, Eliad Shraga, dans un communiqué. « Puis, ce gouvernement extrémiste et anarchiste est arrivé et a décidé de bafouer la loi et d’agir sans autorité. Le gouvernement israélien ne continuera pas à faire de la discrimination entre les Israéliens en permettant aux étudiants de la yeshiva d’échapper à la loi. »
En 2017, la Haute Cour de justice avait invalidé la loi actuelle sur la conscription, qui accorde des exemptions générales aux jeunes religieux qui étudient à temps plein. Elle a accordé au gouvernement une série de délais prolongés pour disposer d’une nouvelle loi sur l’enrôlement et a permis au ministère de la Défense de s’appuyer sur l’actuelle loi annulée jusqu’à ce qu’un remplacement soit adopté.
La quinzième et actuelle prorogation accordée par la Cour pour trouver une solution doit expirer à la fin du mois de juillet. Or, la loi sous-jacente et invalidée du gouvernement contient une disposition forçant son expiration un mois plus tôt, autrement dit le 30 juin.
La loi sous-jacente ayant été annulée, la coalition ne pouvait pas se contenter de la reconduire. Le gouvernement a donc adopté sa décision de dimanche en tant que mesure provisoire, afin de fournir à l’armée une couverture juridique lui permettant de s’abstenir d’enrôler des jeunes ultra-orthodoxes jusqu’à ce qu’une solution permanente soit trouvée.
Sous la pression des partis haredim, la coalition prévoit de présenter un nouveau projet de loi lors de la prochaine session d’hiver. Ce projet de loi devrait abaisser l’âge d’exemption pour les étudiants de yeshivot de 26 à 23 ans, afin de permettre aux jeunes ultra-orthodoxes d’entrer plus tôt dans la vie active. Il devrait être adopté en même temps que des projets de loi visant à améliorer les conditions de vie des soldats et des réservistes, dans l’espoir d’apaiser la frustration des militaires face à la persistance des inégalités.
S’appuyant sur un vestige des accords conclus aux premiers jours de l’État d’Israël, la communauté ultra-orthodoxe a longtemps contourné le service militaire obligatoire en s’inscrivant à des études religieuses à temps plein jusqu’à ce que le seuil d’âge de l’enrôlement soit dépassé. La question a été soulevée il y a une dizaine d’années, dans le cadre d’un débat plus large sur le partage du fardeau économique et des services du pays, qui pèse en très grande partie sur la classe moyenne.
Outre la loi invalidée par la Haute Cour en 2017, une version précédente de la loi sur l’exemption d’enrôlement avait aussi été invalidée en 2012.
Près de la moitié des hommes ultra-orthodoxes ne travaillent pas à plein temps, en partie à cause des longues études religieuses requises pour échapper au recrutement militaire, et de la difficulté de passer d’un système d’études subventionnées à des études supérieures ou à une carrière.