Une communauté « en chaises roulantes » sous le feu des roquettes
Aleh, association d’aide aux handicapés est située à Ofakim ; quand la sirène sonne, c’est 135 enfants qu’il faut mettre à l’abri
A Ofakim, une ville du Neguev située entre Beersheva et la bande de Gaza, les habitants ont seulement 30 secondes quand ils entendent la sirène pour courir et trouver un abri. Pour les habitants de cette ville pauvre, cela représente bien peu de temps.
Mais que dire de ceux qui ne peuvent pas courir ?
A Aleh Neguev, un espace de réadaptation pour des personnes ayant un handicap lourd, c’est une vraie question. La plupart des résidents de Aleh Neguev – le centre ressemble à un ovni au milieu du désert brun de Ofakim – sont en fauteuil roulant et ne peuvent marcher par eux-mêmes. Beaucoup ne peuvent pas parler, utiliser leurs membres ou pratiquer des fonctions motrices sans assistance.
Aleh Neguev est le plus grand des quatre campus de l’association Aleh en Israël, destinée aux handicapés. Il y a 133 pensionnaires ici, allant de jeunes adultes à des personnes de 50 ans, avec des soins 24h sur 24 fournis par 150 membres formés. Au cours de la semaine dernière, alors que les tirs de roquettes à partir de Gaza ont atteint Israël du nord au sud, des villes frontalières comme Ofakim ont subi le poids du feu, des sirènes et du stress. Quand l’alerte rouge sonne dans un endroit comme Aleh, la menace prend une tournure très spéciale…
« Les pensionnaires ici réagissent vraiment par rapport au personnel », affirme Masada Sekely, le directeur du village. « Si le personnel est calme et sait comment gérer la situation, alors les pensionnaires aussi. Tout est fonction du feedback. Toutes leurs émotions viennent du personnel qui travaille avec eux. Nous sommes en fait plus concentrés sur le maintien d’un personnel qui garde la tête froide, plutôt que par rapport aux pensionnaires ».
Le nom complet d’Aleh Neguev est Aleh Neguev-Nachalat Eran, présidé par le général Doron Almog, l’une des figures les plus célèbres de l’histoire des forces de défense israéliennes. En 1976, Almog a aidé à mener le célèbre sauvetage d’otages israéliens à Entebbe et pendant des années après, a pris la tête du Commandement Sud de l’armée israélienne, et a déjoué de nombreuses tentatives d’attaques terroristes en Israël.
Almog porte un héritage familial difficile. Il a perdu son frère Eran, un commandant de tank, lors de la guerre du Kippour, ainsi que son fils, également nommé Eran, atteint de la maladie de Castleman.
On estime qu’Eran (le tankiste) a été abandonné par ses compagnons d’armes à l’approche des forces ennemies, et qu’il aurait agonisé seul dans son char au cours d’une mort lente et douloureuse. Des années plus tard, quand le premier fils d’Almog est né avec un autisme sévère et des troubles du développement, le général a décidé non seulement de nommer l’enfant au nom de son frère disparu, mais aussi d’appliquer un « mantra » qu’il avait adopté à l’armée dans sa façon de soigner cet enfant.
« La même valeur qui nous conduit dans l’armée à ne jamais laisser un soldat blessé derrière, nous en avons aussi besoin pour nous-mêmes », explique Almog. « Nous connaissons la formule Kol Yisrael Arevim Zé LaZé [formule célèbre qui signifie : « Tous les Juifs sont responsables les uns des autres »], mais dans la vie, les plus grands slogans, on les teste sur le terrain. »
Le centre a été construit en 2003 pour un prix estimé d’environ 42 millions de dollars, la grande majorité venant de donateurs juifs à l’étranger.
L’installation massive dispose d’un centre d’hydrothérapie, un mini-zoo avec des lapins, des chinchillas et des tortues, un centre équestre, et aussi une salle multi-sensorielle inondée de lumières colorées. L’endroit est une maison de rêve pour les personnes gravement handicapées, et à bien des égards, elle a été construite à partir de rien afin qu’Eran, le fils d’Almog, puisse vivre dans la paix et le bonheur au milieu de ses pairs.
Dans les deux dernières semaines, il y a eu des centaines de roquettes dans le périmètre d’Aleh Neguev et de ses environs. En conséquence, les employés dorment maintenant à tour de rôle et se sont enrichis d’une poignée de bénévoles qui, en plus de nourrir les habitants et de prendre soin de leur santé et de leur hygiène, sont disponibles pour les amener aux abris et les maintenir calmes.
« Certains des pensionnaires comprennent ce qui se passe et savent comment se rendre à l’abri, mais beaucoup d’entre eux ne le peuvent pas. Et puis, il y a aussi beaucoup de fauteuils roulants à déplacer », explique Talya Herring, 20 ans, une native de San Diego qui a fait son alyah l’année dernière et a été bénévole à Aleh Neguev depuis le début. « Les abris deviennent très serrés, mais nous faisons en sorte que tout puisse marcher. Quand on entend l’alarme, on sait quoi faire. Nous sommes vraiment bien organisés, et nous nous assurons que les résidents soient en sécurité ».
Ron Rabinovich, un israélien de 54 ans qui vit à Long Island, a une longue histoire de bénévolat avec Aleh. Lorsque le conflit actuel a éclaté, il s’est dit qu’il ne pouvait pas rester à l’écart. Il s’est envolé pour Israël et a rejoint Talya Herring, le personnel d’Aleh et tous les autres bénévoles.
Cela signifie que les résidents qui ont la capacité physique et émotionnelle à dormir sur des matelas à l’intérieur des abris de sécurité qui existent dans le centre, sont déjà là lorsque les sirènes se déclenchent. D’autres, qui réagissent négativement au fait de rester dans un espace rempli, qui ne peuvent pas coopérer ou qui font trop de bruit pendant la nuit, dorment dans leur propre lit.
C’est à des bénévoles de s’assurer qu’ils puissent se lever quand une sirène retentit et de les amener à rejoindre leurs pairs dans les chambres sécuritaires.
Pendant la journée, les bénévoles essaient, dès qu’ils le peuvent, de prendre les pensionnaires en petits groupes pour de courtes périodes à la fois, afin qu’ils puissent profiter de l’air frais et de reprendre un semblant de normalité.
L’objectif de Rabinovich, déclare-t-il, est de renforcer le personnel d’Aleh, qu’il qualifie d’« extraordinaire ».
« Les pensionnaires, eux, n’ont pas le choix » estime-t-il. « Ils n’ont pas choisi cet endroit. Quelqu’un d’autre l’a choisi pour eux et la plupart du temps ils ne comprennent pas où ils sont. Mais le personnel, lui, avait le choix. Il aurait pu aller dans d’autres lieux de travail, dans des endroits qui sont beaucoup moins stressants et exigeants. Mais ils n’ont pas fait le choix de la facilité, alors cela en dit long… »
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