Une actrice juive joue le premier médecin sourd dans la série « Grey’s Anatomy »
Issue d'une famille de sourds, Shoshannah Stern incarne une experte en diagnostic qui fait son travail en utilisant un mélange d'anglais, de langue des signes et de technologie

Dans sa 16e saison, la série « Grey’s Anatomy » innove en introduisant le premier rôle récurrent de médecin sourd en prime time à la télévision.
Le Dr Lauren Riley, qui parle à la fois l’anglais et la langue des signes américaine, est une diagnosticienne experte qui arrive au Grey Sloan Memorial Hospital de Seattle en provenance de l’Université de Californie San Francisco (UCSF) pour aider à résoudre les cas les plus difficiles de l’équipe. Elle est interprétée par l’actrice juive américaine sourde Shoshannah Stern, qui a toujours rêvé de faire partie de la série.
La comédienne de 39 ans fait son entrée dans la comédie dramatique médicale à la télévision après avoir joué dans des séries telles que « Threat Matrix », « Weeds », « Jericho » et « Supernatural ». Elle a co-écrit et joué dans la série dramatique originale « This Close » de la chaîne Sundance Now, sur deux amis sourds essayant de se frayer un chemin à Los Angeles, qui a été diffusée récemment pendant deux saisons.
La première apparition de l’actrice dans « Grey’s Anatomy » a eu lieu dans un épisode diffusé le 13 février. Dans une interview par courriel avec le Times of Israel, elle a indiqué qu’elle pensait que l’introduction du Dr Riley pourrait avoir des conséquences positives de grande ampleur.

« Quelqu’un m’a appris que si le nombre de femmes dans les sciences, les technologies, l’ingénierie et les mathématiques est déjà faible, le nombre de femmes sourdes est atroce. J’espère que les gens verront le Dr Riley et réaliseront que cela peut être une réalité pour eux aussi. J’espère donc que ‘Grey’s Anatomy’ pourra aussi changer des vies en ce sens particulier », espère-t-elle.
Elle a déjà entendu des médecins sourds et d’autres personnes sourdes dans le domaine médical parler de l’impact encourageant de la voir sur « Grey’s Anatomy ».
« L’une d’entre elles a mentionné avoir abandonné l’école de médecine parce que des choses comme les masques les empêchaient de lire sur les lèvres », indique-t-elle.
Shoshannah Stern elle-même a eu des interactions négatives avec la communauté médicale. Elle a raconté avoir « paniqué » lors d’une césarienne d’urgence parce qu’elle ne comprenait pas ce que le personnel médical disait derrière ses masques chirurgicaux. Par conséquent, elle n’est pas surprise que les personnes sourdes conduisent des centaines de kilomètres pour voir un médecin sourd.
Elle critique la profession médicale qui « pathologise plutôt qu’elle n’humanise » les personnes handicapées.
« Ils séparent le problème médical de la personne et le mettent dans une boîte plutôt que d’examiner la personne dans son ensemble et ses problèmes afin de déterminer ce qui est bon pour cette personne en particulier. Trop souvent, un seul diagnostic standard est donné, et ils sont surpris que cela ne fonctionne pas pour tout le monde… Les médecins voient aussi les personnes handicapées différemment et pensent qu’ils ont moins de chances de comprendre ce qui ne va pas chez elles et sont donc incapables de se défendre », regrette l’actrice.

Shoshannah Stern a travaillé avec l’équipe de production de « Grey’s Anatomy » pour décider comment le Dr Riley communiquerait. Au départ, l’idée était qu’elle lise sur les lèvres et parle à voix haute exclusivement, puisque c’est le moyen de communication des médecins sourds consultés par les producteurs de l’émission. Toutefois, Stern a estimé qu’il serait préférable pour elle de combiner la parole et le langage des signes, puisque c’est ce qu’elle fait dans sa propre vie.
« Je joue généralement des personnages à dominante anglaise, c’est-à-dire qu’ils parlent et lisent sur les lèvres, mais ce n’est pas ma réalité. Le langage des signes est ma langue maternelle. En fait, c’est toujours une expérience très vulnérable pour moi de parler à la télévision parce que je suis toujours très consciente que j’utilise une langue qui n’est pas naturelle pour moi, et donc ça ne semble probablement pas naturel pour le public non plus. Je le fais quand même, parce que je suis sourde et que c’est à cela que ressemble une voix de sourde, et j’espère donc que cette exposition est utile », explique-t-elle.
Il a été décidé que le Dr Riley utiliserait le langage des signes pour communiquer avec ses patients et ses collègues sur des cas, mais l’anglais pour les échanges avec ses collègues sur des sujets non médicaux. Cela permettrait également d’inclure la technologie utilisée par les médecins sourds qui signent pour communiquer avec des patients entendants. Par exemple, le Dr Riley se présente dans une scène avec sa tablette et la pose sur une table au pied du lit du patient. On la voit signer devant elle, tandis que son interprète à l’UCSF réalise une traduction simultanée que le patient entend.
La comédienne a compté sur l’aide de son cousin, un infirmier sourd, pour apprendre les signes médicaux. La langue des signes américaine ne comprend pas beaucoup de signes médicaux et scientifiques, car ils n’ont pas encore été très demandés.
« C’est un immense préjudice pour l’accès des personnes sourdes à la science et à la médecine, mais nous avons des gens qui travaillent sur ce sujet maintenant. La seule chose cool dans tout ça, c’est que j’ai dû faire des recherches pour m’assurer que je comprenais bien tout ce que le Dr Riley disait. Le langage des signes est basé sur le contexte, donc les signes varient selon la signification. On ne peut donc pas utiliser le même signe pour une fenêtre dans le mur si on parle d’une fenêtre péricardique, par exemple. J’ai donc beaucoup appris en faisant cela », révèle Shoshannah Stern.
« Je tiens à remercier toutes les personnes sourdes sur le terrain qui travaillent inlassablement à la création de nouveaux signes médicaux. C’est un langage complètement différent qui est utilisé dans le domaine de la médecine. C’est un exploit incroyable et j’espère que plus il sera utilisé, plus il se répandra et se normalisera, car cela permettra aux patients sourds d’être plus accessibles et mieux compris lorsqu’ils iront chez le médecin », ajoute-t-elle.
Stern est la quatrième génération d’une famille de sourds. Elle sait que le gène de la surdité qui court dans sa famille est également répandu dans la communauté sourde au sens large.
« Il a peut-être aussi des racines dans la communauté juive ashkénaze, mais honnêtement, je ne suis pas très intéressée par les origines », confie-t-elle.
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Shoshannah Stern a une jeune fille nommée Mayim, mais a refusé de dire si elle était sourde elle aussi. Lorsqu’elle était enceinte, elle a eu la possibilité de vérifier l’éventualité que son bébé naisse sourd, mais elle ne l’a pas souhaité.
« Je savais qu’il y avait une possibilité, et cela m’a suffi pour me préparer, parce que je sais que je suis sourde et ça me suffit », explique-t-elle.
L’actrice a déclaré qu’elle était heureuse que l’on soit plus conscient des questions d’inclusion et d’accessibilité aujourd’hui que lorsqu’elle était jeune. Ayant grandi en Californie, près de San Francisco, sa famille a longtemps été la seule famille juive sourde de la ville. Ils pouvaient assister à des offices dans une synagogue locale grâce à un interprète. Mais la comédienne et ses frères et sœurs préféraient jouer au football plutôt que de devenir b’nei mitzvah, car le soutien éducatif nécessaire n’était pas disponible à leur école du dimanche.
Ses deux grands-mères ont survécu à la Shoah. Shoshannah Stern explique que cela a eu une énorme influence sur sa vie, en particulier en ce qui concerne son empathie envers les réfugiés. Elle attribue également à l’exemple de ses aïeules le courage d’avoir créé une série télévisée (« This Close ») qui employait des centaines de personnes.

« Je ne serais pas ici ou n’aurais pas la vie que j’ai aujourd’hui si mes grands-mères n’avaient pas quitté leur pays et renoncé à tout ce qu’elles avaient pour construire un meilleur avenir pour leurs enfants. Elles ont tant sacrifié pour les générations futures, et je pense que c’est une leçon à laquelle nous devrions toujours penser… Vous ne pouvez pas abandonner et vous apitoyer sur votre sort, parce qu’elles ne l’ont pas fait », souligne-t-elle.
« C’étaient toutes les deux des femmes juives sourdes, et elles ont persévéré. Peut-être que vous n’atteindrez pas tout ce que vous voulez dans votre vie, mais ce que vous faites maintenant a le pouvoir d’avoir un impact sur ceux qui viennent après vous », encourage-t-elle.
La surdité des grands-mères de l’actrice ne les a pas définies, tout comme sa surdité ne la définit pas. Elle voulait s’assurer que – malgré son rôle de pionnière – ce n’était pas non plus quelque chose qui définisse le Dr Riley.
« Cela ne fait qu’ajouter une couche unique à sa personnalité », commente Shoshannah Stern.
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