Yahadout HaTorah veut interdire le hametz dans les hôpitaux pendant Pessah
Des voix religieuses progressistes dénoncent la proposition du projet de loi, affirmant qu'elle aura un "effet boomerang" et éloignera les gens du judaïsme
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.
Les membres du parti ultra-orthodoxe Yahadout HaTorah ont soumis lundi un projet de loi qui vise à interdire les produits à base de levain, ou hametz, dans les hôpitaux pendant la fête de Pessah.
Les députés de Yahadout HaTorah Moshe Gafni, Yaakov Asher et Yitzhak Pindrus ont présenté un projet de loi visant non seulement à légiférer sur la question mais à imposer l’interdiction du hametz dans les hôpitaux.
« Pendant la période de Pessah, ni le hametz ni aucun autre aliment – autre que ceux qui sont conformes aux directives établies par le Grand Rabbinat d’Israël – ne pourront être introduits ou conservés dans un établissement médical », indique le projet de loi.
Le hametz a été interdit pendant des années dans les hôpitaux et d’autres institutions publiques pendant la semaine de fête, durant laquelle les Juifs s’abstiennent traditionnellement de manger des aliments à base de levain. Certains de ces établissements demandaient même aux gardes de fouiller les sacs des visiteurs pour être surs qu’aucun aliment interdit ne passe les portes de l’établissement.
En 2020, la Cour suprême a déclaré que de telles interdictions dans les hôpitaux étaient illégales, et l’année dernière, la Cour a rendu une décision similaire pour les bases militaires.
Lorsque le ministre de la Santé de l’époque, Nitzan Horowitz, a ordonné aux hôpitaux de se conformer à l’arrêt de la Haute Cour avant la fête de Pessah de 2022, la présidente de la coalition, en proie à des difficultés depuis un certain temps, Idit Silman, avait décrit cette décision comme une tentative des partis les plus libéraux du gouvernement d’affaiblir le « caractère juif » de l’État et avait quitté le navire, amorçant ainsi le début de la fin de la précédente coalition.
À l’époque et depuis, beaucoup se sont demandé si la question du hametz était vraiment ce qui avait poussé Silman à quitter la coalition ou si elle avait été incitée à faire éclater le gouvernement par le leader du Likud, Benjamin Netanyahu, qui lui avait assuré une place de choix sur la liste du parti lors des élections suivantes et l’avait même nommée ministre. Silman a nié l’existence d’un tel compromis.
Dans leurs notes explicatives, Gafni, Asher et Pindrus ont déclaré que leur projet de loi ne serait pas trop onéreux pour les patients non juifs dans les hôpitaux car « au regard des développements en matière de technologie alimentaire, il existe des alternatives casher pour Pessah pour toutes sortes d’aliments – petits pains, gâteaux, biscuits et barres chocolatées. »
Des projets de loi similaires ont été présentés par des législateurs religieux au sein de chaque Knesset depuis l’arrêt de la Haute Cour de 2020, mais aucun n’a été adopté. Le projet de loi soumis par Gafni, Asher et Pindrus est un « projet de loi privé », et non un projet de loi du gouvernement, ce qui signifie que les membres de la coalition ne sont pas obligés de voter en faveur du texte.
Le député de l’opposition et ancien ministre des Affaires religieuses Matan Kahana a estimé que le projet de loi était ridicule et pense qu’il aura presque certainement l’effet inverse, et que certains apporteront intentionnellement des produits comportant du levain pour défier la loi.
« Monsieur le Premier ministre, si vous voulez vous assurer que les gens apporteront du hametz dans les hôpitaux, veuillez accepter la demande de Gafni », a écrit Kahana dans un tweet.
L’ancien Premier ministre Yair Lapid a déclaré que le gouvernement « transformait le judaïsme en répression religieuse » et creusait un fossé dans la société israélienne avec son programme législatif.
Le parti orthodoxe progressiste Neemanei Torah VeAvoda a également critiqué la proposition, affirmant qu’elle « sèmerait la haine » et éloignerait les gens de la religion.
« En termes de loi juive, il existe un certain nombre de solutions qui ne nécessitent pas de fouiller dans les affaires personnelles des gens, comme cela a été fait dans différents hôpitaux par le passé. Les lois de ce type qui imposent la religion et s’immiscent dans la vie personnelle des gens ne rapprochent jamais les gens du judaïsme et agissent au final comme un boomerang qui affaiblit le caractère juif de l’État », a déclaré le groupe dans un communiqué.