Une enquête sur le 7 octobre pour se préparer à une guerre contre le Hezbollah ?
Le cabinet ne parvient toujours pas à s'accorder sur l'enquête qui, selon l'armée, est nécessaire pour fournir des infos cruciales en vue d'un probable conflit contre le Hezbollah
Le lancement par l’armée israélienne d’une enquête interne sur les échecs qui ont conduit au 7 octobre a donné lieu à un nouveau débat animé au sein du cabinet cette semaine, alors que les ministres et les hauts commandants militaires se réunissaient pour discuter de la guerre contre le groupe terroriste palestinien du Hamas.
La semaine dernière, des scènes similaires se sont déroulées, certains députés du Likud et d’autres ministres de droite ayant exigé de savoir pourquoi Tsahal s’apprête à lancer une enquête alors que les combats font toujours rage à Gaza.
« Pourquoi devons-nous enquêter maintenant ? », avait demandé le ministre de la Coopération régionale, David Amsalem, lors de la première réunion, qui s’est tenue le 4 janvier. « Pour que les militaires soient sur la défensive au lieu de s’atteler à gagner [la guerre] ? »
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La ministre des Transports Miri Regev et d’autres ministres avaient également attaqué le chef d’état-major de Tsahal, Herzi Halevi, sur le timing et la portée de l’enquête, selon les médias. Ils avaient également remis en question l’inclusion de l’ancien ministre de la Défense Shaul Mofaz, en raison de son implication dans le retrait de Gaza en 2005.
Mais l’armée et les experts affirment qu’il est impératif de mener une enquête maintenant, car celle-ci ne concerne pas seulement la guerre en cours à Gaza.
Il s’agit de se préparer à la lutte contre le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah, qui semble se profiler un peu plus chaque jour.
Une guerre inévitable ?
« Nous avons pour objectif de toujours nous améliorer, de tirer des conclusions des combats, d’approfondir les résultats obtenus et de minimiser les pertes dans nos rangs », avait expliqué le porte-parole de l’armée, le contre-amiral Daniel Hagari, lors d’une conférence de presse tenue en début de mois.
« L’enquête des opérations est l’un des principes fondamentaux de Tsahal. Seule une enquête approfondie de la vérité nous permettra de tirer des leçons des échecs et de nous préparer aux futurs défis en matière de sécurité – 2024 sera une année de combats, et il y a des leçons à tirer qui nous aideront à mieux combattre, dans toutes les arènes », avait-il souligné.
L’arène potentielle la plus dangereuse est le Liban.
Depuis le 8 octobre, le Hezbollah et les factions terroristes palestiniennes alliées au Liban se sont engagés dans des affrontements frontaliers quotidiens avec les troupes israéliennes, ciblant les communautés civiles avec des attaques de drones, de roquettes et de missiles, et forçant des dizaines de milliers de personnes à évacuer la région.
L’armée a dénombré la mort d’au moins 15 Israéliens, – six civils et neuf soldats lors des combats le long de la frontière nord.
Le Hezbollah a été beaucoup plus durement touché, puisque 159 de ses terroristes ont été tués par Israël depuis le 8 octobre, principalement au Liban, mais aussi en Syrie. Au Liban, 19 autres membres de groupes terroristes distincts, un soldat libanais et au moins 19 civils, dont trois journalistes, ont été tués.
Israël a augmenté la pression ces derniers jours. Le numéro 2 du Hamas à l’étranger, Saleh al-Arouri, recherché depuis des années par Israël et considéré comme le principal orchestrateur du terrorisme en Cisjordanie, a été tué la semaine dernière lors d’une frappe attribuée à Israël à Dahiyeh, bastion du Hezbollah à Beyrouth. Sa mort a été la première frappe sur la capitale libanaise depuis le début des hostilités.
Lundi, Wissam al-Tawil, commandant de la force d’élite Radwan du Hezbollah, a été tué lors d’une autre frappe également imputée à Israël sur son véhicule tout terrain. Mardi, peu avant ses funérailles, une frappe aérienne israélienne a tué Ali Hussein Burji, commandant des forces aériennes du groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah dans le sud du Liban.
Alors qu’Israël augmente la pression, l’administration Biden a envoyé de hauts responsables dans la région pour tenter de trouver une formule diplomatique qui éloigne le Hezbollah de la frontière et qui permette à l’armée libanaise d’intervenir en plus grand nombre dans la région. L’envoyé spécial américain Amos Hochstein a déclaré jeudi qu’il avait bon espoir qu’une solution diplomatique soit trouvée.
Certains Israéliens pensent qu’il reste une chance de réussir, aussi mince soit-elle.
« Les chances de succès ne sont pas nulles car le Hezbollah vit parmi les Libanais, qui ont une peur bleue d’une [éventuelle] guerre », estime Eran Lerman, vice-président de l’Institut de Jérusalem pour la stratégie et la sécurité et ancien directeur adjoint du Conseil de sécurité nationale d’Israël.
Mais l’opinion prédominante en Israël semble être encore moins optimiste. Bien que les dirigeants puissent être heureux de voir le groupe terroriste chiite libanais du Hezbollah s’éloigner des villes et des bases israéliennes sans déclencher de guerre, il n’y a pas beaucoup d’optimisme quant à la possibilité que cela se produise.
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Compte tenu de l’un des principaux enseignements du 7 octobre, à savoir que les menaces terroristes situées de l’autre côté de la frontière doivent être combattues agressivement avant toute attaque, de nombreux dirigeants israéliens sont convaincus qu’une guerre contre le Hezbollah est une question de « quand » et non de « si ».
« Je pense que [le ministre de la Défense Yoav] Gallant, [le chef d’état-major de Tsahal] Herzi Halevi et d’autres estiment que c’est plus inévitable pour des raisons stratégiques », a déclaré Chuck Freilich, ancien conseiller adjoint à la sécurité nationale. « Et Netanyahu peut avoir à la fois des raisons stratégiques de fond et un intérêt politique personnel à repousser le jour du bilan », a-t-il ajouté en faisant référence aux appels lancés au Premier ministre pour qu’il assume la responsabilité des échecs lorsque les combats prendront fin.
« Quatre-vingt mille personnes doivent pouvoir rentrer chez elles en toute sécurité », avait indiqué Gallant au Wall Street Journal la semaine dernière, faisant référence aux Israéliens de la frontière nord qui ont été évacués au milieu des attaques du Hezbollah.
« Le Hamas, le Hezbollah et l’Iran doivent-ils être autorisés à décider de la manière dont nous vivons ici en Israël ? », a demandé Gallant. « Nous ne l’acceptons pas. »
« La conduite de l’Iran dans cette guerre et celle de ses mandataires, le Hezbollah libanais et les Houthis au Yémen, montrent clairement qu’une autre guerre israélo-iranienne, avec le Liban en son centre, est imminente », peut-on lire dans un rapport d’étude qui sera publié dans les prochains jours par le Centre d’études stratégiques Begin-Sadat (BESA).
Copier-coller ?
Si cette guerre est effectivement déclenchée – par Israël ou par le Hezbollah qui décide d’intensifier ses attaques – les dirigeants politiques et militaires sont convaincus que le succès obtenu à Gaza peut être transposé au Liban.
« Ils voient ce qui se passe à Gaza », avait affirmé Gallant en parlant du Hezbollah.
« Ils savent que nous pouvons faire un copier-coller à Beyrouth. »
Si Israël peut assurément anéantir l’infrastructure du Hezbollah depuis les airs, un combat au sol au Liban serait différent de l’incursion à Gaza sur des points essentiels.
Le terrain dans le sud du Liban est beaucoup plus difficile. Gaza est un terrain plat, presque dépourvu d’obstacles naturels à la manœuvre des véhicules blindés et comportant peu de zones de dense végétation.
En revanche, la région où Tsahal combattrait le Hezbollah est marquée par des vallées escarpées qui offrent aux terroristes des positions idéales pour observer et attaquer les colonnes qui se déplaceraient sur les quelques routes praticables. Les forêts et les rochers du Sud-Liban offrent d’innombrables possibilités d’embuscades pour les escadrons anti-chars du groupe terroriste chiite libanais.
De plus, le Hezbollah dispose d’une force beaucoup plus importante et plus puissante. Ses terroristes disposent de meilleures ressources et ont acquis une grande expérience du champ de bataille en soutenant le régime du dictateur syrien Bashar el-Assad en Syrie. Le commando d’élite Radwan du Hezbollah est plusieurs fois plus important et plus performant que les terroristes du bataillon de Khan Younès de l’unité dite « Nukhba » (« élite » en arabe) du groupe terroriste palestinien du Hamas qui se sont infiltrés en Israël le 7 octobre.
Pourtant, le Hamas et le Hezbollah ont de nombreux points communs. Ils sont financés et approvisionnés par le même mécène iranien, et leurs hommes armés ont suivi le même entraînement.
En outre, ils opèrent tous deux selon la même logique tactique et stratégique. Ils ont développé des arsenaux de roquettes et de missiles ciblant le front intérieur d’Israël afin de créer une force de dissuasion mutuelle. Pour garantir cet avantage, ils ont recours à des mines, à des missiles anti-chars et à des positions souterraines afin de ralentir les manœuvres de Tsahal, de lui faire payer un prix douloureux et, en fin de compte, de faire durer la détermination et la légitimité d’Israël à se battre.
Pour que les soldats israéliens puissent arriver aussi bien préparés que possible à la guerre qui se prépare contre le Hezbollah, Tsahal doit comprendre exactement les échecs qui ont précédé le 7 octobre et tirer continuellement les leçons des combats en cours dans la bande de Gaza.
Attendre que la guerre contre le Hamas soit terminée pour tirer ces leçons et les prendre en compte, comme certains ministres le préféreraient, constitue un risque majeur. Une erreur de calcul de l’une ou l’autre des parties dans le nord pourrait déclencher une véritable guerre, et ce dans un avenir très proche.
La guerre pourrait commencer par une tentative du Hezbollah de réaliser ce que le Hamas a fait il y a trois mois, mais à une échelle bien plus grande. Israël doit savoir ce qu’il faut préparer en termes de déploiement, de renseignement, de commandement et de contrôle, et de stratégie afin de se défendre avec succès face à une telle attaque.
Même si Israël initie une guerre, l’enquête sera utile. Les lacunes en matière de technologie, de structure de commandement et de flux d’informations qui étaient manifestes le 7 octobre, et qui ne manqueront pas d’être mises en évidence par l’enquête, seront pertinentes dans toute opération.
La teneur exacte de l’enquête n’ayant pas encore été définie, elle pourrait avoir une portée considérable et avoir des répercussions sur les futures opérations militaires.
L’une des grandes forces de Tsahal est sa capacité à se remettre en question honnêtement et à s’adapter rapidement. C’est précisément ce qui a permis à Israël de se remettre et de surmonter la surprise stratégique qu’il avait connue en 1973, 50 ans avant l’attaque du 7 octobre, lorsque quelque 3 000 terroristes du Hamas ont déferlé sur Israël, tuant 1 200 personnes, pour la plupart des civils dans leurs maisons et lors d’un festival de musique, et prenant plus de 240 autres personnes en otage au milieu de scènes d’une extrême violence.
« Nous devons commencer à tirer les leçons de la guerre », lit-on dans le document du BESA, « ne serait-ce que parce que la guerre à Gaza n’est qu’un prélude à la plus grande guerre qui nous attend dans un avenir proche ».
« Si elle n’est pas inévitable, elle reste probable », a insisté Lerman. « Mais ils doivent se préparer comme si elle était inévitable. »
Il est crucial de procéder à un examen complet, honnête et critique des échecs et des défaillances de Tsahal pour qu’Israël triomphe du mandataire iranien beaucoup plus dangereux au nord, dans une guerre qui pourrait éclater à tout moment.
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