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Une héroïne suisse inconnue a caché des centaines de femmes enceintes aux nazis

"La Lumière de l'espoir" raconte l'histoire méconnue d'Elisabeth Eidenbenz, qui a sauvé de jeunes réfugiés durant la guerre civile espagnole et la Seconde Guerre mondiale

  • Dans cette photo tirée du nouveau film dramatique historique "The Light of Hope" [La lumière de l'espoir], l'infirmière suisse Elisabeth Eidenbenz s'entretient avec Pat, l'un des enfants de sa maternité qu'elle a dirigée pour les réfugiés de 1939 à 1944 à Elne, France. (Autorisation)
    Dans cette photo tirée du nouveau film dramatique historique "The Light of Hope" [La lumière de l'espoir], l'infirmière suisse Elisabeth Eidenbenz s'entretient avec Pat, l'un des enfants de sa maternité qu'elle a dirigée pour les réfugiés de 1939 à 1944 à Elne, France. (Autorisation)
  • Elisabeth Eidenbenz, fondatrice de la Maternité d'Elne dans le sud-ouest de la France, qui a sauvé des centaines de femmes et d'enfants pendant la Seconde Guerre mondiale. (Facebook)
    Elisabeth Eidenbenz, fondatrice de la Maternité d'Elne dans le sud-ouest de la France, qui a sauvé des centaines de femmes et d'enfants pendant la Seconde Guerre mondiale. (Facebook)
  • Maya Cohen, réfugiée juive, (à droite), et son fils David, apparaissent dans cette image tirée du nouveau film dramatique historique sur la Seconde Guerre mondiale "La Lumière de l'espoir" [The Light of Hope]. (Autorisation)
    Maya Cohen, réfugiée juive, (à droite), et son fils David, apparaissent dans cette image tirée du nouveau film dramatique historique sur la Seconde Guerre mondiale "La Lumière de l'espoir" [The Light of Hope]. (Autorisation)
  • Dans cette photo tirée du nouveau film dramatique historique "La Lumière de l'espoir" [The Light of Hope], des détenus juifs du camp de Rivesaltes, en France, sont déportés dans des wagons de marchandises pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1942, année du début du film, plus de 2 200 Juifs, dont 110 enfants, furent envoyés de Rivesaltes au camp d'internement de Drancy près de Paris, puis à Auschwitz. (Autorisation)
    Dans cette photo tirée du nouveau film dramatique historique "La Lumière de l'espoir" [The Light of Hope], des détenus juifs du camp de Rivesaltes, en France, sont déportés dans des wagons de marchandises pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1942, année du début du film, plus de 2 200 Juifs, dont 110 enfants, furent envoyés de Rivesaltes au camp d'internement de Drancy près de Paris, puis à Auschwitz. (Autorisation)
  • Groupe d'internés au camp de Rivesaltes en France en mars 1941. (AP Photo/Vitchy)
    Groupe d'internés au camp de Rivesaltes en France en mars 1941. (AP Photo/Vitchy)

Lorsque les réfugiés ont fui la guerre civile espagnole et la Seconde Guerre mondiale, une courageuse infirmière suisse a apporté une aide cruciale à une catégorie de personnes déplacées, les femmes enceintes et leurs enfants, dans le sud-ouest de la France.

Malgré l’hostilité de la France de Vichy et de l’Allemagne nazie, Elisabeth Eidenbenz a sauvé la vie de près de 600 enfants – 400 réfugiés espagnols et 200 réfugiés juifs – grâce à la maternité d’Elne, sa maternité de la commune éponyme, en France.

Relativement peu connue, Elisabeth Eidenbenz (1913-2011) a vécu près de 100 ans et a été honorée par Yad Vashem comme Juste parmi les nations en 2002. Un nouveau film dramatique historique a pour but de mettre en valeur son héroïsme.

Le film espagnol de 2018 « La Lumière de l’espoir » [La llum d’Elna] fait connaître cette année l’histoire d’Eidenbenz au grand public américain. Il a été présenté pour la première fois à New York au New York Jewish Film Festival en janvier et a été projeté au Chicago JCC Jewish Film Festival le 9 mars.

Dans une interview accordée au Times of Israel, la réalisatrice espagnole Sílvia Quer a qualifié Eidenbenz de femme et d’héroïne « réduite au silence par la société ».

Elisabeth Eidenbenz, fondatrice de la Maternité d’Elne dans le sud-ouest de la France, qui a sauvé des centaines de femmes et d’enfants pendant la Seconde Guerre mondiale. (Facebook)

« J’ai senti qu’il était nécessaire de faire ce film », dit-elle.

Quer a lu une interview entre Eidenbenz, alors âgée de 90 ans, et la journaliste catalane Assumpta Montellà, et a également trouvé le témoignage émouvant d’un enfant qui avait vécu dans la maternité d’Elne : « Ma mère m’a donné la vie, la maternité m’a donné du lait, et Elisabeth m’a donné l’espoir ».

Pour incarner le rôle d’Eidenbenz, Quer a fait appel à l’actrice suisse Noémie Schmidt, nommée au César du meilleur second rôle en 2015.

« Pour le personnage d’Elisabeth, il était important que la nationalité de l’actrice soit suisse », a dit Quer, ajoutant : « Noémie a lu le scénario et a accepté sans hésiter ».

Elisabeth Eidenbenz (2e rangée : 2e à partir de la gauche) avec le personnel de la Croix-Rouge suisse, au Château de la Hille, 1941. (Archives Croix-Rouge suisse / Archiv SRK, via wikipedia)

Les autres membres de la distribution, a dit Quer, se composent d’actrices catalanes célèbres ainsi que des enfants acteurs talentueux qui interprètent trois amis vivant à la maternité : Pat, Neus et David.

Pat, le plus candide de ce trio, est le narrateur du film. Neus est témoin des horreurs du tristement célèbre camp d’internement de Rivesaltes en France, et David est un réfugié juif dont la mère enceinte, Maya, est parfaitement consciente des dangers particuliers auxquels sa famille est confrontée.

Quer a dit au sujet des trois enfants : « A travers leurs jeux [que nous voyons dans le film] ils se complètent et apprennent les uns des autres ».

Il en va de même pour les autres qui vivent à la Maternité au fur et à mesure que se déroule le film.

Tourné en Catalogne pour évoquer le sud-ouest de la France, « La Lumière de l’espoir » représente Eidenbenz essayant d’aider les femmes dont elle s’occupe : Maya, qui craint pour son fils et sa fille juste née ; Victoria, qui envisage d’apporter une aide militaire à la Résistance, ce qui est interdit à la maternité ; et Aurora, confrontée au drame d’un accouchement d’un enfant mort-né.

Dans cette photo tirée du nouveau film dramatique historique « The Light of Hope » [La lumière de l’espoir], l’infirmière suisse Elisabeth Eidenbenz s’entretient avec Pat, l’un des enfants de sa maternité qu’elle a dirigée pour les réfugiés de 1939 à 1944 à Elne, France. (Autorisation)
Au-delà des murs de l’hôpital, son existence est menacée par un commissaire acharné de Vichy et ses patrons nazis. On ordonne la fermeture de la maternité. Eidenbenz élabore un plan pour sauver l’hôpital, ce qui suppose qu’elle révèle un scandale à la France – les atrocités du camp d’internement de Rivesaltes.

Des civils, dont des Catalans, des Juifs et des Algériens, ont été détenus dans ce camp au cours de ses 70 années d’histoire sombre. En 1942, l’année où commence le film, 2 251 Juifs, dont 110 enfants, furent transférés de Rivesaltes au camp d’internement de Drancy, puis à Auschwitz.

Enfants du camp de Rivesaltes pendant la Seconde Guerre mondiale. (Avec l’aimable autorisation de Midas Films)

Tout au long de ces tensions, Eidenbenz s’efforce de préserver une certaine forme de convivialité au sein de l’hôpital avec la célébration de la Saint-Jacques au cœur de l’été. Le point culminant qui s’ensuit révèle la tragédie et le courage des adultes et des enfants.

Eidenbenz, dans la vraie vie, a fait preuve de beaucoup de courage dans des circonstances difficiles.

Dans cette photo tirée du nouveau film dramatique historique « La lumière de l’espoir », l’infirmière suisse Elisabeth Eidenbenz, (à droite), est photographiée dans sa maternité à Elne, avec Neus, un des enfants dont elle a la charge, qui a réussi à s’échapper du camp d’internement de Rivesaltes lors de la Seconde Guerre Mondiale. (Autorisation)

« Elisabeth n’avait que 25 ans lorsqu’elle a fondé [et] ouvert [la] maternité », dit Quer. « Il faut être très courageux pour faire ce travail ».

Fille d’un pasteur protestant suisse, Eidenbenz s’est d’abord portée volontaire pour aider la cause républicaine pendant la guerre civile espagnole – une cause qui est devenue désespérée avec la chute de Barcelone en 1938. En janvier et février 1939, un demi-million de réfugiés républicains ont fui à pied vers la France. Sur le chemin, ils ont été bombardés par des avions nationalistes et italiens – un exode, appelé « La Retirada » (la retraite), dont on commémore cette année les 80 ans.

Les autorités françaises ont laissé les réfugiés franchir la frontière mais les ont internés dans des camps aux noms devenus tristement célèbres : Argelés-sur-Mer, Rivesaltes et Saint-Cyprien.

Groupe d’internés au camp de Rivesaltes en France en mars 1941. (AP Photo/Vitchy)

« Il n’y avait rien d’autre que des barbelés et des gardes », a déclaré Soledad Fox Maura, professeure de littérature espagnole comparée au Williams College dont les spécialités comprennent la guerre civile espagnole et les études sur les femmes et le genre. « Les républicains espagnols internés dans les camps ont dû construire des abris très rudimentaires pour se protéger et essayer de survivre sur des plages froides en plein hiver ».

« Des gens sont morts de maladie, d’hypothermie, de froid », dit Alejandro Baer, le président de la chaire d’études Stephen C. Feinstein sur la Shoah et les génocides à l’Université du Minnesota, ajoutant qu’ “il était courant de voir des corps empilés, laissés à découvert, dans la zone du camp”.

Dans cette photo tirée du nouveau film dramatique historique « La Lumière de l’espoir » [The Light of Hope], des détenus juifs du camp de Rivesaltes, en France, sont déportés dans des wagons de marchandises pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1942, année du début du film, plus de 2 200 Juifs, dont 110 enfants, furent envoyés de Rivesaltes au camp d’internement de Drancy près de Paris, puis à Auschwitz. (Autorisation)
« Sur les plages, il n’y avait pas d’hygiène, de chauffage, de soins de santé, du moins au début », dit Fox Maura. « Beaucoup de gens sont morts, beaucoup de bébés et d’enfants, avec un taux de mortalité infantile de plus de 95 %.

Elle a déclaré que « cela a fini par devenir un véritable scandale dans la presse française. Les femmes étaient maltraitées, beaucoup étaient violées par des gardiens. Les conditions de vie pour les femmes étaient juste horribles ».

Eidenbenz a d’abord aidé ces réfugiés par l’intermédiaire de l’organisation Swiss Aid. Le volontaire Karl Ketterer a acheté un château à moitié en ruines, explique Fox Maura. Elle deviendra la maternité, chaque chambre portant le nom d’une ville espagnole dont Madrid, Barcelone et Bilbao.

Groupe d’enfants au camp d’internement de Rivesaltes en France, le 7 mai 1941. (AP Photo)

La première femme enceinte est arrivée en janvier 1939. Il y en aura beaucoup d’autres sous la responsabilité d’Eidenbenz et de son personnel de 12 personnes. Les femmes enceintes arrivaient quatre semaines avant la date de leur accouchement ; elles pouvaient rester jusqu’à quatre semaines après, après quoi Eidenbenz cherchait à leur trouver un emploi pour les maintenir à l’écart des camps. L’hôpital connaîtra 20 naissances par mois en 1940 et 1941.

À cette époque, la guerre civile espagnole avait cédé la place à la Seconde Guerre mondiale, et la maternité était financée par la Croix-Rouge. De nouvelles populations de réfugiés avaient besoin d’aide, mais Eidenbenz était limitée par la politique de la Croix-Rouge de ne pas aider les réfugiés politiques, qui excluait donc les Juifs.

Maya Cohen, réfugiée juive, (à droite), et son fils David, apparaissent dans cette image tirée du nouveau film dramatique historique sur la Seconde Guerre mondiale « The Light of Hope ». (Autorisation)

« Elle a caché l’identité de la plupart des réfugiés pour contourner ces lois », a déclaré Fox Maura, décrivant l’hôpital comme « financé par la Croix-Rouge et en même temps travaillant autour ».

Les nazis étaient plus difficiles à convaincre.

« Elisabeth a reçu de nombreuses menaces de la Gestapo, mais elle a résisté », dit Quer. « [Elle] a caché des femmes juives et leurs enfants quand on les avait bannis. Elisabeth a affronté le chef de la police, s’est battue pour les femmes déportées ».

Les Allemands ont finalement ordonné la fermeture de la maternité en 1944. Eidenbenz est rentrée en Suisse mais a continué à se battre au nom des « enfants non protégés », selon Quer.

La section des baraques des femmes du camp d’internement de Rivesaltes, en France, en mars 1941. (AP Photo/Vitchy)

A la Pâques 2002, 60 anciens réfugiés qui avaient vécu quand ils étaient enfants à la maternité d’Elne sont retournés dans la ville pour commémorer leur sauveuse, Eidenbenz.

« Ils se sont tous rassemblés pour l’honorer », dit Fox Maura. « C’était très émouvant. »

En 2006, le professeur Baer, originaire d’Espagne et professeur à l’Université du Minnesota, a visité le site de la maternité. En visitant le bâtiment avec un groupe d’éducateurs espagnols, il a dit qu’il avait encore une « aura incroyable » de « la memoria del bien« , le souvenir du bien.

Une photo du nouveau film dramatique historique « The Light of Hope », projeté au Chicago JCC Jewish Film Festival. (Autorisation)

« C’est très émouvant de visiter cet endroit », a dit M. Baer. « C’est pourquoi je pense qu’il devrait être plus connu, surtout par ceux qui sont à proximité, et aussi par ceux qui visitent l’Espagne ».

« Heureusement, de nos jours, des groupes scolaires s’y rendent », dit-il. « Je pense que l’effort devrait être beaucoup plus important, il faudrait faire plus. Les leçons de cette époque méritent d’être rappelées. Il y avait tant de mal – et de lumière au milieu du mal ».

« En tant qu’éducateur, nous devrions rappeler la Shoah, la Seconde Guerre mondiale, la guerre civile espagnole, ce sont des événements historiques complètement différents ». Mais, a ajouté M. Baer, « avec des figures comme Eidenbenz, nous observons une valeur commune et incroyable. On peut retrouver une histoire chez une personne. Il y a tant à apprendre ».

Fox Maura note que « les exilés restent marqués beaucoup plus longtemps que nous ne le pensons, malheureusement. C’est toujours un événement dont les effets sont bien plus graves qu’on ne le croit. La guerre civile espagnole s’est « terminée » en 1939 ; [mais] elle ne s’est pas terminée en 1939 pour les réfugiés, elle s’est terminée beaucoup plus tard ».

Quatre-vingt ans après La Retirada et les événements qui ont fait naître la maternité d’Elne, beaucoup de gens ne connaissent peut-être pas le nom d’Eidenbenz ou son engagement en faveur des réfugiés. Pour Baer, « les histoires d’aides, de sauveteurs… à moins d’un effort particulier de la part de certaines personnes et organisations pour faire connaître [ces histoires] au public, passent inaperçues ».

Dans cette photo tirée du nouveau film dramatique historique « The Light of Hope » [La Lumière de l’espoir], Victoria, qui se propose d’aider la Résistance française pendant la Seconde Guerre mondiale, conduit sa moto dans la commune d’Elne. (Autorisation)

Des gens comme Eidenbenz « ont fait ce qu’ils pensaient être normal », a dit M. Baer. « Ils ne se considéraient pas comme des héros. Quand on y réfléchit, on se dit que c’est un acte héroïque, un acte incroyable. »

Et, dit-il, ces gens-là n’ont pas personnellement essayé de faire connaître leur histoire : « D’autres doivent faire la lumière. C’est une tâche importante. Eidenbenz et d’autres ne sont pas connus du grand public. C’est une mission pour les universitaires, les militants, les organisations et les défenseurs des droits de l’homme que de poursuivre des efforts qui ont tant de sens. Ils incarnent des leçons cruciales pour notre époque. »

Quer illustre une de ces leçons dans le générique de fin, établissant un lien entre Eidenbenz et les volontaires qui aident aujourd’hui les réfugiés en Europe. Elle a dit que l’humanité « n’apprend pas des actes du passé ».

Expliquant l’héroïsme d’Eidenbenz il y a 80 ans : « Elisabeth ne faisait pas de distinction entre les nationalités, les races, les religions. Elle voulait aider toutes les femmes enceintes à maintenir leur estime de soi, à se battre pour les enfants qu’elles avaient eus en exil, loin de chez elles. »

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