Bill Clinton et une foule d’Israéliens se recueillent devant le cercueil de Shimon Peres
7 000 policiers mobilisés pour ces 2 jours de deuil ; la route reliant Jérusalem et Tel-Aviv sera coupée par intermittences
Des milliers d’Israéliens ont commencé jeudi matin à défiler devant le cercueil de Shimon Peres exposé sur le parvis du Parlement à Jérusalem pour rendre un ultime hommage au prix Nobel de la paix décédé la veille.
La cérémonie d’hommage a débuté par un dépôt de gerbes devant le cercueil drapé d’un drapeau bleu et blanc par le président Reuven Rivlin, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le président du Parlement Yuli Edelstein et le chef de l’opposition Isaac Herzog.
A 09H00 (06H00 GMT), les portes du complexe ont été ouvertes aux centaines d’anonymes qui patientaient à l’extérieur.
Une flux ininterrompu de groupes a alors pu s’approcher du cercueil après avoir passé les contrôles de sécurité.
La plupart d’entre eux ont pris des photos avec leur téléphone. Un cordon de sécurité les maintenait à environ cinq mètres du cercueil.
« Il était évident qu’on viendrait car c’est l’un des plus grands leaders d’Israel », a déclaré Dani Levite, chef scout venu avec plusieurs dizaines de membres de son mouvement en uniforme beige.
« En m’arrêtant devant son cercueil, j’ai respiré très fort, comme si je voulais absorber tout ce que cet homme peut m’apporter. Si seulement on pouvait tous avoir un peu de Shimon Peres en nous… »
Pas de solennité extrême, pas beaucoup de larmes, mais le sentiment personnel qu’une page d’histoire était tournée.
Marielle Halimi a patienté plus d’une heure avant de pouvoir entrer avec ses trois enfants, puis d’en repartir en pleurant. « Ce qui est important, c’est que mes enfants comprennent et respectent ce que cet homme a fait, ses valeurs, son amour pour Israël, sa volonté de paix », dit-elle.
Ce défilé va se poursuivre jusqu’à 21h00 (18H00 gmt), avant les funérailles prévues vendredi matin au mont Herzl.
La présence à Jérusalem de dizaines de leaders, dont le président américain Barack Obama, confronte les services de sécurité israéliens à un défi considérable.
« Nous avons affaire à une opération d’une ampleur sans précédent », a déclaré le chef de la police Roni Alsheich.
« Nous sommes dans une période délicate, notamment en raison des menaces terroristes et des incitations à la haine sur les réseaux sociaux », a dit le ministre de la Sécurité intérieure Gilad Erdan.
M. Erdan a ordonné de surveiller les réseaux sociaux pour repérer la menace d’attaque par un individu isolé ou toute provocation qui viserait un dirigeant étranger, a dit la police.
Israël n’a pas connu de tel évènement au moins depuis les funérailles en 1995 d’Yitzhak Rabin, l’ancien rival et Premier ministre assassiné, qui avait été récompensé en même temps que Shimon Peres et le leader palestinien Yasser Arafat du Nobel de la paix en 1994.
Jérusalem était déjà en état de siège jeudi matin alors que commençait l’hommage populaire à celui que tout le monde appelait Shimon et dont l’image était intimement associée à l’ascension d’Israël, de la naissance au statut de puissance régionale.
La police fermera la route principale vers Jérusalem pour les obsèques de Peres
La police a annoncé jeudi que la route principale vers Jérusalem, la route 1, serait fermée à différents moment de la journée de vendredi pour les funérailles de Shimon Peres.
La route sera fermée vendredi entre 7h30 et 9h30, puis à nouveau entre 12h30 et 14h00, pour des raisons de sécurité.
La Dixième chaîne a annoncé que d’importants embouteillages étaient attendus sur les autres routes vers Jérusalem, notamment les routes 6, 38, 431 et 443. La police a conseillé à quiconque n’a pas réellement besoin de se rendre à Jérusalem de ne pas emprunter ces routes. Les embouteillages devraient se poursuivre jusqu’à samedi.
Le cercueil ceint du drapeau bleu et blanc frappé de la croix de David a été solennellement disposé sur le parvis de la Knesset pour que les Israéliens viennent lui rendre leurs derniers adieux.
Dans un pays constamment confronté aux défis sécuritaires, 7 000 policiers ont été mobilisés pour ces deux jours de deuil.
L’autoroute reliant Jérusalem et Tel-Aviv, la capitale économique, sera coupée par intermittences pour acheminer les chefs d’Etat et de gouvernement.
Toutes les routes menant à la Knesset devaient être fermées, des navettes assurant le transport de ceux venant se recueillir. Avec l’arrivée des dirigeants étrangers vendredi, le mont Herzl sur lequel Shimon Peres sera enterré, ainsi qu’une grande partie de Jérusalem devraient être largement coupés du monde.
Obama, Hollande, Clinton…
L’ancien président des États-Unis, Bill Clinton, a atterri en Israël, et à sa demande, il s’est rendu directement à la Knesset, visiblement très ému, pour rendre un dernier hommage au cercueil de son cher ami de longue date.
Ces obsèques coïncident avec le début des congés des grandes fêtes juives qui font redouter aux autorités israéliennes un accès de violences palestiniennes.
M. Peres s’est éteint mercredi matin dans son sommeil à l’âge de 93 ans à l’hôpital, des suites d’un accident vasculaire cérébral qui l’avait frappé le 13 septembre, jour anniversaire des accords d’Oslo. Il n’était jamais sorti de son sommeil.
Il n’était pas seulement le dernier survivant des trois récipiendaires du Nobel de la paix 1994 récompensant leurs « efforts en faveur de la paix au Moyen-Orient », concrétisés un an plus tôt par le premier accord d’Oslo. Ce dernier jetait les bases d’une autonomie palestinienne et offrait un espoir de règlement du conflit.
Il était aussi aux yeux des Israéliens le dernier survivant de la génération des pères fondateurs de l’Etat d’Israël.
Les marques de l’immense respect qu’inspirait M. Peres ont afflué du monde entier, saluant la vision, le courage ou la ténacité dans la recherche de la paix de celui que beaucoup de dirigeants étrangers appelaient leur « ami ».
Les présidents américain, français, allemand ou polonais, l’ancien président américain Bill Clinton (mais pas son épouse en pleine campagne), le prince Charles, le roi d’Espagne Felipe VI et des dizaines de personnalités sont attendus à l’enterrement. Aucune présence de dirigeants d’importants pays du Moyen-Orient n’avait été officialisée.
Aux côtés de Rabin
M. Peres était de ces personnes « qui changent le cours de l’histoire humaine », a dit le président américain Barack Obama. Un « génie au grand coeur » pour M. Clinton, qui présida à la fameuse signature de l’accord de 1993 et à la poignée de main des anciens ennemis, Peres, Rabin et Arafat.
Le pape a exprimé sa « profonde tristesse » et espéré que son « héritage » sera respecté, au moment où les perspectives de règlement du conflit israélo-palestinien ont rarement été plus sombres.
M. Obama a ordonné que les drapeaux soient mis en berne jusqu’à vendredi soir sur la Maison Blanche, ainsi que tous les bâtiments officiels et militaires américains dans le pays et à l’étranger.
Après avoir été toute sa vie au coeur des grandes batailles de la courte histoire d’Israël et des farouches controverses du monde politique israélien, M. Peres était devenu dans son pays aussi une personnalité largement consensuelle, considérée comme un sage de la nation.
Entré en politique à 25 ans grâce à David Ben Gourion, fondateur d’Israël, M. Peres était l’un des architectes du programme nucléaire d’Israël, considéré comme la seule puissance atomique militaire du Moyen-Orient.
Premier ministre à deux reprises (1984-1986 et 1995-1996) puis président de 2007 à 2014, le travailliste Shimon Peres avait occupé pendant plus de 50 ans de vie publique de nombreux postes de responsabilité: Défense, Affaires étrangères, Finances…
Malgré les accords d’Oslo et la conversion à la paix de cet ancien faucon, les Palestiniens ont une image bien plus sombre de l’homme qui a cautionné les premières implantations et qui était Premier ministre quand l’aviation israélienne a bombardé le village libanais de Cana, tuant 106 civils en avril 1996.
M. Peres reposera au mont Herzl aux côtés de M. Rabin.
Les principaux participants étrangers
Voici une liste provisoire des principales personnalités étrangères attendues vendredi à Jérusalem pour les funérailles du Nobel de la paix Shimon Peres décédé mercredi.
Barack Obama — président américain
Bill Clinton — ancien président des Etats-Unis
François Hollande — président français
Joachim Gauck – président allemand
Le prince Charles — héritier de la couronne du Royaume Uni
Felipe VI — roi d’Espagne
Justin Trudeau — Premier ministre canadien
Boris Johnson — ministre britannique des Affaires étrangères
Donald Tusk — président du Conseil européen
Federica Mogherini — chef de la diplomatie européenne
Tony Blair — ancien Premier ministre britannique
Stefan Löfven — Premier ministre suédois
Mark Rutte — Premier ministre des Pays-Bas
Raimonds Vejonis — président letton
Tomislav Nikolic — président serbe
Andrzej Duda — président polonais
Rossen Plevneliev — président bulgare
Kolinda Grabar-Kitarovic — président croate
Sebastian Kurz — Ministre autrichien des Affaires étrangères
Andrew Cuomo — gouverneur de l’Etat de New-York