Un maire polonais demande l’exhumation d’un charnier juif
Le réexamen du massacre Jedwabne intervient alors que la ministre de l’Education s’est demandé si des locaux avaient participé au pogrom de 1941

Le maire d’une ville polonaise dont les habitants avaient tué et enterré des centaines de juifs a ajouté sa voix au chœur croissant de responsables demandant l’exhumation des corps d’un charnier, pour voir si des soldats allemands étaient les tueurs.
Michael Chajewski, le maire de Jedwabne, au nord-est de la Pologne, a déclaré la semaine dernière à Gazeta Wyborcza qu’il soutenait l’exhumation.
Ce soutien intervient après un tollé déclenché par une déclaration évasive de la ministre polonaise de l’Education à la télévision, qui a dit que même si des historiens et des dirigeants de l’Etat ont accusé les habitants du pogrom du 10 juillet 1941, elle ne savait pas qui avait tué les juifs de Jedwabne il y a 75 ans.
« Oui, je vais le faire », a déclaré Chajewski quand il lui a été demandé s’il signerait une pétition demandant l’exhumation. « Il faut déterminer combien de personnes ont été tuées et par qui pour finalement dissiper les doutes. »
L’Institut du souvenir national, organisme dépendant de l’Etat polonais, avait déterminé que plusieurs dizaines d’habitants de Jedwabne y avaient tué au moins 340 juifs, dont certains avaient été brûlés dans une étable. L’incident, l’un des au moins 20 pogroms contre les juifs perpétrés par des Polonais pendant ou juste après l’Holocauste, était largement inconnu en Pologne avant la publication en 2001 d’un livre de l’historien Jan Gross.

Mais l’institut « a déclaré que sur la scène du crime, des dizaines de balles avaient été trouvées. Ce n’est pas si clair », a déclaré Chajewski.
Des historiens révisionnistes ont affirmé que les balles signifiaient que des troupes allemandes étaient principalement responsables des meurtres, parce que les Polonais n’avaient plus le droit de porter des armes en juillet 1941, quand l’armée allemande était déjà présente dans la région, mais ne la contrôlait pas totalement. Mais des dizaines de témoignages de témoins et de survivants montrent que les meurtres ont été commis par des locaux volontaires.
Les données historiques sur Jedwabne sont extrêmement controversées parce que beaucoup de Polonais voient leur pays, où les nazis ont assassiné trois millions de Polonais non juifs en plus des trois millions de juifs, comme une victime du génocide nazi. La découverte de Jedwabne a forcé beaucoup d’entre eux à réviser cette perception pour aussi inclure des actes commis par des Polonais.
Des fouilles médico-légales ont déjà été menées à Jedwabne en 2001, avant d’être arrêtées par peur de violer les lois religieuses juives sur la perturbation inutile des tombes. Mais les appels à l’exhumation des corps se sont intensifiés depuis l’élection l’année dernière d’un président de droite en Pologne, Andrzej Duda.
Duda a reconnu le rôle des Polonais dans le meurtre de juifs ce mois-ci. Mais l’année dernière, il avait attaqué son prédécesseur, qui s’était excusé en 2011 pour le pogrom de Jedwabne et avait nié que de tels évènements aient pu se produire.
« Nous n’avons pas, comme d’autres nous en accusent à tort, participer à l’Holocauste », avait déclaré Duda pendant un débat télévisé en 2015. « Dieu sait que les Polonais n’ont pas pris part à l’Holocauste. »
La pétition de Jedwabne, qui a été diffusée par Ewa Kurek, historienne d’extrême-droite de Lublin, a été évoquée dans les médias polonais en même temps que les tendances révisionnistes su Jedwabne, notamment à l’Institut du souvenir national.
Piotr Gontarczyk, directeur-adjoint de l’institut, a déclaré la semaine dernière qu’ « il est difficile de mener un débat sur le sujet sans exhumation complète. »
Marek Chrzanowski, historien de l’institut en lice pour sa présidence, a déclaré lundi qu’il « pense aussi qu’il faut reconfigurer l’exhumation et obtenir la vérité, parce que cette affaire nuit à l’image des Polonais. »
Interrogée par JTA, une porte-parole de l’institut a déclaré que son organisation ne soutenait pas l’exhumation en principe, même si certains de ses historiens pouvaient avoir une opinion différente.