Violences sexuelles du Hamas: « le silence de l’ONU a été vécu comme une trahison »
"Le silence a nourri une campagne de déni dans le monde, des campagnes de haine, d'antisémitisme. Le silence a permis de répandre des mensonges", regrette Cochav Elkayam-Lévy, spécialiste israélienne du droit international et du féminisme
Le « trop long silence » de l’ONU sur les viols et violences sexuelles lors de l’attaque du Hamas le 7 octobre en Israël a eu « des effets dévastateurs » et a été vécu comme « une trahison », selon une spécialiste israélienne du droit international et du féminisme.
« Il leur a fallu des semaines pour réagir. Et ces semaines ont eu des effets dévastateurs », regrette Cochav Elkayam-Lévy, présidente de la Commission civile sur les crimes du Hamas contre les femmes et les enfants, une organisation indépendante créée dans le sillage de l’attaque sanglante du 7 octobre.
« La justice commence avec la reconnaissance des crimes » insiste avec émotion la juriste israélienne dans un entretien à l’AFP au siège du CRIF (conseil représentatif des institutions juives de France) à Paris.
Les récits de témoins de viols, violences sexuelles, mutilations génitales, se sont multipliés depuis l’attaque du 7 octobre, accusations niées par le groupe terroriste islamiste palestinien, mais qui font d’ores et déjà l’objet d’enquêtes difficiles et complexes en Israël.
L’ONU et ses agences ont été vivement critiqués dans le pays, qui les accuse d’avoir réagi tardivement. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres s’était exprimé sur le sujet fin novembre, réclamant des enquêtes.
« Le trop long silence de l’ONU sur ces crimes a été vécu comme une trahison par les Israéliens, mais aussi comme une trahison de l’humanité », raconte Mme Elkayam-Lévy, « immensément choquée » par ce qu’elle qualifie de « déni infligé à toute une collectivité par les agences même qui sont censées faire respecter le droit international ».
« Le silence a nourri une campagne de déni dans le monde, des campagnes de haine, d’antisémitisme. Le silence a permis de répandre des mensonges », poursuit Mme Elkayam-Lévy.
Elle se trouve à Paris au moment où la représentante spéciale de l’Onu en charge des violences sexuelles en période de conflit, Pramila Patten, est en visite en Israël pour rencontrer victimes, témoins et professionnels.
Lundi soir, Mme Patten a exhorté les victimes des crimes sexuels présumés du Hamas à « briser le silence » et raconter ce qu’elles ont subi.
« Il y a des signes encourageants, l’Onu désormais mentionne ces crimes. Mais l’échec est profond, il faut de profonds changements dans le système », estime Mme Elkayam-Lévy.
« Mission historique »
Le 7 octobre, la professeure de droit israélienne est au diapason de tout un pays, sidérée, dépassée par l’ampleur de l’événement. « C’est comme si les portes de l’enfer s’étaient ouvertes devant nous. Quelque chose d’inimaginable s’est produit. Quand j’ai compris que nous faisions face à un déni, j’ai dit à mes collègues: nous avons une mission historique, il faut documenter ce qui est arrivé à ces femmes et ces enfants, créer des archives », raconte-t-elle.
A partir d’un groupe WhatsApp d’une dizaine de ses collègues juristes et autres experts, elle crée la Commission civile pour documenter « dans le respect strict des normes internationales » les tueries, tortures et violences sexuelles attribuées au Hamas.
La Commission doit publier prochainement un premier rapport préliminaire, mais Mme Elkayam-Lévy se refuse à donner des estimations sur l’ampleur de ces crimes. « Nous ne saurons jamais le nombre de victimes exact d’abus sexuels, nous ne saurons pas ce qui est arrivé aux femmes qui ont été tuées, ce qu’elles ont subi », déclare-t-elle.
Le peu de récits de survivants et l’absence d’expertise médico-légale compliquent l’évaluation de l’ampleur de ces crimes sexuels.
Mais, selon Mme Elkayam-Lévy, la parole commence à se libérer en Israël, notamment depuis la libération de premiers otages lors d’une trêve fin novembre.
« Ce sujet est de plus en plus discuté et porté à l’attention du public en Israël », affirme-t-elle.
Sur l’intention du Hamas de mener une campagne délibérée de viols et violences sexuelles lors de l’attaque du 7 octobre, elle n’a pas de doute. Mais « c’est quelque chose qui sera tranché par une cour de justice internationale », dit-elle.
La guerre à Gaza a éclaté lorsque le Hamas a envoyé 3 000 terroristes armés en Israël, le 7 octobre, pour mener une attaque brutale au cours de laquelle ils ont tué près de 1 200 personnes. Les terroristes ont également pris en otage 253 personnes, pour la plupart des civils, et les ont emmenées à Gaza.
Israël a réagi en lançant une campagne militaire dont l’objectif vise à détruire le Hamas, à l’écarter du pouvoir à Gaza et à libérer les otages.