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US : Une cour d’appel innocente une aguna, accusée de harcèlement pour obtenir le guet

La "femme enchaînée" s'est tournée vers les réseaux sociaux pour demander de l'aide pour obtenir le guet de la part de son mari récalcitrant

Illustration : Des manifestants d'« agunot » devant le ministère de la Justice à Jérusalem, le 7 juillet 2011. (Crédit : Yossi Zamir/Flash90)
Illustration : Des manifestants d'« agunot » devant le ministère de la Justice à Jérusalem, le 7 juillet 2011. (Crédit : Yossi Zamir/Flash90)

JTA – Les avocats des femmes juives qui estiment que leurs ex-maris les maltraitent en leur refusant le divorce religieux se réjouissent du verdict de la Cour d’appel du New Jersey, qui annule une précédente décision à l’encontre d’une habitante de cet État qui avait utilisé les réseaux sociaux pour obtenir le divorce.

En 2021, un tribunal de degré inférieur avait statué que les publications de la femme sur les réseaux sociaux étaient constitutives de harcèlement et d’incitation à la haine. L’American Civil Liberties Union of New Jersey s’est emparée de l’affaire pour prêter main forte aux organisations orthodoxes de défense des droits des femmes qui oeuvraient déjà à ses côtés.

La femme, identifiée sous ses seules initiales – LBB – dans la décision de justice longue de 39 pages rendue publique mercredi, est séparée de son mari depuis 2019. Elle dit qu’il lui refuse le guet, acte de divorce religieux.

Selon la loi juive, si le mari refuse ce document à son épouse, elle devient une agunah, terme hébreu qui désigne une « femme enchaînée », incapable de divorcer et donc de se remarier, quand bien même le divorce civil a déjà été prononcé. Les hommes qui refusent d’accorder le guet, souvent dans le but d’obtenir un avantage dans le cadre de la procédure civile de divorce, ne font, eux, pas face à de telles restrictions en vertu de cette même loi juive.

Un certain nombre d’organisations, aux États-Unis, en Israël et ailleurs, se sont mobilisées pour faire pression sur les autorités rabbiniques afin qu’elles trouvent une solution à ce problème, que les défenseurs des droits des femmes orthodoxes considèrent comme une forme de violence domestique. Trois organisations juives ont déposé des avis juridiques en soutien à la femme, parmi lesquelles l’Organisation pour la libération des Agunot, Unchained at Last et l’Alliance féministe orthodoxe juive.

« Nous nous réjouissons du maintien par le tribunal du droit des agunot, qui se voient refuser le divorce juif, à se défendre elles-mêmes au sein de leur communauté, sans crainte de représailles, » a déclaré par voie de communiqué Keshet Starr, directrice de l’Organisation pour la libération des Agunot.

« Le refus du guet est incontestablement une forme de violence conjugale. Aujourd’hui, la justice prend la défense des victimes et dit son opposition aux abus de toutes sortes. »

Ces dernières années, agunot et ses défenseurs se sont tournés vers les réseaux sociaux pour mobiliser des soutiens et faire pression sur les maris.

C’est ce qui semble s’être passé au cas présent.

Selon les termes de la décision du tribunal, en 2021, la défenderesse avait créé une vidéo dans laquelle elle demandait de « faire pression » sur son mari pour qu’il lui accorde le guet. Elle dit l’avoir envoyé à deux personnes, mais il semble qu’il se soit propagé bien au-delà, donnant lieu à d’autres activités militantes sur les réseaux sociaux qui ont révélé son nom et diffusé une photo.

L’homme a témoigné avoir reçu plusieurs appels téléphoniques anonymes, certains menaçants.

Aux termes de la décision, il s’est dit « convaincu que la communauté juive réagissait violemment au refus du guet et que le simple fait de faire savoir qu’il ‘refusait le guet’ lui avait valu de se faire séquestrer et passer à tabac ».

Il a ajouté que son père, avant lui, avait refusé d’accorder le guet et qu’il avait lui aussi été violenté. Il s’est par ailleurs plaint de violences verbales tout au long de leur mariage.

Il a également affirmé avoir accordé le guet et remis le document à une personne identifiée dans la décision comme le « grand rabbin d’Elizabeth », qui aurait dû le lui remettre. On ignore à quel rabbin la décision fait allusion : il n’y a pas de « grand rabbin d’Elizabeth », ville du New Jersey, et contrairement à d’autres pays comme Israël ou le Royaume-Uni, il n’y a pas de « grands rabbins » aux Etats-Unis.

En 2021, l’homme a bénéficié d’une injonction d’éloignement temporaire, puis définitive, interdisant à son ex-épouse de le contacter et la mettant en demeure de supprimer ses publications en faveur du guet sur les réseaux sociaux. Le tribunal qui a délivré l’injonction a statué que les publications sur les réseaux sociaux étaient constitutives de harcèlement, d’atteinte à la vie privée et d’incitation à la haine, et à ce titre non protégées par le Premier amendement et la liberté d’expression.

Le panel de trois juges de la Cour d’appel a rejeté ce raisonnement, affirmant que son activité sur les réseaux sociaux relevait des discours protégés.

« En résumé, la conclusion du juge selon laquelle la communauté juive était encline à la violence contre ceux qui refusent d’accorder le guet – et la conclusion implicite selon laquelle l’accusée en était consciente et s’en est servie à desseins – n’est pas étayée par le dossier », peut-on lire dans la décision. « La vidéo avait pour but d’obtenir le guet. Elle ne menaçait pas le demandeur, et rien dans le dossier ne suggère que sa sécurité ait été mise en danger par la vidéo. »

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