Une otage libérée raconte son calvaire, dénonce les échecs d’Israël et loue ses ravisseurs
Yocheved Lifshitz, 85 ans, libérée lundi, décrit l'enfer vécu lors de l'assaut terroriste, les coups reçus sur le chemin de Gaza, les tunnels humides, et les soins prodigués
L’otage libérée du Hamas, Yocheved Lifshitz, 85 ans, a décrit mardi, lors d’une conférence de presse très suivie devant l’hôpital Ichilov de Tel Aviv, comment ses ravisseurs terroristes l’ont emmenée en moto du kibboutz Nir Oz à la bande de Gaza le 7 octobre puis à travers un dédale de tunnels ; elle a accusé les dirigeants israéliens d’avoir failli, faisant ainsi d’elle et des autres, des « boucs émissaires ».
Elle a raconté qu’après avoir été initialement battue par ses ravisseurs qui la conduisaient vers Gaza, elle avait été bien traitée par la suite.
« J’ai vécu un enfer que nous n’aurions jamais pu imaginer. Ils [les terroristes du Hamas] se sont déchaînés dans le kibboutz », a-t-elle dit, sa voix à peine audible. Elle a ridiculisé la coûteuse barrière frontalière d’Israël avec Gaza, que les envahisseurs ont fait exploser sans difficulté et qui n’a « servi à rien » pour défendre son kibboutz contre la bande de terroristes.
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Selon le New York Times, 180 des 400 résidents du kibboutz auraient été tués ou enlevés. Au total, les terroristes du Hamas ont assassiné quelque 1 400 personnes lors de leur assaut sur le sud d’Israël, la grande majorité d’entre elles des civils massacrés chez eux ou lors d’une rave en plein air.
Le Hamas a libéré Lifshitz et Nurit Cooper, 79 ans, au bout de 17 jours de captivité. Ce sont les troisième et quatrième otages libérées par le groupe terroriste en quelques jours. Les deux femmes ont été libérées de Gaza et transférées en Égypte lundi en fin de journée. Elles ont ensuite été remises à Tsahal, qui les a emmenées dans un hôpital israélien, où elles ont été déclarées en bonne santé par les médecins qui les ont examinées.
Au moins 220 autres personnes, y compris les maris respectifs des deux femmes, Amiram Cooper, 84 ans, et Oded Lifshitz, 83 ans, seraient toujours retenues en otage par le Hamas.
« J’ai été prise, avec mes jambes d’un côté et ma tête de l’autre » de la moto, a déclaré Lifshitz aux journalistes, et ses ravisseurs ont « volé à travers les champs » en direction de Gaza. Lifshitz qui se déplace en fauteuil a raconté comment en chemin, elle a été battue à coups de bâtons. Des coups qui, raconte-t-elle, « qui ne m’ont pas cassé les côtes », mais « qui m’ont fait très mal et m’ont empêchée de respirer ».
Les terroristes lui ont pris sa montre et ses bijoux.
À Gaza, on l’a conduite jusqu’à l’entrée d’un réseau de tunnels, qu’elle a décrit comme « une toile d’araignée », et dans les tunnels humides duquel elle a dû marcher « pendant des kilomètres ».
Sa fille Sharone était agenouillée à côté d’elle pour l’aider à se faire entendre, répétant certains de ses propos. Elle traduisait son récit en anglais et a ajouté quelques commentaires.
Au bout de deux ou trois heures, ils ont atteint une grande salle où étaient rassemblés environ 25 autres otages. « Ils nous ont dit qu’ils croyaient au Coran et qu’ils ne nous feraient pas de mal, et que nous aurions les mêmes conditions qu’eux dans les tunnels », a expliqué Yocheved au sujet de ses ravisseurs.
Plus tard dans la journée, elle et environ quatre autres otages du kibboutz Nir Oz ont été emmenés dans une pièce séparée.
« Un secouriste et un médecin sont venus », et les otages ont été placés sur des matelas. Le médecin est revenu tous les deux jours, et le secouriste a fait le nécessaire pour obtenir des médicaments. « Nous avons été bien traités », a ajouté Lifshitz, décrivant comment le secouriste a soigné un autre otage qui avait été blessé. Elle a déclaré que ses ravisseurs veillaient à ce que les conditions soient hygiéniques. « Ils nettoyaient les toilettes, pas nous », a-t-elle déclaré. « Ils avaient peur d’être contaminés. »
Interrogée sur ses conversations avec ses ravisseurs, elle a déclaré qu’ils « essayaient » de converser ; « nous leur avons dit, pas de politique… Nous ne leur avons pas répondu [sur les questions politiques]. Ils ont parlé de toutes sortes de choses. Ils étaient très gentils avec nous. Ils se sont occupés de tous nos besoins, ce qui est tout à leur honneur. Nous mangions la même chose qu’eux », a-t-elle déclaré, décrivant leur repas quotidien de pita, de fromage blanc et de concombre.
Elle a déclaré que « le fait que Tsahal et le Shin Bet n’avaient aucune idée » des plans du Hamas » nous a causé beaucoup de tort. Nous étions les boucs émissaires des dirigeants ». Les signes étaient là avant l’assaut, y compris des ballons survolant la frontière pour mettre le feu aux champs des kibboutz. « Et, quelque part, Tsahal n’a pas pris les choses au sérieux. »
« Et soudain, le matin du Shabbat, alors que tout était calme, il y a eu un très violent barrage de tirs sur les communautés, et en même temps que le bombardement, cette horde d’hommes est arrivée, a franchi la barrière [frontalière]… a ouvert la grille du kibboutz et est entrée en masse. C’était très désagréable, très difficile. Ma mémoire ne cesse de repasser ces images ».
Se référant à la manière dont les terroristes ont franchi la barrière de sécurité israélienne à la frontière de Gaza, Lifshitz a rappelé qu’une « nuée de gens sont venus à la barrière – elle a coûté 2 milliards de shekels et cela n’a pas aidé, même pas un peu ».
Elle a ajouté que ses ravisseurs avaient manifestement planifié depuis longtemps la détention d’otages et qu’ils avaient même prévu du shampoing et de l’après-shampoing pour eux.
Interrogée sur la raison pour laquelle elle avait serré la main de l’un de ses ravisseurs lors de son transfert dans une ambulance de la Croix-Rouge, elle a répété que les otages étaient traités avec « bienveillance ».
Sa fille Sharone Luton, qui s’est exprimée après Yocheved, a déclaré que c’était « merveilleux » que sa mère soit de retour et a dit qu’elle était un véritable « rayon de soleil ».
« Ma mère espère vraiment que tous les gens qui étaient avec elle reviendront », a ajouté Sharone. « Nous sommes de tout cœur avec les plus de 200 otages qui se trouvent toujours sur place. Nos pensées vont à mon père et à tous les captifs qui sont encore là-bas. »
Elle a ajouté qu’elle était heureuse de savoir que sa mère avait été bien traitée, mais a souligné qu’elle « ne savait pas » comment les autres otages étaient traités, car sa mère n’avait vu qu’environ 25 des autres captifs.
Le mari de Lifshitz est toujours prisonnier du Hamas, et Luton a déclaré que la famille n’avait toujours pas reçu la moindre information sur son sort.
« Il n’était pas avec ma mère, et elle ne sait donc pas où il se trouve », a-t-elle déclaré lors d’une interview accordée à la BBC.
« Mon père était de plus en plus fragile. Il était très impliqué dans la défense des droits des Palestiniens ainsi que dans la recherche de la paix avec nos voisins », a-t-elle ajouté, précisant qu’il avait longtemps milité pour la coexistence avec les Palestiniens.
« J’espère qu’il est là, qu’on s’occupe de lui et qu’on lui permettra de s’exprimer », a-t-elle ajouté. « Il parle bien l’arabe, il peut donc très bien communiquer avec les gens là-bas. Il connaît beaucoup de monde à Gaza. Je veux croire qu’il s’en sortira. »
Une victoire pour la propagande du Hamas
La conférence de presse de Lifshitz a suscité de nombreuses critiques, en raison des louanges qu’elle a adressées aux terroristes du Hamas qui l’ont capturée et de ses critiques à l’égard d’Israël.
La chaîne publique Kan a rapporté que selon des experts israéliens en relations publiques, la décision de faire apparaître Lifshitz devant les caméras a été décrite comme une « gaffe ». La presse internationale publie désormais des articles sur la bienveillance du Hamas, aux petits soins pour ses otages.
Le chroniqueur Eddie Rothstein, a décrit dans Israel Hayom l’interview comme étant une « victoire pour la propagande pour le Hamas ».
« Quelle femme courageuse et éclairée, de celles que nous pensions ne plus voir en Israël, mais aussi quelle faux pas en matière de gestion de l’événement », écrit-il. « La vérité, c’est qu’il ne faut pas être un expert en relations publiques pour savoir qu’on ne peut pas organiser une telle conférence de presse en direct à la télévision ».
When asked what she meant by the gesture of shaking a Hamas gunman's hand, freed hostage Yocheved Lifshitz, 85, says 'because they treated us very nicely'.
"They seemed really prepared and had concealed it for a long time," she added.
???? Sky 501 pic.twitter.com/8F4d4wnuED
— Sky News (@SkyNews) October 24, 2023
« Il ne fait aucun doute que les propos de Lifshitz aurait pu être mieux gérés », a tweeté la journaliste de la Douzième chaîne, Daphna Liel, qui a ajouté que les descriptions de Lifshitz sur son calvaire étaient tout de même assez choquantes.
« Toute personne saine d’esprit devrait comprendre que les soins médicaux qui lui ont été prodigués [par le Hamas] étaient destinés à maintenir en vie leur monnaie d’échange et ne provenaient pas de la bonté de leur cœur. »
Dana Weiss, de la chaîne, a qualifié la conférence de presse de « désastre » et a souligné l’absence de contrôle de l’État sur l’événement.
Tal Schneider, du Times of Israel, a critiqué sur X le porte-parole de l’hôpital, qui a placé Lifshitz devant les caméras, plutôt que devant les seuls membres de sa famille, et s’est vanté de sa capacité à obtenir un « facteur wow » pour les journalistes sur Instagram. « D’un point de vue professionnel, c’est une honte pour l’hôpital », a-t-elle écrit sur X.
« ‘Elle a dit ce qu’elle pensait »
Le couple Lifshitz, qui fait partie des fondateurs de Nir Oz, était tous deux des activistes pacifistes et transportait régulièrement des patients de Gaza vers les hôpitaux en Israël pour qu’ils y bénéficient d’un traitement médical.
Le fils de Yocheved, Yizhar, a déclaré après la conférence de presse que sa mère avait été débriefée avec « tact » par le Shin Bet lundi soir. Il a ajouté qu’elle avait dit ce qu’elle pensait lors de la conférence de presse et qu’elle ne dirait jamais rien d’autre que ce qu’elle pensait.
Le gouvernement a remercié l’Égypte et la Croix-Rouge lundi soir pour leur rôle dans la libération et le transport de Lifshitz et Cooper, et s’est engagé à « continuer à travailler au mieux de nos capacités et à déployer tous les efforts nécessaires pour retrouver tous les disparus et ramener tous les otages à la maison ».
Mardi matin, le porte-parole de Tsahal, le contre-amiral Daniel Hagari, a remercié l’Égypte d’avoir joué un « rôle clé » dans la libération des deux otages israéliens.
« Nous sommes heureux de leur retour, mais en même temps, je veux mentionner que les maris de Yocheved [Lifshitz] et de Nurit [Cooper] sont toujours retenus en captivité par le Hamas. Ce ne sont que 2 des 222 otages », a-t-il déclaré.
Il a ajouté que Tsahal avait œuvré pour leur libération et que « l’Égypte a joué un rôle clé dans ce dossier. Ses efforts sont appréciés. Nous remercions l’Égypte et la Croix-Rouge et nous nous engageons à ramener tous les otages chez eux ».
Revenant sur la vidéo de propagande du Hamas montrant la libération de Yocheved Lifshitz et de Nurit Cooper par des terroristes du Hamas, Hagari a déclaré : « Ne vous y trompez pas, cela fait partie des tactiques de terrorisme psychologique utilisées par le Hamas pour se faire passer pour une organisation humanitaire ».
« Il s’agit d’une vidéo cynique qui ne nous fera pas oublier le 7 octobre », a-t-il ajouté.
Vendredi soir, le Hamas a libéré deux femmes américaines-israéliennes, Judith et Natalie Raanan, mère et fille, également par le point de passage de Rafah avec l’Égypte.
Elles ont été livrées à la Croix-Rouge, qui les a ensuite remises à Israël. Le Hamas a également déclaré avoir libéré ces femmes « pour des raisons humanitaires ». Huit autres membres de la famille élargie de Judith et Natalie font toujours partie des otages. Deux membres de la famille élargie ont été tués par des terroristes lors de l’assaut du Hamas le 7 octobre.
La semaine dernière, des responsables américains auraient exhorté Israël à retarder son incursion terrestre dans la bande de Gaza afin de laisser plus de temps aux négociations pour libérer d’autres otages.
Amy Spiro, Emanuel Fabian et Jessica Steinberg ont contribué à cet article.
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