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Une experte dénonce la « violence inouïe » à l’encontre des Ouïghours en Chine

Selon des experts et organisations des droits de l'homme, au moins un million de Ouïghours et autres minorités, surtout musulmanes, sont ou ont été internés dans des camps

Rebiya Kadeer, au centre, l'ancien chef du Congrès mondiale des Ouïghours  pro-indépendance, lance des slogans avec d'autres en tenant des drapeaux ouïgours, ou pro-indépendance du Turkistan oriental, lors d'une manifestation à Bruxelles, le lundi 1 octobre 2018 (AP Photo/Francisco Seco)
Rebiya Kadeer, au centre, l'ancien chef du Congrès mondiale des Ouïghours pro-indépendance, lance des slogans avec d'autres en tenant des drapeaux ouïgours, ou pro-indépendance du Turkistan oriental, lors d'une manifestation à Bruxelles, le lundi 1 octobre 2018 (AP Photo/Francisco Seco)

« Les Ouïghours subissent depuis des années une violence inouïe », affirme la journaliste et anthropologue Sylvie Lasserre qui publie en France « Voyage au pays des Ouïghours ».

Réédition d’un ouvrage de 2010 augmenté et mis à jour, il tient compte des développements intervenus ces dernières années dans la région des Ouïghours (Xinjiang, nord-ouest de la Chine), un peuple majoritairement musulman et de langue turcique.

Selon des experts et organisations des droits de l’homme, au moins un million de Ouïghours et autres minorités, surtout musulmanes, sont ou ont été internés dans des camps – que la Chine qualifie de centres de formation professionnelle – victimes de sévices, voire de stérilisations forcées, selon une récente étude du chercheur Adrian Zenz.

Vous fréquentez les Ouïghours de la diaspora depuis une quinzaine d’années, outre les contacts gardés de votre voyage de 2007 dans la région qui a engendré ce témoignage – rare en français. Vos sources corroborent-elles ces accusations, niées par la Chine ?

Dès 2013, 2014, j’ai entendu des amis ouïghours dire « comme j’ai vécu à l’étranger, je ne retourne plus là-bas, untel a été mis dans un centre à son arrivée… ». Petit à petit, il y a eu de plus en plus de témoignages. J’en ai recueilli des dizaines de première main et avec les images satellites (des camps, des mosquées détruites, NDLR), tout se recoupe. Toutes les familles ouïghoures que l’on connaît ont un membre ou deux dans un camp, voire plus. Si on extrapole, on a la mesure des internements. Visiblement on s’en est pris en priorité aux intellectuels comme Ilham Tohti (ex-professeur de géographie, arrêté en 2014, condamné à perpétuité pour séparatisme, prix Sakharov du Parlement européen) et Tashpolat Tiyip (ancien président de l’Université du Xinjiang, condamné à mort en 2018 avec deux ans de sursis, NDLR).

Et l’horreur des camps, on ne peut plus la nier, même s’ils ne sont pas tous du même niveau. Il y a ceux où il y a du travail forcé et les camps plus horribles où ils sont entassés, sans place pour seulement dormir, sans eau pour se laver, avec de la torture…

Les Ouïghours finalement libérés n’ont pas le droit de quitter le pays et de parler, mais on a eu des témoignages comme celui de Gulbahar Jalilova, une Ouïghoure de nationalité kazakhe qui a passé un an et demi en camp avant d’être relâchée et de s’exiler en Turquie.

L’ancienne présidente du Congrès mondial Ouïghour, Rebiya Kadeer, que vous avez rencontrée dès 2007, évoquait déjà il y a une décennie une « épuration ethnique » et un « génocide culturel ». Pourtant, les réactions internationales semblent tardives et rares. Comment expliquez-vous cela ? La Chine est-elle désormais hors de toute atteinte?

Policiers des forces spéciales déployés devant le centre commercial de Hotan, dans la région chinoise de Xinjiang, en proie à des tensions entre les Hans et les Ouïghours musulmans, dans le cadre de la campagne « anti-terroriste », le 16 avril 2015. (Crédit : Greg Baker/AFP)

L’absence de réactions, c’est très simple : c’est l’argent ! Parmi les 46 pays qui, au conseil des droits de l’homme de l’ONU, ont récemment signé une lettre de soutien à la politique chinoise au Xinjiang figure par exemple le Pakistan qui marche main dans la main avec la Chine qui l’aide économiquement dans le cadre du vaste projet CPEC (China-Pakistan Economic Corridor, construction et modernisation d’infrastructures pakistanaises, NDLR).

La plupart des autres signataires sont des pays très pauvres, pour lesquels la Chine est une manne financière. Ces pays savent que s’ils ne signent pas la lettre de soutien, la Chine coupe les vivres. Même en dehors de ces pays, la puissance chinoise fait peur. Mais les choses sont quand même en train de changer et cela pourrait s’accélérer sous la pression de l’opinion publique mondiale.

Vous évoquez une manifestation d’exilés ouïghours en Turquie aux cris d’Allah Akbar, avec de rares femmes présentes revêtues de voiles islamiques, y a-t-il une radicalisation ?

L’image du Ouïghour terroriste a été fabriquée par la Chine et, malheureusement, le peu de Ouïghours devenus terroristes depuis donnent raison à la Chine. Mais si les Ouïghoures ont commencé à se voiler, ce fut pour des raisons politiques, par réaction à cette répression orwellienne en place depuis 2013, avec des postes de police tous les 200 mètres, des caméras partout etc.

C’est politique, pas traditionnel.

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