Une économie déprimée par la guerre… mais pas seulement
Le tourisme est logiquement frappé par la guerre ; des experts estiment aussi que le shekel est surévalué
ll y avait encore foule au marché de Mahané Yehuda à Jérusalem vendredi. Les gens étaient à la recherche de la Hallah parfaite, fraîchement cuite au four ou du meilleur shawarma, vendu par l’un des nombreux vendeurs du « shouk ». Mais même ainsi, on sentait que l’endroit était différent. Il n’avait pas sa vigueur habituelle, un signe que la guerre dans la bande de Gaza avait déprimé à la fois les gens et l’économie.
Antérieur à la guerre mais tout aussi gênant, le shekel apparaît aujourd’hui surévalué. Ce qui augmente le prix des produits israéliens. Certains experts estiment qu’un shekel fort menace de faire des ravages sur les industries exportatrices et de nuire à l’économie en général, en dehors des effets de la guerre.
Le système de défense « Dôme de fer » a jusqu’ici protégé Israël de la plupart des tirs de roquettes du Hamas, mais le front économique du pays n’est peut-être pas aussi bien protégé. Alors que le conflit à Gaza s’est enlisé, Israël a dû subir des baisses inquiétantes des projections de croissance économique, des dépenses de consommation et de tourisme.
Des experts tempèrent le pessimisme en soulignant que dans le passé, l’économie israélienne a bien résisté. Si le conflit actuel est résolu rapidement, il y a en fait peu de raisons de s’inquiéter. Mais si le conflit dure, cela peut amener les investisseurs à se soucier de la stabilité du pays et pourrait causer des dommages à long terme en termes de réputation et de position d’Israël dans l’économie mondiale.
« Nos principales préoccupations sont l’ouverture de l’économie israélienne et notre capacité à être un acteur clé dans les marchés mondiaux », résume Tsvi Eckstein, ancien vice-gouverneur de la Banque d’Israël et doyen de l’École d’économie au Centre interdisciplinaire d’Herzliya (IDC), au cours d’une interview avec le Times of Israel.
« Il y a encore une incertitude clé liée à la fin du conflit » estime Eckstein. « La plupart des gens prédisent que nous allons revenir à la même situation géopolitique relativement stable comme celle de début juillet, et si c’est le cas, je voudrais dire que l’économie rebondirait plus tard l’année prochaine. Mais sinon, la menace pour l’économie israélienne serait assez dévastatrice ».
Une mesure clé de la façon dont les investisseurs perçoivent la stabilité de l’économie israélienne est la valeur du shekel. Une monnaie forte indique généralement que les investisseurs voient un investissement en Israël comme stable et fiable, alors qu’une monnaie faible indique le contraire. Cependant, alors que l’inquiétude internationale concernant le conflit s’est accrue, la valeur du shekel par rapport au dollar et à l’euro à la fois reste assez élevée, à 3,43 et 4,60, respectivement.
Selon Rafael Gozlan, économiste en chef à Israel Brokerage & Investment, c’est parce que « le marché en général le voit [le conflit] comme un événement à court terme ». Yossi Fraiman, directeur de Prico Investment House, abonde dans son sens : « Il n’y a pas d’effet majeur sur l’économie, il n’y a donc pas de véritable raison pour laquelle la monnaie devrait encore s’apprécier. Si vous regardez la deuxième guerre du Liban (en 2006) et tous les affrontements passés avec les Palestiniens, vous voyez que le taux de change n’a pas vraiment été touché par le conflit ».
Naomi Hausman du département d’Economie de l’Université hébraïque de Jérusalem a déclaré au Times of Israel que le taux de change pourrait subir un coup temporaire du à la réduction des dépenses dans le secteur du tourisme et à la baisse de production de biens d’exportation. « Dans les conflits précédents, Israël a subi une perte de productivité, et j’imagine que ce conflit ne fera pas exception », a déclaré Hausman, « mais ce n’est pas un changement fondamental et de long terme ».
Cependant, une monnaie forte présente plusieurs problèmes pour l’économie israélienne. Un shekel fort entraîne un renchérissement des produits israéliens pour les consommateurs, à la fois localement et sur le marché international, ce qui nuit aux exportations israéliennes. Selon Fraiman, c’est « un problème majeur pour les exportateurs locaux et les industries traditionnelles ; cela devient très difficile pour l’industrie de la haute technologie en particulier lorsque le taux est si fort ».
Malgré une série de mesures prises récemment par la banque centrale d’Israël visant à contrôler la valeur du shekel, de nombreux économistes demeurent préoccupés.
« La Banque d’Israël », estime Eckstein, « fait face à un vrai problème compte tenu de l’augmentation des investissements étrangers et de la valeur des obligations qui renforcent le shekel. En conséquence, le shekel peut même devenir plus fort, et donc il faudra une intervention d’urgence ».