Une chance pour Bennett de faire passer la probité avant le profit
Le Premier ministre enverrait un signal fort s'il renonçait à profiter personnellement de sa participation dans Payoneer, qui a aidé par le passé des entreprises douteuses
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Lors de l’inauguration de l’ambassade d’Israël à Abu Dhabi mardi, Yair Lapid, qui a formé la coalition qui a évincé Benjamin Netanyahou après plus de 12 ans au pouvoir, a fait quelque chose d’encore jamais vu auparavant : il a fait l’éloge de son rival politique.
Netanyahu, a déclaré le ministre des Affaires étrangères Lapid, était « l’architecte des accords d’Abraham », la série d’accords de normalisation conclus l’année dernière sous l’égide de l’administration Trump, et « a travaillé sans relâche pour les faire aboutir ».
Les Émirats arabes unis ont été le premier de quatre pays de la région à établir des liens avec Israël, l’inauguration de l’ambassade étant la preuve de l’engagement envers cette relation naissante, et Netanyahu, a déclaré Lapid, mérite d’être remercié pour son rôle central dans le processus.
La référence gracieuse et appropriée de Lapid au leader de l’opposition contraste fortement avec la réponse publique de Netanyahu au transfert de pouvoir.
Le leader du Likud insiste pour désigner la coalition de partis – trois de droite, deux centristes, deux de gauche et un arabe – comme un « dangereux gouvernement de gauche ». Il affirme que le nouveau gouvernement représente une menace existentielle pour Israël. Il encourage ses partisans à fustiger les membres de la coalition, les accusant faussement d’avoir obtenu leur poste par la fraude. Il a également ordonné à l’opposition de voter contre la législation gouvernementale, même lorsque les intérêts nationaux israéliens sont en jeu – comme c’est le cas avec l’extension actuellement bloquée d’une loi du Likud qui refuse la citoyenneté automatique aux Palestiniens qui épousent des Israéliens, parce qu’une minorité significative a, au fil des ans, abusé de la citoyenneté israélienne pour commettre des actes terroristes.
Les accusations de fraude, les abus personnels et l’impasse sur la législation relative au « regroupement familial » soulignent tous que les amers prédécesseurs du nouveau gouvernement ne lui ont accordé aucune période de lune de miel. Mais aucun dirigeant d’Israël ne peut ou ne doit s’attendre à une quelconque période de grâce.
En dehors des batailles de politique intérieure, il n’y a pas de répit dans cette région complexe simplement parce qu’Israël a un nouveau gouvernement. L’Iran se rapproche de la bombe nucléaire. Le Hamas cherche la faiblesse de son rival. Les alliés d’Israël, comme les Émirats arabes unis, et d’autres partenaires potentiels, ont besoin d’être soutenus. La tâche que le Premier ministre Naftali Bennett et Lapid se sont fixée est de relever les défis de fond que représente la direction d’Israël dans la région, tout en s’écartant de la politique intérieure de Netanyahu, qui divise violemment.
Le bref crédit accordé par Lapid à un ancien Premier ministre qui le tourne sans cesse en dérision souligne les efforts déployés pour élever le ton du discours politique. Bennett a l’occasion de signaler personnellement un changement de ton, et de substance, lorsqu’il s’agit d’un autre fléau dont il a hérité – le côté sordide de l’industrie fintech israélienne extrêmement lucrative, qui prospère dans un contexte d’application de la loi défaillante.
Lorsqu’il a été rapporté pour la première fois au début de l’année que Bennett, multimillionnaire grâce à sa précédente carrière dans la technologie, était sur le point de gagner quelques millions supplémentaires grâce à un autre investissement, le leader de Yamina a refusé de préciser quelle était la société dans laquelle il avait investi, maintenant sur le point de s’enrichir. Après que Forbes a établi que l’entreprise en question était un processeur de paiements nommé Payoneer, le ToI a révélé ces derniers jours que l’entreprise avait, par le passé, aidé des sociétés opérant dans des secteurs douteux d’Internet à gagner de l’argent.
Des documents du département du Trésor américain montrent qu’à côté de ses clients habituels, Payoneer fournissait des services financiers transfrontaliers à diverses sociétés offshore douteuses prétendument impliquées dans la pornographie, des sites de rencontres frauduleux, une société de change faisant l’objet d’une enquête par les autorités françaises et des sociétés impliquées dans le secteur frauduleux des options binaires.
Un porte-parole de Payoneer a reconnu auprès du ToI que la compagnie avait traité des paiements pour de telles sociétés et a insisté sur le fait qu’elle ne le faisait plus. « En 2016, Payoneer a pris la décision commerciale de cesser de traiter les paiements pour les entreprises à haut risque », a déclaré le porte-parole. « Nous ne traitons plus de paiements pour aucune de ces entreprises et ne l’avons pas fait depuis des années. Le programme de conformité de Payoneer répond aux normes les plus élevées de l’industrie… Aujourd’hui, Payoneer a la confiance de nombreuses marques numériques de premier plan dans le monde, notamment Amazon, Airbnb, Google et Upwork… »
Selon Forbes, Bennett devrait gagner quelque 5 millions de dollars grâce à la fusion de Payoneer avec un SPAC, qui l’a vu faire son entrée sur le marché du Nasdaq lundi. Rien n’indique que Bennett était personnellement impliqué dans les opérations précédentes de Payoneer, ni même qu’il en avait connaissance. Mais il est évident qu’il va profiter financièrement des activités de la société.
Bennett et ses collègues ministres pourraient également reconnaitre l’impératif de superviser plus efficacement le secteur fintech israélien, de réprimer les abus et d’allouer des ressources adéquates à cette tâche.
Bennett enverrait un signal important s’il annonçait qu’il ne profitera pas personnellement de son investissement dans Payoneer, et qu’il trouvera plutôt une utilisation publique bénéfique pour sa dernière manne financière. Mieux encore, lui et ses collègues ministres pourraient également reconnaitre l’impératif de superviser plus efficacement le secteur fintech israélien, de réprimer les abus et d’allouer des ressources adéquates à cette tâche.
S’attaquer au côté obscur de l’extraordinaire économie des startups israéliennes est un domaine supplémentaire de la gouvernance intérieure où Israël doit montrer que les choses changent pour le mieux. Les belles paroles sont importantes. Mais une action déterminée est ce qui compte vraiment.