Washington « salue » la suspension de la refonte judiciaire et appelle au compromis
Le Premier ministre doit s'adresser au département d'État lors d'une conférence sur la démocratie à laquelle la Hongrie et la Turquie n'ont pas été invitées
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
L’administration Biden a salué l’annonce faite lundi par le Premier ministre Benjamin Netanyahu selon laquelle son gouvernement interromprait temporairement ses efforts législatifs visant à réformer le système judiciaire et a exhorté les dirigeants politiques israéliens à adopter un compromis qui préservera les fondements démocratiques d’Israël.
Officiellement, la Maison Blanche a réagi lundi en saluant l’annonce de Netanyahu « comme une opportunité de créer du temps et de l’espace supplémentaires pour un compromis. Un compromis est précisément ce que nous appelons de nos vœux ».
« Les sociétés démocratiques sont renforcées par des freins et des contrepoids, et les changements fondamentaux d’un système démocratique devraient être poursuivis avec la plus large base possible de soutien populaire », a ajouté la secrétaire de presse de la Maison Blanche, Karine Jean-Pierre.
Plus tôt dans la journée, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby, avait déclaré que la législation que la coalition de Netanyahu avait tenté de faire avancer « va à l’encontre de l’idée même d’équilibre des pouvoirs ».
Au cours des trois derniers mois, les États-Unis ont exprimé leur inquiétude quant à l’effort de réforme judiciaire du gouvernement dans des forums publics et privés. La semaine dernière, le président américain Joe Biden a téléphoné à M. Netanyahu pour lui faire part de cette inquiétude. L’inquiétude a atteint son paroxysme dimanche lorsque Netanyahu a annoncé le limogeage du ministre de la Défense, Yoav Gallant, après que ce dernier a demandé l’arrêt de la réforme, avertissant que les protestations contre celle-ci entraînaient une dégradation de la capacité opérationnelle de l’armée israélienne.
Après une immense pression publique qui s’est traduite par 12 semaines de manifestations massives et, lundi, par l’annonce de grèves générales par la principale fédération syndicale du pays et les conseils locaux, M. Netanyahu a déclaré qu’il autorisait « un délai » afin de fournir « une véritable occasion de dialogue », mais a souligné que « de toute façon », une réforme serait adoptée pour « rétablir l’équilibre » qui, selon lui, a été perdu entre les branches du gouvernement en Israël.
Le Premier ministre « a su transformer avec de jolis mots une défaite cuisante en un match nul », affirme mardi Nahum Barnea, éditorialiste du quotidien Yediot Aharonot. « Quoi qu’il dise ou dira, peu de gens le croient, je crois que la confiance en lui n’est pas grande y compris parmi les manifestants de droite venus par milliers hier », poursuit M. Barnea, en référence à une première contre-manifestation tenue lundi soir à Jérusalem par des partisans de la réforme.
Le Premier ministre a indiqué que le « temps mort » durerait jusqu’au début de la session d’été de la Knesset, qui commence le 30 avril.
Les sénateurs américains Chris Murphy et Mitt Romney ont publié une déclaration commune et bipartisane exprimant leur soutien à l’annonce de M. Netanyahu.
« Les valeurs démocratiques partagées sont depuis longtemps à la base des relations entre les États-Unis et Israël, et nous espérons que ce délai permettra de travailler à un compromis et à une désescalade de la crise actuelle », ont déclaré les sénateurs.
Le principal démocrate de la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, Greg Meeks, a fait une déclaration similaire, ajoutant qu' »Israël est confronté à d’énormes défis en matière de sécurité nationale et doit rester concentré et uni. Il ne peut pas se permettre les blessures auto-infligées que nous avons vues se dérouler ces derniers jours ».
Les principales organisations juives américaines, qui sont généralement prudentes lorsqu’il s’agit de se prononcer sur des questions internes à Israël, mais qui s’expriment de plus en plus souvent ces derniers temps, ont publié une déclaration commune saluant la décision de Netanyahu.
« Les trois derniers mois ont été douloureux à observer et pourtant, ils constituent un cas d’école de la démocratie en action. Nous respectons les dirigeants politiques, les chefs d’entreprise, les militants associatifs, les personnalités culturelles et les Israéliens ordinaires qui sont descendus dans la rue pour exprimer leur amour du pays et leur passion pour la démocratie », peut-on lire dans la déclaration commune de la Conférence des présidents, de l’Anti-Defamation League, des Fédérations juives d’Amérique du Nord et de l’American Jewish Committee.
« Nous encourageons toutes les factions de la Knesset, qu’elles soient de la coalition ou de l’opposition, à utiliser ce temps pour construire un consensus qui inclue le large soutien de la société civile israélienne. Les dirigeants politiques israéliens doivent insister pour que le ton et le débat soient plus respectueux. L’une des caractéristiques de la démocratie est le consensus public et la considération mutuelle », ont ajouté les groupes. « Nous sommes convaincus que la résilience de la démocratie israélienne permettra de surmonter avec succès les défis considérables auxquels elle est confrontée.
Le Royaume-Uni a aussi salué l’annonce faite par le Premier ministre Benjamin Netanyahu concernant la suspension du travail législatif autour de la réforme judiciaire.
« Il est essentiel que les valeurs démocratiques partagées qui sous-tendent nos relations soient respectées », a déclaré le ministre des Affaires étrangères, James Cleverly, dans un communiqué, « et qu’un système solide de freins et de contrepoids soit maintenu ».
« Nous exhortons toutes les parties à trouver un terrain d’entente et à rechercher un compromis à long terme sur cette question sensible. »
Plus tard dans la semaine, Netanyahu devrait faire une apparition virtuelle au sommet sur la démocratie organisé par le département d’État américain, ont déclaré deux fonctionnaires américains au Times of Israel.
Israël est l’un des quelque 120 pays invités à participer à cette conférence de trois jours qui débute mardi. Netanyahu doit envoyer un discours préenregistré et participer à un panel sur les avantages économiques d’un régime démocratique, a déclaré un fonctionnaire américain, confirmant un article du quotidien Haaretz.
Les invitations ont été envoyées il y a plusieurs mois, mais Kirby a été assailli de questions lors d’un briefing plus tôt dans la journée de lundi, pour savoir si les Etats-Unis allaient interdire la participation de Netanyahu, étant donné les efforts de son gouvernement pour politiser et restreindre radicalement le système judiciaire.
Kirby a déclaré qu’il n’avait rien à dire à ce sujet.
Alors que des pays à tendance démocrate comme la Turquie et la Hongrie n’ont pas reçu d’invitation, la République démocratique du Congo et l’Inde en ont reçu et auront des représentants qui se présenteront aux côtés de Netanyahu.
Le porte-parole du département d’État, Vedant Patel, a confirmé qu’Israël était invité au sommet, comme l’année dernière, et a indiqué que l’administration disposerait de plus d’informations sur le sommet dans les jours à venir.