Israël en guerre - Jour 571

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Une société israélienne qui lutte contre le CO₂ lève plus de 10 millions de dollars

Les technologies actuelles ne permettent de retirer que 10 000 tonnes de dioxyde de carbone de l'air par an ; la société israélienne CarbonBlue entend bien augmenter radicalement son efficacité en l'extrayant de l'eau

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

Les fondateurs de CarbonBlue, Dan Deviri (à droite) et Iddo Tsur.
Les fondateurs de CarbonBlue, Dan Deviri (à droite) et Iddo Tsur.

CarbonBlue, la société israélienne qui dit avoir trouvé le moyen révolutionnaire d’éliminer le dioxyde de carbone de l’atmosphère, a annoncé lundi avoir levé plus de 10 millions de dollars de fonds pour son tout premier tour de table de financement d’amorçage.

L’excès de CO₂ dans l’atmosphère, principalement causé par la combustion de combustibles fossiles comme le charbon ou le pétrole, a pour effet de réchauffer la planète.

CarbonBlue affirme que sa méthode permettra d’éliminer rapidement de grandes quantités de CO₂ de l’eau, ce qui permet à l’eau d’extraire plus de CO₂ de l’atmosphère. Selon elle, le processus permettra de réduire l’empreinte carbone des industries et de générer des liquidités.

La société a été créée en janvier 2022 par les PDG Dan Deviri, 33 ans, et Iddo Tsur, 32 ans. Leur but est avant tout d’intégrer leur solution au sein des infrastructures industrielles préexistantes afin d’éliminer le CO₂ des énormes quantités d’eau déjà utilisées. Ce pourrait être des centrales électriques, au sein desquelles l’eau est utilisée pour abaisser la température, des stations de dessalement ou des fermes piscicoles.

Dans la nature, il existe un équilibre entre les quantités de CO₂ présentes dans l’air et dans l’eau. Si l’eau est débarrassée de son CO₂, alors elle éliminera et absorbera une plus grande partie du gaz de l’air.

Preuve de concept

L’équipe de CarbonBlue, qui compte 15 employés, a réalisé la preuve de concept sur son site de R&D dans le kibboutz Maagan Michael, dans le nord d’Israël, en utilisant ce qui ressemble à un assemblage improvisé de tuyaux en plastique et de robinets le tout surmonté d’un ballon de gaz.

Le laboratoire de R&D de CarbonBlue au kibboutz Maagan Michael, dans le nord d’Israël, le 22 juillet 2024. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Deviri, qui est à ce jour le plus jeune étudiant à avoir intégré le Technion, l’Institut de technologie de Haïfa, dans le nord d’Israël, à l’âge de 14 ans, et qui est aujourd’hui titulaire de trois diplômes de premier cycle, d’une maîtrise et d’un doctorat, explique le processus en deux étapes.

La première étape consiste à mélanger l’eau avec de la chaux de façon à susicter une réaction chimique. Le CO₂ se sépare de l’eau, laissant de l’eau décarbonée qui peut être reversée dans l’environnement pour y absorber plus de CO₂ atmosphérique. Le CO₂ séparé se combine avec la chaux pour créer du carbonate de calcium ou calcaire.

Ce processus doit normalement prendre environ trois jours, mais grâce à ce que Deviri décrit comme « notre sauce secrète », le réacteur de CarbonBlue le fait en trois minutes. Il génère des pastilles blanches de calcaire pur à 97 % qui coulent au fond du réacteur et s’éliminent aisément.

Du calcaire créé dans le laboratoire de R&D de CarbonBlue au kibboutz Maagan Michael, dans le nord d’Israël, le 22 juillet 2024. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Cependant, l’extraction du calcaire pour la chaux nécessaire à la création de la réaction chimique initiale est de nature à priver l’opération de bon nombre de ses bienfaits environnementaux, car la chaux est généralement extraite de carrières alimentées par des combustibles fossiles. Pour éviter cela, CarbonBlue recrée sa propre chaux pour s’assurer que l’ensemble du processus soit négatif en carbone.

Cela est possible par l’inversion du processus utilisé lors de la première étape, en dissolvant le calcaire et en le séparant à nouveau en deux composés : la chaux à réutiliser dans le réacteur et le CO₂ presque totalement pur. La société a développé et breveté en collaboration avec l’Université du Dakota du Nord une méthode chimique à base d’acide pour la régénération de la chaux.

Une partie de la machinerie du projet pilote de CarbonBlue avec une usine de dessalement (en arrière-plan) au kibboutz Maagan Michael, dans le nord d’Israël, le 22 juillet 2024. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Pour accélérer la première étape du processus, un réacteur qui ressemble à un submersible de recherche océanique renversé a été construit à Maagan Michael. C’est l’Université du Dakota du Nord qui est chargée de construire la machine pilote de la deuxième étape – qui recréé de la chaux et du CO₂ – qu’elle expédiera en Israël.

Une fois que les deux composants seront prêts, ils seront intégrés au sein d’une petite installation de dessalement des eaux souterraines saumâtres, principalement pour le kibboutz Maagan Michael, dans le cadre du premier essai semi-industriel de CarbonBlue.

Le but est de démontrer que cette technologie est efficace à grande échelle. Seront alors testés des paramètres tels que la consommation d’énergie – qui devrait être faible – ainsi que les coûts. Deviri estime pouvoir éliminer une tonne de CO₂ pour 12 000 mètres cubes d’eau de mer (soit l’équivalent de 4,8 piscines olympiques) et 4 000 mètres cubes (1,6 bassin) d’eau saumâtre ou douce. Selon la Banque mondiale, les Israéliens ont produit 6,3 tonnes métriques de CO₂ par habitant en 2020.

Pourquoi l’eau ?

Avant de développer leur solution, Deviri et Tsur (ce dernier a étudié la physique dans le cadre de Talpiot, le programme d’élite de l’armée) ont étudié les différentes méthodes d’élimination du carbone.

Ils ont découvert que la concentration de CO₂ dans l’eau était beaucoup plus élevée que dans l’air, ce qui rend l’élimination du CO₂ de l’eau plus efficace. Dans l’eau de mer, la concentration est 140 fois plus élevée que dans l’air.

Deviri explique que la vision à long terme est d’équiper de machines CarbonBlue des milliers de plates-formes de traitement du pétrole et du gaz abandonnées au fond des océans et de stocker le CO₂ extrait de l’eau de mer dans les réservoirs vides qui contenaient autrefois des combustibles fossiles.

Mais, dans l’immédiat, l’idée est d’intégrer la technologie aux infrastructures industrielles pré-existantes.

« Ces dernières années, au plan mondial, la technologie a permis d’éliminer près de 10 000 tonnes de CO₂ par an », explique Deviri. « Cela n’augmente pas. »

Un paddle passe devant la centrale électrique d’Orot Rabin près de Hadera, dans le centre d’Israël, le 6 novembre 2022. (Crédit : AP Photo/Ariel Schalit)

« Prenez la centrale électrique d’Orot Rabin [dans le centre d’Israël]. L’eau qui circule pour refroidir les turbines pourrait permettre d’éliminer 250 000 tonnes de CO₂ par an. Une seule centrale électrique israélienne, certes la plus grande, permettrait à elle seule d’éliminer 25 fois la capacité mondiale d’élimination de dioxyde de carbone. C’est à notre portée », conclut-il.

Deviri ajoute que la technologie permettant d’éliminer le CO₂ directement de l’air en est encore au stade de la R&D. Il explique : « La chance que CarbonBlue tire parti des infrastructures existantes et à grande échelle pour éliminer des quantités importantes de CO₂ de l’eau en 10 ans est bien mielleure que toutes les autres technologies. »

Il assure que CarbonBlue combine des processus chimiques bien balisés. Par ailleurs, alors que d’autres entreprises d’élimination du carbone à base d’eau s’appuient sur des méthodes électrochimiques qui ne fonctionnent que sur de l’eau de mer ou de la saumure, conductrice de l’électricité, CarbonBlue est capable d’éliminer le CO₂ de tout type d’eau, même de l’eau polluée des stations d’épuration.

Travailler avec l’industrie

CarbonBlue a déjà perçu des fonds sous forme de crédits carbone de la part de Frontier, la plate-forme à travers laquelle des géants de la technologie comme la société mère de Facebook, Meta, ou celle de Google, Alphabet, aident les entreprises prometteuses en matière d’élimination du carbone.

Deviri souligne toutefois que le modèle économique de son entreprise est ausi adossé à la vente de CO₂ de façon à rendre plus durables des industries allant de la fabrication de boissons ou de polymères au secteur énergétique indépendant des combustibles fossiles.

Adam Etzion, directeur du marketing et de la communication, ajoute : « Au sein des cercles environnementaux, l’industrie est souvent considérée comme un ennemi. Nous affirmons nous notre volonté de travailler avec l’industrie et d’utiliser les infrastructures existantes pour le bien de tous. »

Deviri conclut : « Nous essayons de faire du problème la solution au lieu de repartir de zéro. »

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