Une importante délégation de cheikhs druzes syriens se rend en Israël
La délégation, dont la composition a été validée par Israël, a "informé le gouvernement syrien de sa décision de se rendre en Israël, sans recevoir d'approbation ou de refus"

Des centaines de druzes de Syrie se sont rendus vendredi en Israël pour un pèlerinage religieux, malgré l’état de guerre entre les deux pays, pour la deuxième fois depuis la chute du régime de Bachar al-Assad, ont indiqué à l’AFP deux responsables locaux.
Quelque 600 cheikhs druzes, une communauté ésotérique issue de l’islam notamment répartie entre la Syrie, Israël et le Liban, doivent traverser la frontière à pied, selon ces deux sources.
Une délégation similaire, mais plus petite, s’était déjà rendue en Israël à la mi-mars pour la première fois depuis cinquante ans, alors que le pays multiplie les ouvertures envers cette communauté dans la Syrie de l’après Assad.
Selon le maire de Hadar sur le plateau du Golan, « 400 cheikhs de Hadar et de Jaramana », une banlieue à majorité druze de Damas, « vont se rendre en Israël » après que les autorités de ce pays ont approuvé leurs noms.
Quelque 150 cheikhs de la province druze de Soueida, dans le sud de la Syrie, vont les accompagner, a indiqué un responsable local qui a requis l’anonymat à l’AFP.
Il a ajouté que cette délégation avait « informé le gouvernement syrien de sa décision de se rendre en Israël, sans recevoir d’approbation ou de refus ».
La délégation doit se rendre sur le site du tombeau de Nabi Chouaïb, le plus haut lieu saint druze en Israël, près de Tibériade, où un pèlerinage religieux annuel est organisé du 25 au 28 avril. Cette fête, identifiée à la figure biblique de Jethro, a lieu chaque année du 25 au 28 avril. La tombe de Jethro, près du village de Hittin, à l’ouest de Tibériade, est le lieu le plus sacré de la religion druze.
Contrairement à la brève visite précédente, ses membres vont passer la nuit en Israël.
« Nous avons demandé à rester pendant une semaine pour visiter le site et rencontrer les membres de notre communauté, mais la partie israélienne nous a autorisés à passer une seule nuit », a expliqué Abou Yazan, qui fait partie de la délégation.
Il a souligné que la visite avait un caractère « purement religieux ».
Selon le site local Suwayda 24, la visite a été organisée « en coordination entre des organismes religieux en Israël et en Syrie », les druzes israéliens ayant soumis une liste nominale aux autorités israéliennes pour leur approbation.
La communauté druze étant principalement répartie entre Israël, le Liban et la Syrie – où elle représente environ 3 % de la population – la rare visite au sanctuaire a également permis aux familles de retrouver leurs proches et, pour certaines d’entre elles, de se rencontrer en personne pour la première fois.
Le chef du conseil régional de Beit Jann, Nazih Dabbur, a déclaré au site d’information Ynet qu’il rencontrerait pour la première fois des cousins de Sweida, dans le sud de la Syrie, et de Jaramana, dans la banlieue de Damas.
« Mon père, âgé de 97 ans, est venu spécialement pour les rencontrer, il n’y a rien de plus excitant que cela », a-t-il déclaré.
מאות אנשי דת דרוזים מסוריה מבקרים היום בישראל לרגל החג נבי שועייב. מבין שש מאות העולים לקבר יתרו, רבים הגיעו מאזור הר הדרוזים בדרום-מערב המדינה ומפרברי דמשק. זאת בשונה מהביקור הראשון במרץ, אז הגיעו בעיקר אנשי דת מאזור הגולן הסורי בקרבת הגבול. גורם שמעורה בפרטים אמר ל"כאן חדשות"… pic.twitter.com/3CQcFTtJ58
— כאן חדשות (@kann_news) April 25, 2025
Sheikh Ruslan al-Babur, le cousin de Dabur qui est arrivé de Syrie, a déclaré à Ynet, en larmes, que « nous espérons que les liens se poursuivront et ne seront pas coupés, c’est important pour nous ». Il a déclaré que le régime d’Assad avait « travaillé dur pour déconnecter » les Druzes de leurs parents en Israël, qualifiant cela de « très cruel et inhumain ».
Le cheikh Muafak Tarif, chef spirituel de la communauté druze d’Israël, a déclaré que cette visite était « historique ».
« Les retrouvailles émouvantes d’aujourd’hui témoignent plus que tout du lien indéfectible qui unit les membres de la communauté druze, où qu’ils se trouvent », a-t-il déclaré, selon Ynet. « Il est impossible de ne pas être ému par la rencontre de frères qui ne se sont pas vus depuis plus de 50 ans, ou de grands-parents qui n’ont jamais vu leurs petits-enfants jusqu’à ce soir. »

Le festival annuel est traditionnellement marqué par des festivités de masse sur le site et des rassemblements de chefs Drue pour discuter de questions religieuses.
Le pèlerinage de vendredi fait suite à un événement similaire, de moindre ampleur, qui s’est déroulé le mois dernier. Une soixantaine de religieux druzes syriens ont été autorisés à visiter le sanctuaire, mais sont rentrés en Syrie le jour même.
Les pèlerinages ont été organisés dans le cadre du soutien israélien à la communauté druze syrienne après l’éviction d’Assad, même si Jérusalem se méfie des nouveaux dirigeants islamistes de Damas.
Israël s’est emparé d’une grande partie du plateau stratégique du Golan lors de la guerre de 1967, avant d’annexer la région en 1981, une décision reconnue par les États-Unis mais pas par la majeure partie de la communauté internationale.
Dès la chute du pouvoir de Bachar al-Assad le 8 décembre en Syrie, après plus de 13 ans de guerre civile, Israël a envoyé des troupes dans une zone tampon démilitarisée du Golan, dans le sud-ouest de la Syrie, et tente de grignoter des territoires.
Il a dans le même temps multiplié les gestes d’ouvertures envers la minorité druze et lui a envoyé des colis humanitaires par l’entremise des druzes israéliens.
Début mars, à la suite d’escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d’une intervention militaire si les nouvelles autorités syriennes s’en prenaient aux druzes.
Ces propos ont été immédiatement rejetés par les dignitaires druzes, qui ont réaffirmé leur attachement à l’unité de la Syrie.