Yair Golan : tant qu’Erdogan sera au pouvoir, ‘attendez-vous’ à des problèmes
Le chef d'état-major adjoint a rejeté les perspectives de réconciliation avec Ankara et a décrit la Turquie comme "une entité problématique"
Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Le chef d’état-major adjoint de Tsahal a rejeté la possibilité d’une réconciliation avec la Turquie et a décrit l’ancien allié d’Israël comme une « entité problématique » à l’université Bar-Ilan, jeudi soir, dans ce qui peut-être considérées comme des déclarations non-conventionnelles d’un responsable militaire.
« Tant que la Turquie est gouvernée par un parti avec une forte orientation islamiste – fondamentalement les Frères musulmans – et par un dirigeant aussi anticonformiste que [le président Recep Tayyip] Erdogan ; tant que cela sera cette situation, nous pouvons nous attendre à des problèmes et nous pouvons nous attendre à des défis », a déclaré le major-général Yair Golan.
« Je n’irai pas jusqu’à des hostilités directes, ce n’est pas sage. Cela reste un pays grand et puissant », a-t-il dit. « Même si nous n’avons pas d’intérêts identiques ni des idéologies identiques, nous avons besoin de travailler pour apaiser les tensions avec les Turcs, tout en gardant nos valeurs ».
Golan intervenait lors d’une conférence sur les défis actuels de l’armée israélienne, organisée par le centre Begin Sadate pour les études stratégiques.
« Je vois en la Turquie une entité plus problématique », a déclaré Golan.
« L’Occident est en train d’avoir une conversation complexe avec les Turcs », a-t-il ajouté. « Les Russes, il n’y pas si longtemps, avaient une conversation compliquée avec les Turcs – et le font encore. Oui, il y a certainement une certaine complexité ».
Les relations israélo-turques sont tumultueuses depuis 2009 suite à des opérations israéliennes dans la bande de Gaza et ont été gelées après que les troupes israéliennes ont attaqué une flottille à destination de Gaza en 2010 où il y avait des militants turcs à bord du navire Mavi Marmara. Les activistes ont résisté à l’embarquement et 10 d’entre eux ont été tués dans les combats qui ont suivi et plusieurs soldats de Tsahal ont été blessés.
Les déclarations de Golan ne sont pas nécessairement différentes des positions des autres membres de la communauté de la Défense, notamment celle du ministre de la Défense, Moshe Yaalon, qui a à plusieurs reprises exprimé ses réserves, sinon désaccord pur et simple, avec les négociations en cours avec la Turquie.
« Je ne suis pas sûr que cela soit possible de réussir à arranger des relations avec la Turquie. Peut-être que nous allons réussir, mais ils devront examiner nos conditions, afin de surmonter les obstacles existants », a déclaré Yaalon le mois dernier.
« La Turquie accueille à Istanbul le poste de commandement terroriste du Hamas à l’étranger. Nous ne pouvons pas accepter cela », avait-t-il pris comme exemple.
Cependant, Golan – en tant que responsable militaire – est peut-être allé trop loin en exprimant un avis sur un processus diplomatique en cours.
Il n’est donc pas clair si Golan présentait l’évaluation officielle de Tsahal sur la situation avec la Turquie ou bien s’il exprimait ses réflexions personnelles sur le sujet et une demande de clarification adressée à l’armée israélienne est restée sans réponse.
Ces commentaires pourraient découler des liens étroits entre les armées israélienne et égyptienne et l’Egypte est en conflit avec la Turquie au sujet des Frères musulmans et du Hamas depuis des années.
Bien que l’étendue de la coopération militaire d’Israël avec l’Egypte ne soit pas ouvertement abordée, les responsables militaires et politiques ont indiqué à plusieurs reprises que les liens entre les deux armées sont forts, surtout en ce qui concerne Gaza.
« Certains tunnels du Hamas ont été inondés, dans une certaine mesure, à notre demande », a révélé le ministre de l’Energie, Yuval Steinitz, a révélé le mois dernier, proposant un exemple de la coopération entre les deux pays.
Par conséquent, la réconciliation avec les Turcs « va ennuyer les Egyptiens énormément », a estimé le Dr Natan Sachs du Brookings Institution pour le Times of Israel.
« Ils ont déjà signalé qu’ils n’aiment pas ça parce que l’Egypte entretient des relations très tendues avec la Turquie et le Hamas, et les Frères musulmans », a déclaré Sachs.
Les Frères musulmans ont des liens avec le Hamas et d’autres groupes terroristes, ainsi que des parties à la ligne dure dans les pays à travers le monde arabe.
L’ancien président égyptien Mohammed Morsi faisait partie des Frères musulmans et ce dernier a été renversé par l’actuel président égyptien Abdel Fattah el-Sissi.
Donc en l’espèce, un accord avec Erdogan et la Turquie pourrait remettre en question les liens étroits entre Israël et l’Egypte en question, a expliqué Sachs.
Golan, qui a déjà servi en tant que chef du Commandement du Nord de l’armée israélienne, a également exprimé un certain degré d’optimisme au sujet des menaces sécuritaires dans un avenir proche.
« Je souhaite sincèrement pouvoir terminer 2016 sans guerre. Je pense qu’il y a une assez forte chance pour que cela arrive. Et pourquoi y en aurait-il une ? Nous avons payé assez cher pour une forte dissuasion », a-t-il conclu.